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"J'ai envie de dormir la nuit": au procès Le Scouarnec, l'éprouvante désinvolture de son ex-femme

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Marie-France Le Scouarnec a été longuement interrogée par la cour criminelle du Morbihan qui juge son ex-mari pour 300 faits de viols et d'agressions sexuelles. Elle maintient n'avoir jamais rien su des penchants pédophiles de Joël Le Scouarnec.

Marie-France Le Scouarnec savait-elle quelque chose des penchants pédophiles de son ex-mari? Non, le jure-t-elle main sur le cœur. Souhaite-t-elle savoir précisément ce qu'on reproche à l'ancien chirurgien, jugé pour 300 faits de viols et d'agressions sexuelles sur des patients, quasi tous mineurs?

"Non, je veux me préserver car j’ai envie de dormir la nuit", rétorque-t-elle à la présidente de la cour criminelle du Morbihan qui, face au détachement affiché par la septuagénaire, veut la confronter aux récits et aux photos de son ex-mari.

L'audition de Marie-France Le Scouarnec ce mercredi 26 février était particulièrement attendue par la cour, l'accusation et les parties civiles. Pourtant, elle n'a bien failli pas avoir eu lieu, tant la septuagénaire, porteuse d'un masque chirurgicale et d'une perruque, affichait en milieu d'après-midi une voix cassée à peine audible. La faute, selon elle à une "pneumopathie microbienne", et un "asthme chronique". À la fin de son audition, dans la soirée, elle parlait d'une voix quasiment normale, piquée au vif par les questions posées.

"Ce n'est pas marqué sur sa tête"

Marie-France Le Scouarnec, mise en cause par le frère de Joël Le Scouarnec en début d'après-midi, n'avait pas envie d'être présente devant cette cour, elle ne s'en est pas cachée. "On nous rend responsables de tout, c’est trop lourd, vous êtes en train de nous assassiner. Ce que vous nous demandez, c’est de la violence", se plaint-elle face aux multiples questions de la présidente. La principale étant sur ce qu'elle savait des abus commis par celui qu'elle appelle toujours "mon mari", malgré un divorce prononcé au bout de sept ans de procédure.

Marie-France Le Scouarnec est brouillé avec de nombreux membres de sa famille: sa soeur, "une pintade", son ex beau-frère, "un alcoolique", sa belle-fille, "une chieuse". Au fil de son audition, ses déclarations sont gênantes, la plus dérangeante étant sur ses deux nièces qu'elles qualifient de "menteuses". Les deux ont été reconnues victimes de leur oncle par la justice. "Quand j’ai appris qu’elle était victime, je me suis dit 'c’est pas possible, elle l’a fait chanter'", s'agace-t-elle.

"Vous pensez qu’elle a manipulé votre mari?", s'étonne la présidente. "Allez savoir, elle est tortueuse cette gamine.... Mon fils m’a dit ‘il y a des enfants qui sont attouchés et qui aiment bien ça'". C'en est trop pour les parties civiles dont certaines doivent sortir de la salle de retransmission. Pour montrer la réalité du dossier, la présidente propose la diffusion d'images de l'une des nièces. Les photos de la fillette nue, de ses parties intimes s'affichent sur les écrans de la salle d'audience. Le septuagénaire se tasse sur son banc. Son ex-femme réagit à peine.

Marie-France Le Scouarnec, qui a épousé Joël en 1973, n'arrive pas à se détacher du "bon mari", de l'homme "tendre". Celui qui lui a permis de "manquer de rien". Les relations se sont pourtant dégradées. Joël Le Scouarnec la range au rang de "boniche". Mais elle reste, notamment pour "protéger" ses fils "financièrement". Comment expliquer ce changement dans leur couple? Elle ne peut le faire, assure-t-elle.

"Notre intime conviction est que vous saviez et que vous n'avez rien dit par convenance personnelle et matérielle", balaie une avocate aux côtés des parties civiles.

Avachie dans sa chaise, mais, micro à la main, ferme, voire hautaine à certains moments dans ses réponses, Marie-France Le Scouarnec va nier, et nier encore avoir eu des soupçons sur son mari. "Ce n’était pas marqué sur sa tête. Je n’ai jamais eu de doutes, il n’y avait rien qui pouvait le laisser penser", maintient la septuagénaire rejetant tous les éléments que la cour lui présente pour la confronter. Au point que des avocats jugent qu'elle joue "la comédie".

