Alexandre Benalla, un faussaire et voyageur compulsif?

Christophe Castaner invoque une faille du système informatique, Jean-Yves Le Drian parle d’incompatibilités techniques entre les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. C’est ainsi que les deux ministres tentent d'expliquer les multiples anomalies impliquant l'ancien collaborateur de l'Elysée, Alexandre Benalla.
"On est confrontés à un comportement fautif d'un individu qui a peut-être profité de failles du système", a reconnu Patrick Strzoda, entendu mercredi par la commission d'enquête sénatoriale.
Passeports diplomatiques
Entre le 1er août et le 31 décembre 2018, Alexandra Benalla a utilisé ses deux passeports diplomatiques "presque une vingtaine de fois", selon Patrick Strzoda, directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, pour se rendre notamment au Tchad – où il a rencontré pendant deux heures le président Idriss Déby - et en Israël. Ces nouvelles auditions contredisent directement l'affirmation, faite par Alexandre Benalla lors de sa propre audition le 19 septembre, selon laquelle il avait laissé dans son bureau de l'Élysée les passeports diplomatiques, utilisés dans le cadre de ses fonctions de chargé de mission à la présidence de la République.
"Comment imaginer avec les services qui existent dans ce pays qu’il y ait de tels dysfonctionnements, une carence?", s’interroge Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret.
La commission d’enquête sénatoriale, qui a repris mercredi, doit faire la lumière sur les zones d’ombre qui persistent dans l’affaire Benalla, et celles-ci sont nombreuses. Outre ces deux documents diplomatiques, l’ex-collaborateur de l’Elysée aurait aussi été en possession de deux passeports de service, le premier délivré en 2016 "bien avant" son arrivée à l'Élysée, le deuxième le 28 juin 2018, a fait savoir Patrick Strzoda. Ils ont été invalidés le 31 juillet 2018.
Passeports de service et faux
Le directeur de cabinet de l’Elysée a affirmé que la demande du second passeport de service avait été faite par Alexandre Benalla au ministère de l'Intérieur par une lettre à en-tête du chef de cabinet de l'Élysée, "dactylographiée" et non signée. En clair, "nous soupçonnons une falsification faite par Alexandre Benalla". L'Élysée a saisi la justice.
"On est confronté à un monsieur qui, visiblement, utilise régulièrement des faux pour obtenir un certain nombre de titres officiels", a condamné Patrick Strzoda.
Troisième écueil: Alexandre Benalla aurait conservé un téléphone "permettant des échanges de conversations chiffrées donc sécurisées". Le directeur de cabinet a précisé avoir "déclenché une enquête interne", mardi, sur la question de la non-restitution de ce téléphone. "L'enquête est en cours, j'en aurai très vite les résultats et j'en tirerai toutes les conséquences", a-t-il assuré.
Téléphone sécurisé
Le téléphone - un Teorem fabriqué par Thales - "n'a été neutralisé que le 4 octobre", lorsque les services gestionnaires de ces appareils ont constaté qu'il "était manquant", à l'occasion d'"un inventaire périodique". Au moment de son licenciement, l'ancien chargé de mission "aurait dû rendre ce combiné". "En l'occurrence l'obligation n'a pas été respectée", a souligné Patrick Strzoda.
Après cette première série d’auditions, Alexandre Benalla sera entendu lundi par la commission d’enquête sénatoriale. Pour son président, Philippe Bas (LR), et ses rapporteurs Jean-Pierre Sueur (PS) et Muriel Jourda (LR), il s'agit d'aller jusqu'au bout du travail, avec l'objectif de déterminer s'il y a eu des dysfonctionnements dans les rouages de l'Etat.
Parallèlement, l'affaire se poursuit sur le terrain judiciaire: outre l'enquête sur les violences du 1er mai, le parquet a ouvert le 29 décembre une seconde enquête, cette fois sur les passeports diplomatiques.