"J'ai besoin de savoir": la sœur de Joël Le Scouarnec en quête de réponses sur la pédocriminalité de son frère

Pour Annie Le Scouarnec, son frère ne peut pas être dans le box des accusés, jugé pour 299 faits de viols et d'agressions sexuelles, par hasard. "J’ai fait un peu des recherches sur la pédophilie, et je pense qu’on ne devient pas pédophile par hasard, je pense qu’on a été abusé soit même", avance la septuagénaire, entendue en visioconférence ce jeudi 27 février par la cour criminelle du Morbihan.
Les questions de la cour étaient nombreuses à Annie Le Scouarnec, dont le frère a déjà été condamné pour le viol et l'agression sexuelle de ses deux filles. Mais la femme aux cheveux noirs et aux yeux clairs avait visiblement besoin de réponses. "Je voudrais lui demander une explication, Joël j’ai besoin de savoir ce qu'il t’est arrivé pour en arriver là. Dis-moi si notre père a eu des gestes sur toi, ou quelqu'un qu’on ne connaît pas. Dis-moi la vérité, j’ai besoin de savoir", supplie-t-elle.
"Je voudrais dire à ma sœur qui m’interrogeait comment je suis devenu un pédophile puis un pédocriminel, je ne sais toujours pas. Ce dont je suis certain, je le répète, je n'ai jamais subi la moindre agression de la part de qui que ce soit", réaffirme Joël Le Scouarnec, sans afficher d'émotion.
La sœur au courant dès 2000
Au travers l'audition d'Annie Le Scouarnec, la cour criminelle est un peu plus plongée dans les silences de cette famille, où les victimes de violences sexuelles sont nombreuses. À commencer par cette sœur de 72 ans qui confie le viol dont elle a été victime à l'âge de 14 ans. "J'avais un petit ami, un jour, il a invité un copain à lui. On est allé se promener et c’est là que ça s’est produit", souffle-t-elle. Ce souvenir douloureux, Annie Le Scouarnec ne l'a confié que récemment à ses deux filles.
Pourtant, et c'était tout l'enjeu de la présence de la sœur du chirurgien, dès l'année 2000, sa plus jeune fille lui confie les abus que lui a fait subir son oncle. La petite fille a une dizaine d'années.
"Avec ses mots d’enfant, elle m'a dit qu’elle a été victime d’agression", se souvient Annie Le Scouarnec.
Le lendemain, elle confronte son frère lors d'un trajet en voiture. "Ma fille m’a dit que quelque chose s’était passé avec toi. Il m’a dit 'oui et Marie-France est au courant'. Pour moi ça voulait dire qu’elle était au courant pour ma fille. Dans les années 2000, jusqu’à son interpellation, pour moi il n’y a pas eu de victimes. Je me suis trompée, mais je vous raconte les faits", explique-t-elle.
Annie Le Scouarnec reconnaît plusieurs erreurs. Elle a été pressée de questions sur l'absence de plainte de sa fille à cette époque. "Je ne me suis pas rendue compte que c’était quelqu'un de dangereux. C’était quelque chose qu’il avait fait à un moment donné et il allait se faire soigner et voilà…", tente-t-elle d'expliquer. A l'époque, une psychologue lui parle si elle va porter plainte. La mère de famille répond pas la négative. Des années plus tard, elle apprendra que son aînée à aussi été victime.
La "cruauté" de l'épouse
Pourquoi ne pas l'avoir dénoncé? Un manque d'information est évoqué mais aussi le contexte familial, évoque Annie Le Scouarnec. En 2017, quand son père apprend l'interpellation de Joël Le Scouarnec, il commente par un simple "il n'y a pas mort d'homme", balayant la gravité des faits.
Il y a aussi la réaction de Marie-France Le Scouarnec en 2000 ou en 2012, quand Annie Le Scouarnec la questionne sur les abus commis par le grand-père sur l'un de ses fils. "J’ai appelé Marie-France pour lui dire 'c’est horrible ce que tu m’a appris hier'. J’en avais gros sur le cœur. Elle m’a répondu 'bah oui c’est comme ça'", se désole-t-elle. Annie Le Scouarnec dénonce alors les "mensonges" de son ex-belle-sœur tenus la veille lors de son audition et la "cruauté" envers sa famille et les victimes.
Aujourd'hui, Annie Le Scouarnec confie sa "culpabilité". "Je ressens de la culpabilité pour toutes les victimes après 1990. Dans ces victimes, il y a le petit Mathis, vis-à-vis de ses grands-parents, de ses parents." Après avoir été opéré par Joël Le Scouarnec à l'âge de 9 ans, l'adolescent est tombé dans les addictions et est décédé à l'âge de 24 ans d'une overdose. Ses grands-parents considèrent Joël Le Scouarnec comme le responsable de son décès. La septuagénaire regrette de "ne pas avoir fait le lien" entre les abus subis par sa fille et son neveu mais aussi avec la perquisition en 2004 du domicile de son frère dans le cadre d'une enquête pour détention d'images pédopornographiques. "Il m'a parlé d'erreur", souffle-t-elle. Elle l'a cru.