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Cinéma

Abdellatif Kechiche signe son retour au Festival de Locarno avec "Mektoub My Love (Canto Due)"

Le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche à la conférence de presse de "Mektoub, My Love : Intermezzo" lors de la 72e édition du Festival de Cannes, le 24 mai 2019.

Le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche à la conférence de presse de "Mektoub, My Love : Intermezzo" lors de la 72e édition du Festival de Cannes, le 24 mai 2019. - Sébastien Berda

Après une traversée du désert de sept ans et des polémiques à la pelle, le cinéaste palmé revient avec son nouveau film, "Mektoub My Love (Canto Due)", projeté ce samedi au Festival de Locarno.

Son retour en fait jaser plus d'un. Certains n'y croyaient plus. D'autres, eux, ne veulent pas y croire et s'offusquent déjà qu'une telle vitrine soit offerte à un cinéaste vertement critiqué pour sa manière de filmer le sexe et les corps féminins. L'homme en question? Abdellatif Kechiche.

Longtemps acclamé par la critique, couronné même d'une Palme d'or en 2013 pour La Vie d'Adèle, qu'il a partagée avec ses deux actrices Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, le réalisateur franco-tunisien est tombé en disgrâce depuis qu'il a accumulé plusieurs polémiques dans sa besace.

Il fait pourtant son come-back ce week-end sur les bords du lac Majeur, au Festival de Locarno, en Suisse (6-16 août 2025). Son nouveau film, le troisième opus de sa trilogie azuréenne Mektoub My Love dans laquelle il filme les émois et ébats de jeunes dans les années 1990, y est sélectionné en compétition officielle.

Conditions de tournage "horribles"

Originaire de Tunisie, Abdellatif Kechiche arrive à Nice à l'âge de six ans. Passionné de théâtre, il débute d'abord comme acteur (Thé à la menthe d'Abdelkrim Bahloul, Les Innocents d'André Techiné...), puis se met à écrire des scénarios et trouve un producteur (Jean-François Lepetit) prêt à financer son premier long métrage, La Faute à Voltaire, sorti en 2000.

En 2004, il convie Marivaux et la tchatche de jeunes de banlieue dans L'Esquive, unanimement applaudi par la critique. Les récompenses pleuvent aussitôt: il glane le César du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario. En 2008, il récidive dans ces mêmes catégories avec son film suivant, La Graine et le Mulet, sorti en décembre 2007, chronique d'un ouvrier licencié des chantiers navals de Sète, se lançant dans l'ouverture d'un restaurant. Hafsia Herzi décroche, elle, le César du meilleur espoir féminin. Jusque-là, rien de bien ombrageux, donc.

C'est lors de la promotion de La Vie d'Adèle, histoire d'amour entre deux jeunes femmes, que les premières critiques se font entendre publiquement. Léa Seydoux dénonce des conditions de tournage "horribles", des journées sans fin, des centaines de prises pour une même scène. Sa partenaire de jeu, Adèle Exarchopoulos, dont c'était le premier grand rôle à 19 ans, parle elle de "dix journées entières à tourner" la très longue et très crue scène de sexe du film.

Plainte pour "agression sexuelle"

Blessé, Abdellatif Kechiche mettra cinq ans avant de revenir derrière la caméra en 2017 avec Mektoub, my love (Canto uno), le premier volet de sa trilogie librement adaptée du roman La Blessure, la vraie de François Bégaudeau. Celui-ci divise: une partie de la critique salue le geste de cinéma, tandis qu'une autre se lasse des plans filmés au plus près des corps - notamment féminins. Ils sont largement jugés "objectifiants" et "sexualisants".

Le réalisateur, qui a découvert nombre de jeunes acteurs dont Sara Forestier, Hafsia Herzi et Adèle Exarchopoulos, y révèle là-aussi de nouveaux talents, dont Shaïn Boumedine et Ophélie Bau. En salles, le film totalise quelque 132.000 entrées selon CBO.

En 2018, une femme de 29 ans accuse le cinéaste d'agression sexuelle à la suite d'un dîner alcoolisé parisien. Abdellatif Kechiche dément. La plainte est classée sans suite en mai 2020.

Entre temps, en mai 2019, la projection du deuxième volet de sa saga, baptisé Intermezzo, suscite à nouveau la polémique sur la Croisette. En cause? Une très longue scène de cunnilingus non simulée.

L'actrice principale Ophélie Bau quitte même la salle avant la fin du film et fait l'impasse dans la foulée sur la conférence de presse, faisant douter de son consentement pour que les scènes de sexe soient diffusées. Après la conférence de presse ultra-houleuse, le réalisateur disparaît de la circulation. Le film n'est jamais sorti en raison d'un conflit avec son distributeur, Pathé.

Pas de date de sortie

En octobre 2022, Abdellatif Kechiche sort brièvement du silence au festival Cinemed à Montpellier. Lunettes noires sur le nez et regard sombre, il explique qu'il travaille à la sortie des deux derniers volets de Mektoub My Love, sans les plans jugés gênants pour le premier rôle féminin. Une intervention chahutée et huée par des manifestants féministes.

Trois ans plus tard, le cinéaste, victime d'un AVC mi-mars, revient donc sur le devant de la scène avec son troisième opus, dont un premier extrait inédit a été révélé début août. Le film avait été tourné en quasi-intégralité en 2017, dans la continuité de Canto Uno. Il dure 2h14 alors que le premier volet, Canto Uno, approchait les 2h55 et le second, Intermezzo, les 3h32.

Mais l'homme ne sera pas présent ce samedi à Locarno pour présenter Mektoub my love (Canto Due), a indiqué à l'AFP son attaché de presse historique. Selon la journaliste Brigitte Baronnet, son actrice principale, Ophélie Bau, au cœur de la controverse donc, devrait quant à elle accompagner la projection. Les acteurs se livreront ensuite à l'exercice du questions/réponses.

Une séance scrutée de très près par la critique alors que le film n'a, à l'heure actuelle, pas de date de sortie.

Estelle Aubin avec AFP