Assassinat de Colonna: le directeur de la prison d'Arles dénonce le comportement "dégueulasse" du meurtrier

Un agent de la pénitentiaire se dirige vers l'entrée de la prison d'Arles où était incarcéré Yvan Colonna, le 2 mars 2022. - Pascal GUYOT © 2019 AFP
Ce direct est terminé.
L'audition de Marc Ollier et Corinne Puglierini devant la commission des lois de l'Assemblée nationale est à présent terminée.
Merci d'avoir suivi ce direct.
"Personne n'a rien entendu", soutient le directeur de la prison
Alors qu'un rapport d'enquête, révélé ce mercredi par France Info, fait état de cris entendus par d'autres détenus au moment de l'agression, sans que personne n'intervienne, Marc Ollier soutient à présent le contraire face à la commission des lois.
"Personne n'a rien entendu. Certains détenus ont dit avoir seulement entendu des petits bruits, comme si quelqu'un faisait du sport", maintient pourtant le directeur.
Franck Elong Abe "voulait se payer quelqu'un de connu", lance Marc Ollier
Le motif d'une vengeance après des blasphèmes proférés par Yvan Colonna avancé par Franck Elong Abe lors de son interrogatoire, Marc Ollier n'y croit pas vraiment. "Ça ne me paraît pas très crédible. Yvan Colonna était ouvert sur toutes les religions. C’est une excuse", affirme-t-il.
"Elong Abe, jusqu’au 2 mars, qui en avait entendu parler? Aucun de vous. Que pouvait-il faire pour être connu? Que Colonna ait blasphémé ou pas, peu importe. Il voulait se payer quelqu’un de connu", lance le directeur avant de s’interrompre, la voix étranglée par des pleurs.
"Excusez-moi, je suis ému, je ne connaissais pas Colonna, mais c’était un être humain", déclare-t-il, des larmes dans la voix.
Le meurtre n'est pas lié à un problème de surpeuplement de la prison d'Arles, reconnaît son directeur
Interrogé sur les effectifs des surveillants et sur le nombre de détenus incarcérés à la maison centrale d'Arles, Marc Ollier concède que le meurtre du militant corse ne peut pas être associé à un problème de surpeuplement de l'établissement.
"Sur le taux d'occupation, la maison centrale a cet avantage de ne pas être surpeuplée, avec 130 détenus le 2 mars", jour de l'agression, énonce le directeur.
"Par contre, il y a un phénomène à prendre en compte: les surveillants pénitentiaires sont des humains, et on a un taux d'absentéisme et de congés maladie à prendre en compte", avance-t-il.
Selon lui, ces absences représentent en moyenne 50 jours par an et par agent. Ce qui revient à une trentaine de surveillant en moyenne pour 130 détenus, précise-t-il.
Yvan Colonna, "pas un détenu modèle", mais "pas compliqué à gérer"
Yvan Colonna n'était "pas un détenu modèle, mais il n'était pas compliqué à gérer", concède Corinne Puglierini, interpellée à propos de la nécessité de maintenir le statut de Détenu particulièrement signalé (DPS) du militant indépendantiste corse, plus de vingt ans après l'assassinat du préfet Erignac.
À ce sujet, l'ancienne cheffe d'établissement affirme que ce choix a chaque année été fait après avoir consulté une commission locale, qui s'est selon elle toujours prononcée en faveur du maintien du statut de DPS concernant Yvan Colonna.
La dernière commission s'était tenue en mars 2021, précise-t-elle.
Il n'y avait aucune raison de séparer les deux détenus, martèle l'ancienne directrice de la prison
Interrogée de nouveau sur la présence dans une même salle d'Yvan Colonna et de Franck Elong Abe, tous deux Détenus particulièrement signalés, sans surveillance, Corinne Puglierini revient sur la relation cordiale qui liait les deux prisonniers.
"Une mesure de séparation aurait eu du sens si on avait eu le moindre indice, le moindre doute sur une difficulté entre ces deux personnes, ce qui n’était absolument pas le cas. Monsieur Colonna et Monsieur Elong Abe se fréquentaient", rappelle-t-elle.
Une opération de maintenance avait lieu sur l'un des postes de vidéosurveillance au moment des faits
Interrogé par un député, le directeur de la prison d'Arles confirme qu'une opération de maintenance avait lieu sur l'un des postes de vidéosurveillance pendant "une à deux minutes".
Mais selon lui, l'absence de cette opération "n'aurait rien changé": le poste permet de surveiller les 280 caméras de l'établissement, mais celles-ci défilent neuf par neuf sur les écrans.
"Il n'avait aucune raison de regarder cette salle en particulier à ce moment-là", précise le directeur.
"Impossible" de surveiller tous les détenus en même temps, qu'ils soient DPS ou non, affirme Marc Ollier
Marc Ollier est interrogé par un député Au moment où Colonna a été agressé, il y avait au total 25 agents et deux gradés en détention, avance le directeur.
“Nous avons douze ailes. Il est impossible de mettre un agent pour un, deux, trois ou quatre DPS, quel qu’il soit. Si on veut qu’ils n’aient aucun contact, il faut les mettre à l’isolement, ce qui n’était justifié ni pour Yvan Colonna, ni pour Franck Elong Abe”, affirme le directeur de la maison centrale d’Arles.
