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Turquie

La justice turque reporte au mois d’octobre le procès du parti d’opposition CHP accusé de "fraude"

Des manifestants brandissent des bannières et des drapeaux turcs lors d'un rassemblement organisé par le Parti républicain du peuple (CHP) en soutien au maire d'Istanbul, Ekrem Imanoglu, le 29 mars 2025.

Des manifestants brandissent des bannières et des drapeaux turcs lors d'un rassemblement organisé par le Parti républicain du peuple (CHP) en soutien au maire d'Istanbul, Ekrem Imanoglu, le 29 mars 2025. - KEMAL ASLAN / AFP

La justice turque a annoncé ce lundi 15 septembre le report au 24 octobre du procès visant le Parti républicain du peuple (CHP), principal parti d’opposition. Accusé de "fraude", le CHP était sorti grand vainqueur des élections municipales de l’an dernier, infligeant un revers au parti présidentiel AKP.

Un tribunal d'Ankara a reporté ce lundi 15 septembre au 24 octobre sa décision sur une possible destitution pour "fraude" de la direction du principal parti de l'opposition turque, le CHP, offrant un répit à la formation politique visée par des enquêtes et arrestations à répétition.

Mais cette décision est interprétée par des experts comme une stratégie destinée à maintenir sous pression le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), sorti large vainqueur d'élections locales l'an passé aux dépens de la coalition au pouvoir sous pression, afin d'attiser des divisions en interne.

"Des millions de personnes vous regardent, Monsieur le juge. Votre décision est capitale", avait lancé Ugur Poyraz, l'un des avocats du CHP, à l'ouverture de l'audience lundi matin.

Une mobilisation massive en soutien au CHP

Dimanche 14 septembre, des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Ankara pour soutenir le CHP, qui rejette les accusations d'achats de vote lors de son congrès de 2023 au cours duquel l'actuelle direction du parti a été désignée.

"Ce procès est politique, (...) c'est un coup d'État et nous résisterons", a lancé à la foule le patron du CHP, Özgür Özel, affirmant que "la cible n'est pas seulement le CHP, c'est aussi la démocratie en Turquie".

Özgür Özel, qui a pris en novembre 2023 les rênes d'un parti encore sonné par sa défaite à une élection présidentielle organisée six mois plus tôt, avait mené le parti vers une éclatante victoire aux élections locales de mars 2024 aux dépens du Parti de la justice et du développement (AKP, islmamo-conservateur) du président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002.

Mais l'embellie aura été de courte durée: la justice turque a entamé à l'automne 2024 une vague d'arrestations pour "corruption" ou "terrorisme" contre des élus du CHP, qui a culminé avec l'arrestation en mars du populaire maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, vu comme le plus sérieux rival du président Erdogan

Opposition affaiblie, démocratie en danger

Son arrestation, dénoncée comme un "coup d'État politique" par le CHP, avait provoqué de nombreuses réactions internationales et suscité une contestation inédite dans le pays depuis douze ans.

Özgür Özel tente depuis d'entretenir la fronde, en organisant chaque semaine des rassemblements jusque dans des villes longtemps considérées comme des bastions du président Erdogan. Son sort paraît cependant extrêmement incertain depuis qu'un tribunal d'Istanbul a destitué le 2 septembre la direction de la branche stambouliote du CHP en raison d'accusations d'achats de votes au cours d'un congrès également organisé en 2023.

"Je ne veux pas vivre dans un pays sans loi ni justice, où nous ne pouvons pas nous exprimer. C'est pour cela que nous luttons et nous continuerons (de le faire) sans relâche", a déclaré dimanche à l'AFP à Ankara Songül Akbaba, une retraitée de 51 ans.

Pour de nombreux observateurs, l'affaire s'apparente à une tentative des autorités de transformer le plus ancien parti politique de Turquie en une coquille vide, une manoeuvre qui porterait un coup sévère au pluralisme dans le pays.

Dans une tentative de protéger sa direction, le CHP a convoqué un congrès extraordinaire le 21 septembre afin de faire réélire Özgür Özel.

A.Si. avec AFP