Déclarer des zones inhabitables face aux crues? Christophe Béchu juge que "le sujet ne doit pas être tabou"

Face au second épisode de crue exceptionnelle qui touche le Pas-de-Calais en moins de deux mois, le gouvernement veut afficher son volontarisme. Christophe Béchu et Olivier Véran se sont rendus ce jeudi aux côtés des sinistrés, des élus et des pompiers.
La question de travaux de prévention est certes bien à l'ordre du jour en 2024 mais le ministre de la Transition écologique évoque une autre solution: celle de raser entièrement des quartiers qui pourraient désormais être sous les eaux tous les ans avec l'accélération du réchauffement climatique.
"On ne va pas pouvoir partout se dire que c'est en rehaussant chaque année les digues de quelques centimètres qu'on va pouvoir faire face à des épisodes climatiques. Donc il faut regarder la réalité en face", juge Christophe Béchu ce jeudi au micro de BFMTV.
"Racheter des biens" et faire en sorte qu'il n'y ait "plus d'habitation"
D'après la préfecture du Pas-de-Calais, la montée des eaux a conduit les sapeurs-pompiers à intervenir à 438 reprises depuis le début des intempéries mardi, pour 371 évacuations.
Ce sont au total 189 communes et 1.299 habitations qui sont touchées par les inondations, mettant souvent les habitants dans une grande situation de désarroi et de lassitude.
"On peut aller jusqu'à considérer qu'il y a des endroits où il faut racheter des biens, utiliser les dispositifs qui existent pour faire sorte qu'il n'y ait plus d'habitation. Ça s'est fait ailleurs en France", avance encore le ministre de la Transition écologique.
Après la tempête Xynthia, des maisons rachetés au prix du marché par l'État
Cette option a déjà été choisie. La ville de Mandelieu (Alpes-Maritimes), régulièrement victime des inondations, a acheté cinq villas pour mieux les détruire. "L'idée est de bâtir une nouvelle ville, résiliente et d'être sereins face aux défis de ce siècle", expliquait en décembre le maire Sébastien Leroy (LR).
Un accord de vente "à l'amiable" a été signé avec les riverains en employant les moyens financiers du "fonds Barnier" dédié aux risques naturels majeurs. Il permet aux collectivités de racheter "les bâtiments les plus à risque", comme l'explique le ministère de la Transition écologique. Une bonne solution pour les propriétaires dont la valeur des biens est mécaniquement réduite par les circonstances.
Même topo après la tempête Xynthia en Vendée en 2009. Près de 1.000 habitations situées dans les zones qui avaient de très fortes chances de se retrouver à nouveau inondés ont été rachetées par l'État au prix du marché avant la tempête.
Il faut dire que les propriétaires n'avaient guère le choix: si un accord à l'amiable n'avait pas été trouvé avec les propriétaires des biens, l'État avait prévu de lancer des procédures d'expropriation.
"Des maisons pas construites au bon endroit"
"Il faut accepter que ces maisons n'ont pas été construites au bon endroit, accepter qu'il y a eu des choix politiques en accordant des permis de construire à des endroits où c'était potentiellement dangereux", appuie Ludovic Pinganaud, membre de l'Institut européen des sciences avancées de la sécurité auprès de BFMTV.com.
Le gouvernement pourrait également s'inspirer des Pays-Bas. Le territoire, confronté depuis sa création à sa situation géographique sous le niveau de la mer, a décidé ces dernières années d'éloigner les infrastructures des zones inondables à l'aide de normes de construction plus strictes.
L'objectif du projet enclenché en 2007 est d'anticiper les hauteurs futures des cours d'eau et d'anticiper en creusant, par exemple, des canaux plus profonds.