Le directeur de la prison d'Arles dénonce le comportement "dégueulasse" de l'agresseur
Marc Ollier dénonce également l’attitude "dégueulasse" de Franck Elong Abe.
Dans les images de vidéosurveillance, "c’est très froid, il se jette sur lui, pas un mot, rien. Aucune émotion. C’est hyper agressif", pointe le directeur de la prison d'Arles.
Le surveillant en poste au moment de l'agression avait au total douze détenus à surveiller, selon le directeur
Marc Ollier revient également sur le secteur que le surveillant avait à couvrir ce jour-là.
Selon lui, il avait la charge d’une aile "de trente mètres de long", avec des détenus à surveiller dans différentes pièces, "sachant que la salle de musculation est située à l’autre bout de l’entrée de l’aile".
Dans l'autre aile dont il avait la charge, sept détenus étaient rassemblés avec cinq intervenants, parmi lesquels des femmes étaient présentes, ce qui justifiait selon lui de porter une attention particulière à cette autre aile.
Marc Ollier revient sur les faits
Auditionné à son tour, Marc Ollier revient sur les faits.
À son entrée dans la salle de sport, "Elong Abe se jette sur Colonna, qui était en train de faire des pompes dans la salle de sport. Pendant dix minutes, il l'adresse violemment. Colonna essaie de se défendre, mais Elong Abe lui met le pied sur la gorge et sur la cheville", rappelle le directeur actuel, qui a pris ses fonctions le 1er mars.
"Franck Elong Abe se retourne vers la porte qui était poussée, et non pas fermée, j'insiste", précise le directeur.
Lorsqu'il croise un surveillant, le détenu prétend qu'Yvan Colonna a fait un malaise.
Le détenu travaillait en temps qu'auxiliaire "sport" et donnait "entière satisfaction", d'après l'ancienne directrice
En détention ordinaire, Franck Elong Abe demande à travailler, “pour avoir un minimum d’argent”
Ses premières demandes ont été refusées. Finalement, il obtient le poste d’”auxi-sport” au niveau des salles de musculation et des salles d’activités au rez-de-chaussée du bâtiment, en septembre 2021.
"Il donnait entière satisfaction dans ses fonctions d'auxi-sport", conclut l'ancienne directrice.
Le comportement du détenu n'était "pas problématique" jusque-là, assure Corinne Puglierini
Avant d'être réintégré avec les autres détenus, Franck Elong Abe a effectué une période dans le "quartier spécifique d'intégration" de l'établissement, un espace intermédiaire après une période d'isolement.
Le détenu y est resté pendant neuf mois et demi.
“Il nous fallait du temps pour pouvoir apprécier la sincérité de son comportement (...). Sur ces neuf mois et demi, Monsieur a continué à avoir un comportement qui ne révélait pas de sa part une problématique envers le personnel ou les autres détenus”, poursuit-elle.
D'après les observations "quasi journalières" du personnel de surveillance, "qui s’appliquent à faire remonter des observations riches et éclairantes", l'administration décide de faire revenir le détenu en détention ordinaire.
Franck Elong Abe était "calme" et "poli", rapporte l'ancienne directrice de la prison d'Arles
Corinne Puglierini est la première à être entendue. Elle revient d’abord sur le parcours et le comportement de Franck Elong Abe.
Ecroué à la maison d'Arles en octobre 2019, le détenu arrivait de la prison de Condé-sur-Sarthe.
"À son arrivée dans la maison centrale d’Arles, il a été placé à l’isolement. Suite à un parcours pénitentiaire assez chaotique dans l’établissement précédent", précise-t-elle.
Les observations des surveillants rapprotent que Franck Elong Abe était “discret”, “calme”, “poli”, “courtois”, rapporte l’ancienne directrice.
Marc Ollier et Corinne Puglierini auditionnés par la commission des lois ce mercredi
Le directeur de la prison d'Arles, Marc Ollier, et une ancienne cheffe de l'établissement, Corinne Puglierini, vont être entendus par la commission des lois de l'Assemblée nationale, ce mercredi à partir de 10 heures.
Comment les deux détenus ont-ils pu rester seuls dans une pièce sans surveillance, alors qu'ils avaient tous deux le statut de DPS (Détenu particulièrement signalé)?
Quelle est la part de responsabilité de l'administration pénitentiaire dans cette agression mortelle?
Des questions auxquelles ils devront répondre devant les députés.
Bonjour à tous.
Bienvenue dans ce live consacré à l'audition du directeur de la maison centrale d'Arles et d'une ancienne cheffe de l'établissement, suite à l'assassinat d'Yvan Colonna.
Le militant indépendantiste corse est mort le 21 mars dernier, dix-neuf jours après avoir été agressé par un codétenu au sein de la prison dans laquelle il purgeait sa peine, condamné à la réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac en 1998.
Yvan Colonna avait été roué de coups et étranglé par un codétenu dans la salle de sport de l'établissement pénitentiaire, alors qu'il faisait des exercices au sol, le 2 mars. Entendu par les enquêteurs, le mis en examen, Franck Elong Abe, a dit avoir agi après que son codétenu corse a proféré plusieurs blasphèmes.