+12°C à Brest, +10°C à Bordeaux... Les températures de cette canicule précoce sont largement au-dessus des normales de saison

Une personne lit à l'ombre des arbres, au jardin des Tuileries, à Paris, le 19 juin 2025 - Thomas SAMSON / AFP
L'exceptionnel devient-il la norme? L'Hexagone vit actuellement sa cinquantième vague de chaleur recensée depuis 1947. Météo-France a placé 16 départements en vigilance orange "canicule" pour la journée de ce vendredi 20 juin. Il faut attendre 34 à 37°C dans l'Ouest et sur les régions méditerranéennes, et localement 38°C du Sud-ouest au Centre-ouest et en basse vallée du Rhône.
Cet épisode devrait culminer ce samedi, avant une légère baisse puis une reprise la semaine prochaine. Il fera chaud sur l'ensemble du territoire, avec un mercure qui frôlera parfois localement les 40°C. Les nuits seront parfois tropicales, c'est-à-dire que le thermomètre ne descendra pas sous la barre des 20°C, empêchant le repos réparateur des organismes.
Ce pic de chaleur coïncidera avec le début de l'été (même si l'été météorologique a lui commencé le 1er juin). Toutefois, les températures sont loin d'être de saison.
Partout bien au-dessus des normales
Ce jeudi déjà, il a fait très chaud. Il a fait plus de 30°C en Bretagne et jusqu'à 37,2°C ont été mesurés à Vinsobres, dans la Drôme. Et lorsqu'on parle de 31°C à Brest, c'est 12°C de plus que les normales saisonnières dans la ville.
Quand on enregistre ce jeudi 36°C à Bordeaux, c'est 10°C au-dessus de ces moyennes. Il a également fait jusqu'à 34°C à Nantes (+11°C par rapport aux normales de saison), 33°C à Tours (+9°C), 31°C à Belfort (+7°C) et à Marseille (+4°C) et 26°C à Cherbourg (+7°C).
Les températures minimales de la journée sont elles aussi partout plus élevées que les normales avec +8°C à Gap, +7°C à Lille, à Tours, Nantes ou Aurillac ou encore +6°C à Brest et à La Rochelle.
Vagues de chaleur précoces en raison du changement climatique
Comment expliquer de telles chaleurs? La France est actuellement dominée par le blocage d'un anticyclone, situation parfois qualifiée de "blocage en oméga" car la forme des masses d'air sur la carte évoque la lettre grecque en forme de fer à cheval. En outre, une dépression d'altitude sur l'Atlantique fait des masses d'air chaud présentes sur la péninsule ibérique.
Toutefois, ces conditions météorologiques naturelles sont renforcées par les effets du changement climatique. Il rend les vagues de chaleur plus précoces et tardives dans la saison, plus fréquentes, plus longues et plus intenses.
Selon Météo-France, l'Hexagone, qui s'est déjà réchauffé de 1,9°C, a connu deux fois plus de vagues de chaleur après 2000 (32) qu'avant (17). De plus, toutes les vagues de chaleur qui ont débuté avant le solstice d'été se sont toutes produites au 21è siècle, signe que le climat se réchauffe.
Conséquence: dans une France à +4°C d'ici 2100 (par rapport aux niveaux préindustriels), des températures supérieures à 40°C pourraient se produire tous les ans, et des pics inédits de chaleur pourraient atteindre jusqu'à 50°C localement. À la fin du siècle, il faudrait s'attendre à dix fois plus de jours de vague de chaleur.
Des chaleurs pourtant "pas inédites"
Ces niveaux de chaleur actuels "sont remarquables pour un mois de juin, sans pour autant être inédits", commente Météo-France.
En effet, par exemple, en juin 2019, une valeur de 46°C avait été enregistrée dans l'Hérault lors d'une canicule précoce. Lors de ce même épisode, le mercure n'était pas descendu la nuit sous 29°C à Menton. Il y a trois ans, en 2022, la vague de chaleur de juin a été la plus précoce jamais mesurée à l'échelle nationale.
La France s'habitue donc progressivement à de tels coups de chaud, et les habitants peuvent parfois avoir l'impression qu'il s'agit de températures normales pour un mois de juin.
C'est ce que l'on appelle le "syndrome du référentiel glissant", théorisé en 1995 par le biologiste Daniel Pauly et qui explique que notre perception des températures évolue dans le contexte du dérèglement climatique, en prenant pour référence des températures de plus en plus élevées et en s'y habituant.
Des normales de saison réellement normales?
D'autant plus que les normales de saison ne définissent pas vraiment ce qui est "normal". S'il a fait plus de 12°C de plus que les normales saisonnières ce jeudi à Brest, il s'agit d'une comparaison avec des moyennes calculées sur la période 1991-2020. Or ces trente années comprennent déjà les années les plus chaudes de l'histoire.
Avant 2022, ces moyennes étaient mesurées sur 1981-2010. Si on comparait la température brestoise actuelle avec les normales saisonnières de la période précédemment utilisées, l'écart serait encore plus important.
Ces normales climatiques permettent de caractériser le climat sur un lieu donné, pour une période donnée. Toutefois, comme l'explique Météo-France, "les normales ne sont pas des outils adaptés pour caractériser le changement climatique".
Ce concept "était basé sur le principe que le climat était constant à des échelles décennales à centennales", poursuit l'organisme météorologique.
Ainsi, les nouvelles références climatiques, calculées sur la période 1991-2020, sont représentatives d'un climat centré sur les années autour de 2005 et présentent encore déjà un biais par rapport à la période actuelle, dans un climat qui se réchauffe. Effectivement, depuis 1970, chaque décennie est plus chaude que la précédente.
En résumé, lorsqu'on compare une température aux normales de saison, on la confronte à la moyenne des 30 dernières années, mais pas à une situation de normalité, c'est-à-dire à la période ancienne où les effets du changement climatique n'existaient pas.
La Question météo-climat, votre podcast BFMTV
Pourquoi ne sommes-nous plus habitués au froid? Comment le changement climatique va-t-il changer notre quotidien? Va-t-on manquer d'eau? C'est quoi un anticyclone? Tous les jours, nos journalistes répondent à vos questions sur le temps qu'il fait et le temps qu'il fera. La Question météo-climat est un podcast quotidien de BFMTV, à retrouver sur le site et l'application et sur toutes les plateformes d'écoute - Apple Podcast, Amazon Music, Deezer ou Spotify.