Avec le grand débat, Emmanuel Macron repart en campagne

La tournée des régions prend des allures de campagne pour Emmanuel Macron. A l’ouverture du grand débat mardi, à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure, le chef de l'Etat s’est échiné à retenir l’attention de son auditoire, optant tantôt pour la carte de l’humour, tantôt pour celle de la proximité. Durant sept heures d’échanges intensifs, le président a minutieusement choisi chaque mot, chaque expression.
"Quand il s’adresse à des startupper, Emmanuel Macron adopte leur langage et place dans son discours des mots anglais. Quand il est face à des maires d’un certain âge, il choisit des expressions argotiques", analyse le communicant Philippe Moreau Chevrolet.
On retiendra notamment la formule "ça c’est de la pipe", qui s’est introduite dans le jargon politique du président.
"Jamais aussi bon qu'en campagne"
Pour certains, la première étape du grand débat s’apparente même au meeting de La Mutualité où, en juillet 2016, Emmanuel Macron - alors ministre de l’Economie - avait franchi une étape supplémentaire sur la voie de l’émancipation politique, vers une candidature à la présidentielle. "Quand il est mis en difficulté, il est très bon. Donc là, il est au top", glisse un fidèle au Parisien. Le chef de l’Etat "n’a jamais été aussi bon que durant la campagne quand il avait ce dialogue avec les gens, les vrais gens", assure au quotidien Patrick Toulmet, délégué interministériel au Développement de l’apprentissage.
Emmanuel Macron est "un grand séducteur, il est capable de se mettre en scène, c'est une vraie performance", a reconnu Bruno Retailleau sur CNews, au lendemain de l’échange-marathon face à 653 édiles.
"C’est totalement inédit. Nous n’avons jamais vécu cela dans l’histoire de la Ve république, un président qui dans son mandat interroge les Français, les réinterroge même, puisqu’avant une campagne vous les interrogez aussi pour piloter le quinquennat, explique notre éditorialiste Christophe Barbier. On a l’impression que Macron est en pré-campagne. Il essaie de reproduire ce genre de manœuvre, d’opération, du consommateur jusqu’au producteur."
A la reconquête des Français
A l’unisson, le président et son mouvement se lancent donc à la reconquête des Français avec une opération inédite, qui n’a pas été vue depuis la campagne présidentielle de 2016: les adhérents LaREM vont distribuer dès ce samedi, et pour les trois prochains week-ends, 1 million de tracts et 400.000 affiches qui viennent d'être mis au point, et que BFMTV a obtenu.
Sur ces tracts on retrouve incontestablement l'ADN du parti, qui mise tout sur le changement, à l'image de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron. Fond de couleur bleu, jaune, rose ou vert et grosse titraille noire accompagnés d'un hashtag, ici #Cequichangeen2019.
Plusieurs mesures prises par le gouvernement y sont mises en avant, comme l'augmentation du chèque énergie, l'augmentation de 100 euros du SMIC, ou encore l'annulation de la hausse de la CSG pour les retraités touchant moins de 2000 euros par mois. Le mouvement fait la promotion du grand débat national, incitant les Français à participer à cette "opportunité unique".
Apparaissent alors un mouvement et un chef de l’Etat requinqués, dynamiques, soucieux de retisser le lien avec les Français, et particulièrement les maires qui depuis le début du quinquennat se sentent méprisés, maltraités. D'ici à la mi-mars, Emmanuel Macron a prévu de participer à une dizaine de débats avec les maires des 13 régions.
Donner des suites au grand débat
Mais gare au risque de lassitude, prévient Christophe Barbier.
"On a eu l’impression d’un début d’acte 2 du quinquennat, il faut le nourrir. Si Emmanuel Macron veut renouveler sa politique, il faut dire des choses nouvelles. Le grand débat ne peut pas se limiter à une sorte de ‘Macron-circus’, il doit faire évoluer sa stratégie au fil des rendez-vous avec les 13 régions."
Ne pas perdre l’attention des Français est un enjeu primordial, d’autant que 2 citoyens sur 3 restent sceptiques sur l’utilité de ce grand débat, selon un sondage Odoxa Dentsu consulting diffusé jeudi.
"On peut faire ce genre de choses (échanger pendant sept heures, Ndlr) mais le grand débat c'est aussi le signe d'un échec", car si Emmanuel Macron "se met en scène pendant sept heures, c'est qu'il y a eu un problème" à un moment donné par le passé, insiste Bruno Retailleau, rappelant qu'"on demande à un président de la République de trancher, de prendre des décisions". "Il est important qu'il dise quelle suite il va donner au grand débat", qui ne doit pas être simplement des "groupes de parole".