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Café, mafia et spaghettis: la chanson estonienne de l'Eurovision 2025 accusée de stigmatiser les Italiens

Tommy Cash dans le clip d'"Espresso Macchiato"

Tommy Cash dans le clip d'"Espresso Macchiato" - Capture d'écran YouTube - TOMMY CASH

Avec le titre Espresso Macchiato, le chanteur estonien Tommy Cash s'attire les foudres d'une partie du public italien. Certains demandent son interdiction de participer au concours.

Les premières tensions de l'Eurovision 2025, qui aura lieu à Bâle (Suisse) le 17 mai, se font sentir. La chanson choisie pour représenter l'Estonie, Espresso Macchiato de l'artiste Tommy Cash, fait des remous en Italie où plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer un texte qui véhiculerait une vision stéréotypée des Italiens.

Tommy Cash a gagné son ticket pour l'Eurovision samedi 15 février en remportant Eesti Laul, la compétition estonienne destinée à trouver le représentant du pays au concours international. Dans sa chanson, interprétée dans un anglais à consonances italiennes (il termine ses mots par des "i", des "e" ou des "o"), il campe lui-même un Italien caricatural:

"J'aime mon café, très important / Pas le temps de parler, scusi, mes journées sont très occupées / Et je suis propriétaire d'un petit ristorante", chante-t-il dans le premier couplet.

"Aussi, mi casa est très grandioso / Mon argent est numeroso, je travaille sans cesse-o / C'est pour ça que je transpire comme un mafioso", poursuit Tommy Cash dans le second, avant d'ajouter: "La vie, c'est comme les spaghettis."

Divisions en Italie

Depuis sa qualification à l'Eurovision, plusieurs voix italiennes se sont émues de ces paroles, à commencer par l'association de consommateurs Codacons. Dans un communiqué adressé à l'Union européenne de radio-télévision (l'UER, organisatrice de l'Eurovision) relayé par le Guardian, elle demande s'il est "approprié d'autoriser une chanson qui offense un pays et une communauté entière" à participer au concours:

"De nombreux citoyens ont exprimé leur indignation contre (une chanson) dont les paroles contiennent des stéréotypes sur l'Italie et les Italiens - les clichés habituels autour du café, des spaghetti, mais surtout de la mafia et du luxe ostentatoire, ce qui véhicule le message d'une population liée au crime organisé", estime Codacons.

L'affaire semble prendre la forme d'un débat de société: la présentatrice italienne Caterina Balivo en a discuté avec ses chroniqueurs dans son talk-show journalier, La Volta Buona, sur RaiOne, chaîne du service public italien.

La question atteint même la sphère politique: Gian Marco Centinaio, sénateur du parti d'extrême droite La Ligue, a réagi avec agacement à la situation dans un communiqué Instagram intitulé "Quiconque insulte l'Italie devrait rester à l'écart du concours Eurovision de la chanson":

"Ce chanteur devrait venir en Italie pour voir comment les bonnes personnes travaillent avant de se permettre d'écrire des chansons aussi stupides et stéréotypées", écrit-il. "J’espère vraiment qu’ils lui interdiront de participer."

Des spectateurs plus coulants

Tommy Cash ne s'est pas encore exprimé sur la polémique, mais il peut compter sur une partie du public italien manifestement plus indulgente. Sur YouTube, la section commentaires du clip de la chanson regorge de messages de soutien:

"En tant qu'Italien, je trouve drôle que des gens soient offensés par 'Espresso Macchiato'", écrit l'un d'entre eux. "La chanson ne stigmatise pas l'Italie, elle stigmatise la manière dont les étrangers perçoivent les Italiens."

"En tant qu'Italien, je suis amusé et confus et offensé et honoré", ironise un autre. "En tant qu'Italien, je suis outré. Outré que cet homme n'ait pas encore reçu la citoyenneté italienne", plaisante un troisième.

L'artiste, en tout cas, est manifestement sûr de sa chanson. Sur le site de partage de vidéos, il la présente déjà comme "gagnante de l'Eurovision 2025".

En 70 ans d'existence, l'Eurovision a été secouée par de nombreuses polémiques. Chaque année ou presque, une à plusieurs chansons viennent attiser des tensions internationales, aux enjeux parfois géopolitiques. En 2016, par exemple, la Russie a peu goûté la chanson 1944, de l'Ukrainienne Jamala, qui commémorait la déportation stalinienne subie par les Tatares de Crimée.

La France sera représentée à Bâle par la chanteuse Louane, qui défendra une chanson encore tenue secrète. Elle succédera à Slimane, qui a décroché la quatrième place l'an dernier avec son titre Mon amour.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV