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"Novorossia": qu'est-ce que la "Nouvelle-Russie", ce projet expansionniste rêvé par Poutine?

Des militants pro-Nouvelle-Russie, à Moscou, le 18 octobre 2014

Des militants pro-Nouvelle-Russie, à Moscou, le 18 octobre 2014 - DMITRY SEREBRYAKOV / AFP

La renaissance de ce projet expansionniste, mis entre parenthèses en 2015, pourrait être l'un des objectifs de l'armée russe à mesure qu'avance le conflit.

Où veut s'arrêter Vladimir Poutine? Plus de 40 jours après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les intentions de l'homme fort du Kremlin restent floues. Après avoir tenté sans succès de prendre le contrôle de Kiev, l'armée de Moscou a finalement décidé de se concentrer sur l'est et le sud du pays, tout en continuant malgré tout à bombarder les principales villes ukrainiennes.

D'un point de vue strictement géographique, ce repositionnement stratégique reprend plus ou moins le tracé de la Nouvelle-Russie. Appelé "Novorossia" en version originale, ce projet expansionniste, qualifié de "mélange d’identitarisme slave, de protectionnisme économique, et de religion orthodoxe" par L'Humanité, avait retrouvé une seconde jeunesse après les sécessions unilatérales des républiques populaires de Donetsk et de Louhansk.

Historiquement, le concept de Nouvelle-Russie remonte au XVIIIe siècle, époque des Tsars, durant laquelle cette région était une subdivision de l'Empire russe. Elle était alors située le long de la mer Noire, comprenait la mer d'Azov, et s'étendait jusqu'à la frontière actuelle de la Moldavie. Plus précisement, elle correspondait aux régions actuelles de Mykolaïv, Odessa, Kherson et Kirovograd, plus une partie de l'oblast de Donetsk.

"L'Ukraine, c'est 'la Nouvelle-Russie'"

C'est en 2014, que le projet de Nouvelle-Russie revient à l'ordre du jour. Cette année-là, la Crimée, lors d'un référendum qui n'est pas reconnu par la communauté internationale, décide son rattachement à la Russie, tandis que les républiques de Lougansk et de Donetsk décident de faire sécession. Une situation propice à la remise au goût du jour de ce projet pan-russe.

Galvanisé, le président russe Vladimir Poutine s'offre, le 17 avril de cette même année, un voyage dans le temps lors d'un discours tenu pendant un show télévisé de plusieurs heures. Il y remet déjà en cause la souveraineté ukrainienne sur son propre territoire.

"L'Ukraine, c'est 'la Nouvelle-Russie', c'est-à-dire Kharkov, Lougansk, Donetsk, Kheerson, Nikolaev, Odessa. Ces régions ne faisaient pas partie de l'Ukraine à l'époque des tsars, elles furent données à Kiev par le gouvernement soviétique dans les années 1920. Pourquoi l'ont-ils fait? Dieu seul le sait", avait lancé ce jour-là l'homme fort du Kremlin.

Un projet gelé en 2015

Théorisé par Pavel Goubarev, gouverneur autoproclamé de la République populaire de Donetsk, la Nouvelle-Russie devrait avoir pour capitale Donetsk et comme religion officielle d'état le christianisme orthodoxe. Poilitiquement, l'objectif était de nationaliser les grandes industries afin de justement installer ce protectionnisme économique.

"Parler de 'Novorossia', c’est jouer avec un imaginaire impérial, patriotique, d’une Russie qui incarnerait une identité qui dépasserait ses frontières. Cette représentation duale du monde, avec une phraséologie très soviétique, aide Vladimir Poutine à se renforcer, notamment face aux difficultés qu'il connaît dans son pays", analysait auprès du Monde Kevin Limonier, chercheur à l’Institut français de géopolitique spécialisé sur la Russie.

Pourtant, très vite, le projet a du plomb dans l'aile. Il est même gelé en 2015, après à peine un an d'existence, à l'annonce d'Alexander Kofman, ministre des affaires étrangères de la République populaire de Donetsk. Pire, celui-ci n'est plus soutenu par Moscou, qui, en signant les accords de Minsk 2, avait signifié qu'il ne reconnaissait pas cette Nouvelle-Russie, tout en demandant que les territoires de l'est restent ukrainiens.

"Le projet a échoué piteusement en 2014", confirme à BFMTV.com Arnaud Dubien, directeur de l'observatoire franco-russe à Moscou.

Cependant, l'inquiétude reste forte. Dans l'une de ses dernières prises de parole, le président ukrainien Volodymyr Zelensky l'assure: "L'Ukraine n'est pas la dernière cible de l'agression russe", et Moscou "veut occuper Odessa et puis il n'y a plus qu'un pas jusqu'en Moldavie".

Or, à l'époque de l'Empire russe, le sud de la Transnistrie, région sécessionniste de la Moldavie, faisait bel et bien partie de la Nouvelle-Russie.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV