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Police-Justice

L'accusé s'est-il vanté d'avoir "commis le crime parfait"? Au procès de Cédric Jubillar, ses anciens codétenus divisés

Cédric Jubillar au procès du meurtre de son épouse Delphine, le 23 septembre 2025 à la cour d'assises du Tarn, à Albi

Cédric Jubillar au procès du meurtre de son épouse Delphine, le 23 septembre 2025 à la cour d'assises du Tarn, à Albi - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP

Ce mercredi 8 octobre après-midi, au procès de Cédric Jubillar à Albi (Tarn), cinq anciens codétenus ont témoigné successivement. Les uns racontent que le peintre-plaquiste s'est "vanté" du meurtre, les autres nient ou ne se souviennent pas.

Les uns disent "oui", les autres disent "non", un autre encore ne "se souvient pas". Ce mercredi 8 octobre, tout l'après-midi, cinq anciens codétenus de Cédric Jubillar ont témoigné à la barre ou en visioconférence. Et leurs dépositions sont à l'image de ce qu'est le procès du peintre-plaquiste depuis le 22 septembre, jour de son ouverture: un labyrinthe dans lequel il est difficile de démêler le vrai du faux.

Tous ont côtoyé Cédric Jubillar lors d'un passage à l'isolement, à la prison de Toulouse-Seysses. Dans ce quartier où les cellules sont alignées les unes avec les autres, les détenus ne peuvent pas se voir. En revanche, à la nuit tombée, expliquent-ils, ils se parlent à travers leurs fenêtres respectives.

Le premier qui témoigne en visioconférence, ce mercredi, assure que Cédric Jubillar n'a jamais dit avoir tué son épouse: "Je lui ai demandé une seule fois s'il avait tué sa femme, il m’a dit 'non, c’est la mère de mes enfants'."

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Lui aussi interrogé en visioconférence depuis le centre pénitentiaire de Béziers, un second codétenu n'a lui non plus "jamais entendu Monsieur Jubillar dire qu'il a tué sa femme". "Beaucoup de choses qui se sont dites ne sont pas vraies", affirme-t-il en préambule de sa déposition.

"Par rapport aux faits dont il est accusé, qu'est-ce qu'il a pu vous dire?", insiste la présidente, Hélène Ratinaud. "Rien", répond-il avant d'ajouter que leurs échanges à ce sujet s'étaient limités à: "Oh Jubillar, tu passes à la télé. Est-ce que c’est toi qui l’a tuée? - Non."

"Voilà, sans plus. Les gens se confient pas comme ça à n’importe qui. Ça se passe pas comme ça", indique-t-il, passablement agacé par les questions de la cour. "De la façon dont il parle, je le trouvais pas assez intelligent pour faire ce genre de choses", juge-t-il, "sans vouloir l'insulter".

"Il a dit 'j'ai pété les plomb'"

Le troisième témoin "ne comprend même pas" pourquoi il est convoqué. Lui aussi connecté depuis son établissement pénitentiaire, il soutient n'avoir "aucun élément à apporter" à propos de l'affaire Jubillar. Lors d'une audition par les gendarmes, en décembre 2021, il avait pourtant déclaré avoir entendu Cédric Jubillar lancer sur le ton de l'humour avoir "commis le crime parfait". "Je m'en souviens pas du tout", se borne-t-il à répéter.

A-t-il entendu l'accusé dire, comme l'affirme un autre codétenu, "Marco", qu'il s'était débarrassé du corps de Delphine Jubillar? Non, clame-t-il. "Marco", justement, pour lui, "c’est la dernière personne qu’il faut écouter, il est complètement malade. C’est un mythomane, il est fou."

Le fameux "Marco", libre depuis octobre 2021, avait fait planer le doute sur sa venue au triunal d'Albi ce mercredi. Il s'avance finalement à la barre en milieu d'après-midi et déballe un discours très confus que même la présidente a du mal à démêler. En reprenant sa déposition, Me Laurent Boguet, avocat des enfants Jubillar, parvient néanmoins à rendre plus audible son témoignage.

On comprend alors que Cédric Jubillar lui aurait confié, un jour, s'être "débarrassé de l'autre" (à comprendre, de son épouse) après l'avoir surprise en train d'envoyer un message à son amant.

"Il a dit 'j’ai pété les plombs, je m’en suis débarrassé, j’ai vrillé'. C’est sorti cash", relate "Marco" à la barre.

Le peintre-plaquiste aurait ensuite confié avoir enterré le corps près d’une "ferme qui a brûlé à côté d’un grand arbre" et parlé d'un couteau "jamais retrouvé". Il lui aurait même demandé de l'aider à faire passer l'amant de Delphine pour le coupable en mettant l'ADN de ce dernier sur le corps de son épouse. "Vous nous affirmez que vous ne mentez pas?", le relance Me Malika Chmani, avocate côté parties civiles. "À 100%", réplique-t-il.

Pour l'accusé, l'allusion à la ferme était une "blague"

À ce stade, l'on pouvait encore hésiter sur le crédit à donner aux propos de "Marco", le seul à soutenir que l'accusé s'est vanté du meurtre. Un dernier témoignage est cependant venu semer à nouveau le doute, celui d'un cinquième ex-détenu placé à l'isolement en même temps que Cédric Jubillar, et remis en liberté depuis. "On va pas se mentir, pour nous, c’est lui. Il a dit à la fenêtre: 'j’ai fait le crime parfait'. Quarante détenus l’ont entendu, si vous voulez savoir!", lance-t-il en levant la main gauche, comme pour appuyer sa bonne foi.

Comme le témoin précédent, il explique avoir entendu Cédric Jubillar parler d'un couteau qui n'a jamais été retrouvé. D'après lui, en détention, l'accusé "se vantait" d'être "la star du Tarn". "Excuse-moi, t’es accusé de meurtre, t’es une star? Non, sinon tu serais pas ici", clame-t-il encore. Quelques rires fusent dans la salle.

Dans cet enchevêtrement de versions, Cédric Jubillar, lui, garde une attitude constante. Il suit attentivement ce que dit chaque témoin et semblerait imperturbable si sa jambe n'était pas agitée de soubresauts nerveux. Interrogé à propos de la fameuse "ferme qui a brûlé", il se lève et reconnaît avoir mentionné ce lieu à "Marco", mais seulement pour qu'on le laisse tranquille. "Il me gavait à me poser tous les jours la question", commente le mis en cause depuis son box. "C'était une blague?", demande la présidente. "Oui, c'était une blague", répond-il.

L'accusé devrait s'exprimer plus longuement lors de son interrogatoire, prévu ce vendredi, soit une semaine avant d'être fixé sur son sort.

Elisa Fernandez