BFMTV
Têtes couronnées

"Elle est obligée de se moderniser": comment Elizabeth II s'est adaptée en 70 ans de règne

La reine Elizabeth II  le 24 décembre 2020 posant pour une photo après avoir enregistré son message annuel du jour de Noël, au château de Windsor, à l'ouest de Londres.

La reine Elizabeth II le 24 décembre 2020 posant pour une photo après avoir enregistré son message annuel du jour de Noël, au château de Windsor, à l'ouest de Londres. - Victoria Jones / POOL / AFP

La reine Elizabeth II fête ce dimanche 6 février ses 70 ans de règne. Une durée record pendant laquelle le monde et la société ont profondément changé.

Elle n'était pas destinée à monter sur le trône et la voilà, sept décennies plus tard, plus populaire que jamais, s'apprêtant à célébrer le plus long règne de l'histoire du Royaume-Uni. Il y a 70 ans jour pour jour, alors que son père le roi George VI venait de s'éteindre, la jeune Elizabeth devenait reine à 25 ans. C'était le 6 février 1952.

Traversant, imperturbable, les modes, les changements politiques et sociétaux, la souveraine a malgré tout concédé quelques assouplissements, pour assurer la pérennité de la couronne.

"La reine sait que la société britannique a complètement changé, elle s'est métamorphosée depuis 1952. Ce n'est plus du tout le même pays", souligne Philip Turle, chroniqueur international à France 24 et spécialiste de la famille royale.

Swinging London et Commonwealth

Elle a côtoyé des Premiers ministres de tous bords - 15 en tout, de Winston Churchill à Boris Johnson, et vécu, d'assez loin, l'évolution de la société. Le Swinging London des années 1960 - rock'n'roll, minijupes et pillule - a laissé la place aux punks, dont certains ont crié sur scène leur haine de la reine, comme les Sex Pistols qui ont fait rimer "God Save the Queen" avec "fascist regime". La New wave et la Britpop, sont ensuite passées par là, avant le hip-hop.

Non seulement la société britannique a changé, mais le monde autour aussi. L'empire britannique, devenu le Commonwealth s'est réduit comme peau de chagrin. La Barbade est le dernier pays en date à être devenu une république en novembre dernier. La reine a enfin vu entrer le Royaume-Uni dans la CEE en 1972, puis sortir de l'Union européenne en 2020.

Les changements technologiques ont également bouleversé la société et la façon de communiquer. "La reine a vu la naissance de la télévision, les satellites, l'homme sur la lune, les réseaux sociaux..." rappelle Philip Turle.

Celle dont le couronnement fut le premier événement du genre retransmis à la télévision, communique aujourd'hui sur Twitter et Instagram et en visio-conférences. "Elle est obligée de se moderniser, de vivre avec son temps", analyse l'expert.

L'incompréhension après la mort de Diana

Mais les changements sociétaux et politiques ne sont pas ceux qui ont le plus ébranlé la monarchie britannique. Le divorce de Charles et Diana ou la mort de la princesse de Galles ont bien plus bousculé la couronne que les Sex Pistols. Il y a eu l’année 1992, que la reine a qualifiée d’"annus horribilis", marquée par la séparation de Charles et Diana et celle d'Andrew et Sarah Ferguson, mais aussi par l'incendie du château de Windsor.

L'année d'après, face au mécontentement des Britanniques qui refusent de payer les réparations du château de Windsor avec de l'argent public, la reine accepte de payer des impôts sur le revenu. La même année, elle ouvre le palais de Buckingham au public.

En 1997, sa réaction tardive au moment de la mort de la princesse Diana lui vaut une vive incompréhension. La reine n'a pas pris la mesure de l'amour des Britanniques pour la princesse de Galles.

"La famille royale a été étonnée par le chagrin du peuple britannique", explique Philip Turle. "C'était un grand dilemme pour la reine", tiraillée entre son devoir de silence en tant que souveraine, et la nécessité d'aller vers le peuple pour le consoler.

Divorces et déménagement...

Instruite par l’amère expérience des scandales Diana et Sarah Ferguson, la souveraine a surtout accepté de s'assouplir sur les conditions de mariage de ses petits-enfants. Elle a été beaucoup plus indulgente avec eux qu'avec ses enfants: ils ont ainsi été autorisés à épouser des roturières, comme Kate Middleton, et même une femme divorcée, comme Meghan Markle.

Des unions impensables quelques décennies plus tôt. La princesse Margareth avait ainsi dû renoncer à son grand amour Peter Townsend, un homme divorcé.

"La reine a été obligée de suivre les changements de la société", souligne Philip Turle. "Elle ne l'a pas toujours fait en temps voulu. Mais si elle ne l'avait pas fait, elle aurait été très vite débordée et aurait perdu le soutien du peuple".

Son dernier signe de modernité a été d'accepter de laisser Harry et Meghan partir vivre leur vie de l'autre côté de l'Atlantique. "Pour la première fois dans l'histoire de la famille royale, une porte a été ouverte pour laisser des membres de la famille royale quitter leurs fonctions, sans être divorcés ou morts et sans couper totalement les ponts."

Elle a même réussi à contenir le séisme causé par les déclarations du couple dans une dévastatrice interview à Oprah Winfrey.

Enfin, Elizabeth II n'a pas hésité pour autant à trancher quand il le fallait, comme avec le prince Andrew, à qui elle a retiré ses titres, pour préserver l'image de la famille royale.

Une popularité inoxydable

Restée droite dans ses escarpins pendant 70 ans, la reine est un véritable point de repère pour les Britanniques. "Ce qui unit les Britanniques, qu'ils soient royalistes ou républicains, qu'ils adorent la famille royale ou la détestent, c'est un immense respect pour Elizabeth II", estime Philip Turle.

Contre vents et marées, "depuis 70 ans, elle a toujours servi (le pays)". Rien, pas même la disparition de son époux Philip, à ses côtés pendant plus de 70 ans, ne l'a écartée de son devoir. Malgré son âge avancé et ses récentes difficultés de santé, elle continue aujourd'hui d'assurer autant d'engagements que possible. On l'a ainsi vue, confinée à Windsor en pleine pandémie de Covid-19, assurer sa conversation hebdomadaire avec Boris Johnson, téléphone vintage en main, entourée de statuettes de corgis.

"Elle incarne pour nous tous, l'image d'une deuxième maman. Depuis 1952, le pays s'est métamorphosé, si quelque chose n'a pas changé, c'est elle. Elle est un élément de stabilité pour tout le monde. Personne ne se rappelle d'une époque où elle n'était pas reine", assure Philip Turle.

"Si la famille royale est encore si populaire au Royaume-Uni, c'est grâce à elle", ajoute l'expert. Après Charles, prêt à lui succéder, William, "bien plus obéissant et bien plus dans le moule royal", prendra la relève, puis George. Mais lorsqu'elle partira "cela va laisser un énorme trou en Angleterre".

Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV