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"J'ai encore la boule au ventre": l'inquiétude des agents pénitentiaires après les attaques de prison

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Les prisons ont à nouveau été la cible de violences dans la nuit de ce mardi à mercredi 16 avril dans les Bouches-du-Rhône et en Seine-et Marne. Des attaques condamnées par le président de la République et pour lesquelles le parquet national antiterroriste s'est saisi.

"Ça fait un peu peur". Après Agen, Nanterre ou encore Toulon, c'est la prison de Tarascon qui a été visée par des attaques. Dans la nuit du mardi 15 au mercredi 16 avril, ce sont trois véhicules qui ont été incendiés vers 5h20 du matin sur le parking du centre de détention situé dans les Bouches-du-Rhône.

Selon le procureur de la République de Tarascon, l'un d'entre eux appartenait à un agent pénitentiaire en service et un autre à une entreprise travaillant au sein de l'établissement pénitentiaire. Si aucune inscription n'a été retrouvée, ce mode opératoire ressemble à celui observé ces derniers jours dans plusieurs autres prisons.

En Seine-et-Marne, ces mêmes inscriptions "DDPF" sont découvertes en pleine nuit dans le hall de l'immeuble d'une surveillante.

"Je suis venu un peu plus tôt pour être avec les collègues et les rassurer un peu. Là, je vous parle et j'ai encore la boule au ventre, je tremble un peu", confie anonymement un agent pénitentiaire à BFMTV.

Ce dernier affirme par ailleurs "ne pas avoir peur" d'aller travailler au centre de détention, "parce qu'on est là pour la sécurité donc ça ne nous fera pas peur. Je vous dis la vérité ça ne me fait pas peur. Ça fait juste... Ce qu'il y a eu... Ça fait un peu peur, on va dire. Mais sinon, au fond de nous, on n'a pas peur".

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"On est stupéfaits"

Nicolas Capron, représentant syndical FO, confie à notre micro que les agents pénitentiaires de Tarascon sont "stupéfaits déjà dans un premier temps. Moi, je trouve que ce sont des actes de terrorisme qui doivent être sévèrement condamnés."

"J'ai toute confiance en ma hiérarchie. Notre directeur interrégional était là dès ce matin pour nous épauler. Je pense que tout le nécessaire sera fait", poursuit-il. "J'ai toute confiance en la justice de mon pays pour que ces gens-là soient retrouvés, traqués, jugés et condamnés".

La veille, ce sont deux agents pénitentiaires de la prison de Toulon-La Farlède, visée dans la nuit de lundi à mardi par des tirs à l'arme automatique, qui ont témoigné sur notre antenne.

"On pensait que c'était des feux d'artifice, mais ça a duré moins de dix secondes", confie Rayane à BFMTV. Lui et sa collègue Yasmine ont découvert après l'attaque une collègue à la porte principale, cachée sous un bureau: "cela a été compliqué de la voir tremblante et en état de choc".

"Il faut qu'on soit aux aguets parce qu'on a compris que le danger se trouve à tout moment et n'importe où, que ce soit chez nous ou au travail, donc on vit dans la peur en fait", confie-t-elle encore. Les agents et leurs collègues se sont vu proposer un suivi psychologique.

"On devient paranoïaque"

Édouard aussi redouble de vigilance. Celui qui escorte tous les jours des détenus s'engouffre immédiatement dans sa voiture aux vitres teintées en sortant du travail.

"Je fais attention à ne pas être suivi, je regarde à la sortie de l'établissement que personne ne nous regarde, que personne n'essaie d'entraver la route, aujourdh'ui on devient un peu paranoïaque", confie-t-il à RMC-BFMTV.

Son collègue Anthony, surveillant depuis dix ans, n'a jamais vu ses proches aussi inquiets pour lui. "Ma mère m'appelle à chaque fois que je sors du travail pour savoir si je suis bien rentré. Le danger il exisait déjà sauf qu'aujourd'hui on constate qu'avec ce niveau de vilence, plus personne n'a peur de passer à l'acte", explique-t-il.

Le surveillant pénitentiaire dénonce notamment les attaques qui se sont produites au domicile de certains personnels. "Quand on touche à la maison, cela devient rès grave. Ils arrivent à savoir où on habite, combien d'enfants, quelle voiture. La raison qui pourrait me faire arrêter cette profession c'est si jamais mes enfants sont trop impactés. Je n'auras pas le choix que d'arrêter", reconnait-il.

Les deux collègues envisagent sérieusement de démissionner, surtout si leurs collègues continuent d'être attaqués à leur domicile.

"La série noire continue"

Deux autres attaques se sont produites la nuit de mardi à mercredi, à savoir l'incendie du véhicule d'un représentant du personnel du centre pénitentiaire d'Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) devant son domicile ainsi qu'un départ de feu dans le hall d'immeuble dans lequel habite un agent pénitentiaire en Seine-et-Marne.

"La série noire continue", déplore Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat de surveillants pénitentiaires UFAP-UNSA justice. "Ça ne peut pas durer parce que les personnels derrière ne peuvent pas exercer leur mission convenablement dans de telles conditions".

Dans un message publié sur le réseau social X, Emmanuel Macron a promis que les auteurs de ces attaques "seront retrouvés, jugés et punis". Le parquet national antiterroriste (Pnat)enquête sur l'ensemble des attaques contre des prisons répertoriées depuis dimanche.

Pierre Barbin et Hugues Garnier