Marseille: quatre policiers mis en examen pour violences en réunion, l'un d'eux placé en détention provisoire

Les locaux de l'IGPN à Marseille, en juillet 2023. - BFM Marseille Provence
Ils sont soupçonnés d'avoir roué de coups un jeune homme à Marseille en marge des émeutes ayant embrasé la France début juillet: quatre policiers ont été mis en examen et l'un d'eux placé en détention provisoire, suscitant la colère des syndicats.
Les quatre fonctionnaires -deux membres de la brigade anticriminalité (Bac) Sud et deux de la BAC centre- ont été mis en examen dans la nuit de jeudi à vendredi pour violences en réunion par personne dépositaire de l'autorité publique avec usage ou menace d'une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 5 juillet.
Quatre jours plus tôt, alors que le centre de Marseille était en proie aux violentes émeutes qui avaient suivi la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué par un policier à Nanterre lors d'un contrôle routier, ils auraient passé à tabac un jeune de 21 ans, selon le témoignage de ce dernier dans La Provence.
60 jours d'ITT
Sur son lit d'hôpital, quelques jours après les faits, Hedi avait affirmé avoir reçu un tir de LBD dans la tempe, avant d'être frappé par un groupe de quatre à cinq personnes. "Il a été tiré comme un lapin puis roué de coups", a dénoncé ce vendredi à l'Agence France-Presse (AFP) son avocat, Me Jacques-Antoine Preziosi, précisant que le certificat médical initial du jeune homme faisait état de 60 jours d'ITT.
Immédiatement opéré en neuro-chirurgie et désormais porteur d'un casque, après qu'une partie de l'os crânien lui a été enlevé, il a pu rentrer chez lui jeudi après avoir été de nouveau opéré, d'une fracture de la mâchoire, a ajouté Me Preziosi. Selon l'avocat, Hedi, qui travaille dans la restauration à Meyrargues, à une quarantaine de kilomètres de Marseille, pourrait aussi avoir perdu son œil gauche.
La mise en examen des quatre policiers marseillais, mais surtout le placement en détention provisoire de l'un d'eux, comme le policier qui avait tué Nahel à Nanterre le 27 juin, a suscité l'ire des syndicats: "La détention provisoire est une mesure d'exception qui s'applique autant aux citoyens qu'aux policiers", ont fustigé Alliance et l'Unsa dans un communiqué commun. "C'est une mesure dont le caractère exceptionnel doit également s'appliquer aux policiers", a renchéri le syndicat des commissaires de police.
"La goutte d'eau qui fait déborder le vase"
"Chaque fois qu'ils doivent rendre compte à la justice, les policiers sont renvoyés à leur responsabilité individuelle, sans jamais remettre en cause leur administration", a de son côté déploré le syndicat Unité SGP Police, appelant tous les policiers de France à n'assurer que les missions essentielles de leurs fonctions.
"Une enquête va se faire. S'ils ont fauté, ils seront sanctionnés. Mais la détention provisoire, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", a ajouté auprès de l'AFP Rudy Manna, du syndicat Alliance, évoquant des "collègues désespérés" et "plusieurs dizaines" de policiers marseillais "en arrêt-maladie ou en burn out".
Selon Rudy Manna, jusqu'à 250 policiers se sont rassemblés jeudi devant le palais de justice de Marseille, où leurs quatre collègues comparaissaient devant un juge d'instruction. Et des applaudissements ont salué le passage du policier incarcéré, emmené en voiture, ce qui n'a pas manqué de créer une polémique. "C'était une haie de soutien moral, pas une haie d'honneur", a souligné le syndicaliste.
"Bouleversé"
Cette manifestation a "bouleversé" Hedi, selon Me Preziosi: "Ça l'a brisé. Ces applaudissements, c'est un total non-respect de l'appareil judiciaire".
Jusqu'à présent, l'IGPN s'est saisie d'au moins 21 enquêtes, "de nature et de gravité très différente", sur les agissements des forces de l'ordre lors des manifestations et violences ayant suivi la mort de Nahel, avait indiqué le 12 juillet devant la commission des lois de l'Assemblée nationale la cheffe de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), Agnès Thibault-Lecuivre. Plusieurs enquêtes judiciaires sont également en cours.
À Marseille notamment, une autre enquête porte sur la mort d'un jeune homme de 27 ans, probablement après un "choc violent au niveau du thorax" causé par un projectile de "type Flash-Ball", au cours de la même nuit du 1er au 2 juillet.
Une cagnotte a été ouverte pour aider les familles des quatre policiers marseillais mis en examen, à l'initiative de la Bac Sud. Pour couvrir leurs frais de justice, selon Rudy Manna. À 15h30 ce vendredi, elle comptait plus de 17.000 euros.