"Je ne vois pas le mal"

Les poupées dont se serait débarrassée Marie-France Le Scouarnec au grand dam de son mari qui s'en épanche dans ses journaux intimes? "Il n'y en avait pas chez nous", rétorque la septuagénaire. Les écrits, toujours de Joël Le Scouarnec, dans lesquels il écrit en 1996 "elle sait que je suis pédophile"? Ce fameux "elle" qualifie "la conscience" du chirurgien, pour son ex-femme qui dit avoir découvert dans le garage familial une feuille blanche sur laquelle étaient écrits des "titres pornographiques".

Et ces revues naturistes mettant en scène des relations sexuelles avec des enfants qu'elle aurait découvert dans l'armoire de son mari, comme il l'affirme encore?

"Mais jamais! Jamais! Je vous regarde droit dans les yeux madame la présidente", se drappe-t-elle dans son honneur.

Pourtant en 2004, son domicile est perquisitionné alors que Joël Le Scouarnec a consulté des sites pédopornographiques. "Je suis allée faire des commissions, quand je suis rentrée avec l'un de mes fils, il était dans le salon", se souvient-elle. "Il m'a dit que c'était une erreur", assure Marie-France Le Scouarnec ce mercredi. En 2017, lors de l'interpellation de son ex-mari pour les faits de viol sur sa petite voisine, elle disait pourtant que son époux avait reconnu les faits devant elle. Une version donnée sous la pression des gendarmes, explique-t-elle.

Si Marie-France Le Scouarnec assure que si elle avait su pour les actes pédocriminels de son mari, elle l'aurait "trainé chez les gendarmes". D'autres l'ont su avant elle. Sa nièce? "C’est une menteuse, c’est l’une des premières victimes, elle aurait dû parler. Si elle était toujours au cou de son oncle, elle aurait pu le dénoncer". Sa belle-sœur? "Je pense que si ma belle-sœur avait parlé, on n'en serait pas là", estime Marie-France Le Scouarnec se dédouanant d'avoir entretenu une omerta familiale. Joël Le Scouarnec reste le plus souvent la tête baissée.

"S’il s’est marié avec moi, c’est parce que je suis bienveillante, je ne vois pas le mal. Je pense qu’il a abusé de ça. Je suis hyperactive", résume-t-elle pour expliquer son ignorance des faits.

Une victime parmi les autres

Face à ce déni affiché, la présidente de la cour tente d'aller plus loin et évoque les récits faits par l'ex-chirurgien au sujet de sa petite-fille. L'avocat général va plus loin, ne faisant pas l'économie de la lecture de tous les détails. "C'est abject", tranche Marie-France Le Scouarnec. Elle semble découvrir aussi les pratiques zoophiles de Joël Le Scouarnec.

"Vous vous rendez compte de ce que vous dites? Des photos avec des chiens? Oh non! Mes pauvres chiens! Et après quoi? Les morts?", s'émeut-elle. Le plus gros choc pour elle sera la diffusion d'un photomontage de l'un de ses fils nu, retrouvé dans l'ordinateur du père. Elle semble alors au bord du malaise. "On ne touche pas à mes enfants", plaide celle qui n'a pas confronté son ex-beau-père quand elle a appris les abus qu'il a fait subir à son fils cadet.

"Je suis sonnée je ne pensais pas qu’un homme soit capable de tout ça", finit-elle tout de même par admettre en toute fin d'audience.

Marie-France Le Scouarnec n'a finalement que peu de mots pour les parties civiles. Elle qui se présente souvent comme une victime, au même titre qu'elles. "Les victimes si elles sont victimes, elles sont victimes comme moi", soutient-elle provoquant la sidération parmi les parties civiles.

À plusieurs reprises, la septuagénaire revient sur les faits incestueux commis par ses oncles à son enfance. Puis les viols sous soumission, les violences, dont elle accuse l'un de ses ex-compagnons. "Qu’est-ce que je peux dire? Que je compatis (avec les parties civiles, NDLR). J’ai été victime deux fois, enfant. J’ai été battue, j’étais couverte de bleus, j’ai été jetée sur la route. Voilà ma colère actuellement", scande-t-elle.

"Est-ce qu'il y aurait des victimes qui sont plus victimes que d'autres, mais nous sommes à égalité", conclut-elle face à une salle des parties civiles encore très remplie après cinq heures d'audition.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV