Risques d'épidémie, manque d'eau: Mayotte face à de nombreux défis sanitaires après le passage du cyclone Chido

Le cyclone passé, Mayotte craint de nouveaux défis sanitaires. Alors qu'au moins 14 personnes ont été tuées dans les intempéries, les dégâts causés par le passage du cyclone Chido samedi 14 décembre inquiètent les autorités qui redoutent des épidémies, alors que le système de soins est en plus dégradé par le passage des intempéries.
De fait, l'hôpital de Mayotte a été en partie détruit par les intempéries, même s'il fonctionne toujours, selon la ministre de la Santé démissionnaire Geneviève Darrieussecq.
"L'hôpital travaille dans des conditions très dégradées puisqu'il a été touché par le cyclone, notamment dans les parties essentielles que sont la réanimation, les urgences, la maternité", explique-t-elle ce lundi sur le plateau de BFMTV.
Plusieurs centres médicaux à Mayotte sont également "inopérants", selon la ministre démissionnaire. De quoi laisser craindre des conséquences importantes pour la prise en charge de patients nécessitant des soins, en lien ou non avec le cyclone.
De fait, dans ce type d'événements, il y a les blessés "qui sont directement touchés par l'événement", mais aussi "ceux qui vont faire des accidents dans la vie courant dans les jours qui viennent et qui ne pourront pas être pris en charge parce que les ressources sont saturées et inefficientes", souligne Vincent Boune, chef du Samu de Toulouse, spécialiste de la médecine d'urgence, à BFMTV.
"On va droit vers une catastrophe sanitaire"
Par ailleurs, les autorités redoutent la propagation d'épidémies, alors qu'à Mayotte, département le plus pauvre de France, l'habitat est majoritairement précaire et que les conditions sanitaires étaient déjà mauvaises au quotidien pour de nombreux habitants, avant même le passage du cyclone et qu'elles vont désormais s'aggraver.
"Si on ne fait pas vite, avec la chaleur, avec la saison des pluies qui arrive, on va droit vers une catastrophe sanitaire", a alerté ce lundi au micro de BFMTV le sénateur Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants de Mayotte Saïd Omar Oili, évoquant de nombreux corps probablement encore "sous les décombres".
Ancien président de la communauté de commune de Petite-Terre, île de l'archipel de Mayotte, le sénateur s'inquiète notamment pour les habitants de La Vigie, le "plus grand bidonville de France". "Ce (lundi) matin, des gens sont allés à La Vigie et c'est le silence, on ne voit personne dans les rues", explique-t-il, redoutant de nombreux morts, risquant d'aggraver là encore un contexte sanitaire déjà très difficile.
Pour la ministre démissionnaire de la Santé, la vigilance est de mise. "Il faudra une veille sanitaire très forte avec la détection de possibles maladies contagieuses émergentes venant de la consommation d'eau polluée ou d'aliments avariés", dit-elle à BFMTV.
La peur d'un retour du choléra
Parmi les maladies redoutées, le choléra inquiète particulièrement les autorités, la maladie se propageant via la consommation d'eau ou d'aliments souillés et pouvant provoquer des diarrhées aiguës, voire entraîner la mort par déshydratation. L'archipel avait cette année été victime d'une épidémie, qui avait fait au moins 5 morts entre mars et juillet, mais elle avait disparu depuis l'été.
Désormais, elle pourrait faire son retour. On parle dans ce cas de "risque antérofécal", explique le professeur Vincent Boune, chef du Samu de Toulouse, spécialiste de la médecine d'urgence, à BFMTV.
"En gros, c'est la contamination de l'eau potable par des eaux souillées. On le voit dans les grandes inondations comme ça, où les systèmes de récupération d'eau débordent et contaminent les réseaux d'eau potable", explique-t-il.
"La solution, c'est d'abord de faire bouillir l'eau, mais malheureusement, c'est très compliqué quand on n'a pas de source d'énergie ou de chauffage", note le médecin, qui évoque un risque "durable" qui va marquer l'île dans "les semaines" voire "les mois qui viennent".
La crainte est d'autant plus grande que des chercheurs du Centre National de référence du choléra de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le Centre hospitalier de Mayotte, ont mis en évidence la diffusion d'une souche très résistante aux antibiotiques de l'agent du choléra, dans une étude parue dans le New England Journal of Medecine le 12 décembre.
Un acheminement de l'aide difficile dans l'archipel
Dans ce contexte, Mayotte a besoin de renforts en termes de matériels et de personnel médical. Mais en raison de la géographie des lieux, Mayotte étant un archipel, l'acheminement de l'aide est particulièrement complexe.
"C'est un cauchemar logistique", souligne à BFMTV Estelle Youssouffa, députée Liot de Mayotte.
"L'île est très enclavée. Par rapport à la Réunion, où il y a les vivres et les secours, c'est trois, quatre heures d'avion. L'aéroport qui était déjà petit ne peut plus accueillir que les avions militaires", explique-t-elle.
La Croix-Rouge est localisée à Mayotte sur l'île de Basse-Terre. Pour accéder à l'île principale, appelée Grande-Terre, "il faut une barge pour traverser, mais les barges sont inutilisables", explique de son côté à BFMTV Florent Vallée, directeur adjoint des opérations de la Croix-Rouge.
"Une fois que vous avez traversé et que vous êtes passé sur Grande-Terre, vous êtes coincé, il faut ensuite pouvoir acheminer (le matériel médical)", d'autant que nombre de routes sont impraticables actuellement, dit-il, évoquant les multiples défis auxquels l'ONG est confrontée. "C'est ça qu'on est en train de régler. C'est dur, c'est une course contre la montre", reconnaît-il.
Un lourd bilan redouté
Pour l'heure, l'eau a pu être "évacuée" de l'hôpital de Mayotte et "il y a eu en anticipation des prévisions de stockage de matériel", a indiqué la ministre de la Santé démissionnaire.
Un "hôpital de campagne va être monté par la Sécurité civile" et "100 réservistes (issus de la réserve sanitaire) vont partir dans les prochaines heures à Mayotte", a-t-elle encore précisé ce lundi.
Si pour l'heure, au moins 14 morts ont été recensés, le bilan devrait s'alourdir. Il sera cependant "très difficile" à établir car la tradition musulmane, très ancrée à Mayotte, veut que les défunts soient enterrés "dans les 24 heures", selon le préfet François-Xavier Bieuville.