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TOUT COMPRENDRE - Nanterre: que peuvent faire les forces de l'ordre en cas de refus d'obtempérer?

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Un jeune homme de 17 ans a été tué par un policier, ce mardi matin, lors d'un contrôle routier à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine.

Un adolescent de 17 ans a été tué, ce mardi matin à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, par un policier qui a fait usage de son arme lors d'un contrôle routier. Touché au thorax, le jeune homme a succombé à ses blessures malgré l'intervention des secours.

Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Paris pour faire toute la lumière sur les faits. La première a été ouverte pour "refus d'obtempérer" et "tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique", a été confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine. La seconde enquête, ouverte pour "homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique", a été confiée à l'inspection générale de la Police nationale (IGPN). Le policier qui a tiré a été placé en garde à vue en fin de journée.

La version fournie par une source policière évoque un cas de légitime défense face à un refus d'obtempérer. Une version contredite par une vidéo diffusée par les réseaux sociaux montrant le policier, qui a fait usage de son arme, placé sur le côté du véhicule au moment du tir. L'enquête de l'IGPN devra déterminer dans quelles circonstances le policier a fait usage de son arme et s'il y a, ou non, légitime défense.

• Qu'est-ce qu'un refus d'obtempérer ?

Un refus d'obtempérer, selon l'article L233-1 du code de la route, c'est le fait pour le conducteur d'un véhicule de ne pas s'arrêter à la sommation d'un agent des forces de police ou de gendarmerie. Cette infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende, une peine qui peut être alourdie d'une suspension ou annulation du permis de conduire jusqu'à trois ans, voire de la confiscation du véhicule.

Il ne faut pas confondre le refus d'obtempérer avec le délit de fuite qui désigne, selon l’article 434-10 du code pénal et à l'article L-231-1 du code de la route, le fait pour le conducteur d'un véhicule de causer un accident, d'en avoir connaissance et de s'enfuir. Ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.

• Quelles sont les possibilités en cas de refus d'obtempérer ?

En cas de refus d'obtempérer, les forces de l'ordre ont plusieurs possibilités pour tenter d'arrêter un véhicule. Les policiers peuvent décider "de prendre en charge un véhicule", c'est-à-dire de le suivre pour tenter de le stopper. Dans ce cas-là, "on doit utiliser les avertisseurs sonores et lumineux", explique Thierry Audouin, secrétaire national adjoint d'Alternative Police-CFDT.

Mais les situations sont évaluées au cas par cas, poursuit Thierry Audouin. "Il faut s'adapter selon le comportement du conducteur et les circonstances". "On prend un véhicule en charge, uniquement s'il n'y a pas de risque pour la vie des policiers, celle d'autrui, et même celle des fuyards", complète Éric Henry, délégué national du syndicat Alliance Police Nationale.

Et Thierry Audouin donne deux exemples. D'abord, celui d'un conducteur, qui aurait grillé un feu et qui s'enfuit. "Si le conducteur prend des risques fous, le risque est réel, il pourrait nous blesser ou faucher un piéton, dans ce cas-là, on abandonne la prise en charge", explique-t-il. Dans le cas où les forces de l'ordre décident de ne pas prendre en charge un automobiliste qui a refusé d'obtempérer, ils notent la plaque d'immatriculation pour le convoquer ou l'interpeller plus tard.

"À l'inverse, si un conducteur qui vient de commettre un crime ou un attentat tente de s'enfuir, on le prend en charge, car il pourrait réitérer son geste", ajoute Thierry Audouin. Si les forces de l'ordre ne parviennent pas à arrêter le véhicule, ils peuvent mettre en place des barrages quelques mètres ou kilomètres plus loin. Dans l'arsenal des forces de l'ordre, il y a également ce qu'on appelle les "stop stick". Il s'agit d'un dispositif de dégonflage des pneus.

"Ça ne neutralise pas un véhicule d'un coup, mais ça le stoppe au bout de quelques mètres", détaille le secrétaire national adjoint d'Alternative Police-CFDT.

En France, les forces de l'ordre ne peuvent faire usage de leur arme "qu'en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée", selon le code de la sécurité intérieure.

Les policiers sont autorisés à tirer "lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules (...) dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui", précise la réglementation. Autrement dit, il faut que le conducteur menace physiquement la vie d'un agent ou qu'un tiers soit susceptible d’être blessé dans la fuite. C'est dans ce cas qu'entre en jeu la légitime défense.

Quand un policier fait usage de son arme, c'est parce qu'il n'a pas le choix, c'est pour mettre fin à la dangerosité d'un individu, pour se sauver ou pour sauver quelqu'un d'autre", selon Thierry Audouin.

En revanche, si le refus d’obtempérer ne met pas en danger la vie des policiers ou la vie d’autrui, les forces de l’ordre n'ont pas le droit de faire usage de leur arme. Si ces conditions sont remplies, les forces de l'ordre peuvent tirer après deux sommations formulées à haute voix.

En 2022, 25.822 refus d'obtempérer ont été enregistrés par les forces de l'ordre, contre environ 27.700 en 2021, a fait savoir une source policière à BFMTV. Selon cette même source, le recensement sur l'usage de l'arme administrative pour des tirs sur des véhicules en mouvement atteignait 153 en 2022, contre 157 en 2021. L'an dernier, 13 décès ont été enregistrés après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers, un chiffre inédit, a ajouté une source policière. 

Manon Aublanc