Fronde des policiers: la crainte de la contagion du mouvement

Les rangs policiers toujours plus soudés derrière leurs quatre collègues mis en examen pour des soupçons de violences à Marseille, derrière celui placé en détention provisoire. Dans les premiers jours limité aux commissariats de la cité phocéenne, le mouvement de protestation des policiers s'étend désormais dans tout le sud de la France. Et gagne l'Ile-de-France.
Effectifs de jour, ceux de la nuit, ceux des Brigade anticriminalité, des Compagnies de sécurité intérieure, des Brigades spécialisée de terrain, des CRS autoroutières ou même des brigades équestres... l'ensemble des services à Marseille sont touchés par une vague d'arrêts maladie couplée à l'application du code 562 qui équivaut à un service minimum - les policiers n'ayant pas le droit de grève. Seuls les appels 17 et les urgences sont gérées.
Entre 400 et 600 arrêts maladie, selon un syndicat
Le mouvement est difficile à chiffrer: le ministère de l'Intérieur, la préfecture de police de Marseille ou celle de Paris ne communique aucun chiffre. Selon ceux communiqués par les syndicats, lundi, les BAC marseillaises comptaient 100% d'absents, soit en raison des congés mais surtout des nombreux arrêts maladie pour "état d’anxiété chronique avéré", à la suite de la mobilisation des effectifs pour gérer les nuits d'émeutes ou après le placement en détention provisoire de leur collègue.
Toujours selon des chiffres fournis par le syndicat Unité SGP Police FO, entre 400 et 600 policiers étaient en arrêt maladie dans l'ensemble du département des Bouches-du-Rhône. Une donnée difficile à consolider, ces congés pouvant être pour une journée, une semaine, des policiers ayant pu avoir déjà repris le travail. Dans le Var et les Alpes-Maritimes, on en comptait entre 80 et 100. Dans le Vaucluse, et désormais le Gard, une quarantaine.
"La Direction départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône s’efforce de tenir les commissariats ouverts, parfois avec très peu d’effectifs", explique un policier.
Le mouvement s'étend à Paris
Dans les départements du sud-est de la France, mais aussi dans les autres départements, c'est l'appel lancé par Unité SGP Police FO à appliquer le code 562 dans les commissariats qui est massivement suivi. En Ile-de-France, selon le syndicat, 80% des policiers de la sécurité publique se sont mis en "position d'attente". Fait plus rare, 20% au sein des unités de maintien de l'ordre, comme les CRS.

Dunkerque, Bar-le-Duc, Saint-Etienne, Strasbourg, Bordeaux, Verdun, Pau... de nombreux commissariats ont répondu aussi à cet appel. Fait encore plus rare, des effectifs de la police judiciaire ou de Frontex, l'agence de l'Union européenne chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures, se sont associés au mouvement de protestation.
"Les crises dans la police se succèdent de plus en plus vite. Et parce qu’on nous en demande beaucoup, constate Christophe Rouget, commandant de police et secrétaire général du Syndicat des cadres de sécurité intérieure. Les policiers sont fatigués, ils veulent juste faire leur travail correctement."
"La coupe est pleine"
45.000 forces de l'ordre ont été déployées pendant plusieurs nuits consécutives partout en France pour gérer les émeutes début juillet. Dans un communiqué qui avait fait polémique, les deux syndicats majoritaires Alliance et Unité SGP Police FO avaient appelé les pouvoirs publics à plus de fermeté pour combattre des "nuisibles". Avant cela, les policiers avaient dû faire face à plusieurs journées de mobilisation contre la réforme des retraites en marge desquelles des violences s'étaient produites.
"Le placement en détention provisoire de notre collègue a vraiment été la goutte d'eau, la coupe est pleine, explique Bruno Bartoccetti, responsable de la zone Sud du syndicat Unité SGP Police FO. Ca devient très dur pour le policier qui a accumulé de nombreuses heures de travail pour rétablir l'ordre, et ça se retourne contre lui." Les policiers ne décolèrent pas non plus contre l'incarcération du policier auteur du tir mortel sur Nahel."Le sentiment qui ressort, c'est celui d’abandon de la police", abonde son collègue Jean-Christophe Couvy.
Désormais, les policiers attendent des réponses du pouvoir. Si le soutien de leur patron, le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux a été salué, Emmanuel Macron, le président de la République a dit entendre "l'émotion" des policiers tout en rappelant que nul n'est au-dessus des lois. Silencieux depuis deux jours, le ministre de l'Intérieur a seulement dit "avoir une très grande confiance" en son directeur de la police.