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Turquie: des centaines de milliers de manifestants rassemblés à l'appel de l'opposition après l'arrestation du maire d'Istanbul

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Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi 29 mars à Istanbul pour dénoncer l'arrestation du maire Ekrem Imamoglu. Cette manifestation s'est tenue à l'appel du CHP, le parti d'opposition dont dépend l'édile.

Plusieurs centaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi 29 mars à Istanbul, à l'appel du CHP, le parti d'opposition du maire de la ville, Ekrem Imamoglu, pour dénoncer l'arrestation de l'édile. Et ce, malgré la répression qui continue de s'abattre sur les protestataires.

La foule s'est retrouvée à la mi-journée sous un ciel bleu sur la rive asiatique de la métropole "pour poursuivre la marche vers le pouvoir", selon l'appel du chef du Parti républicain du peuple (CHP), Özgür Özel, qui a estimé à 2,2 millions le nombre de manifestants.

Parmi eux, une femme de 82 ans portant un foulard, une photo d'Ekrem Imamoglu et le drapeau turc, confie "ne pas avoir peur". "Je n'ai qu'une vie, je suis prête à la sacrifier pour ce pays", assure-t-elle. Mais elle refuse de donner son nom, "au cas où ils viendraient frapper à ma porte".

"C'est un homme honnête, c'est lui qui sauvera la république turque", déclare-t-elle à propos du maire qui a été arrêté puis emprisonné dans le cadre d'une enquête pour corruption, sur la base d'accusations largement considérées comme fallacieuses.

Des rassemblements réguliers à venir

Les manifestants, munis du drapeau turc et de portraits de Mustafa Kemal Atatürk, le père de la nation, scandent "Taksim est partout, la résistance est partout!", en référence à la place stambouliote, épicentre du vaste mouvement de contestation de Gezi en 2013. Parmi eux: l'épouse, la mère et les deux fils d'Ekrem Imamoglu.

L'arrestation d'Ekrem Imamoglu le 19 mars a déclenché une vague de protestations inédite en plus d'une décennie à travers la Turquie, mobilisant des dizaines de milliers de manifestants chaque soir dans les rues, jusqu'à lundi soir.

Depuis, le parti a cessé de convoquer la foule devant la municipalité. Mais dans un entretien au quotidien français Le Monde, daté de samedi, Özgür Özel, devenu le porte-voix de l'opposition, annonce la tenue de rassemblements réguliers à venir.

Rappelant qu'ils ont été interdits par les autorités dès l'arrestation du maire, le chef du parti kémaliste se dit prêt à "prendre le risque de passer huit, dix ans en prison s'il le faut. Parce que si nous ne repoussons pas cette tentative de coup d'État, il en sera fini des urnes".

Le CHP s'apprêtait à investir Ekrem Imamoglu comme son candidat pour la prochaine présidentielle prévue en 2028 quand il a été arrêté et envoyé en prison cinq jours plus tard.

Étudiants et journalistes visés par la répression

En ce début du long week-end de l'Aïd el Fitr, qui sera célébré dimanche pour marquer la fin du ramadan, le rassemblement de samedi a donc valeur de test pour l'opposition alors que de nombreux stambouliotes auront quitté la ville pour être en famille.

D'autant que le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé cette semaine l'octroi de neuf jours de congés aux fonctionnaires et institutions publiques. Si les jeunes et les étudiants surtout ont tenté de poursuivre la mobilisation, la répression qui continue avec des arrestations, chez eux à l'aube, de manifestants, journalistes, avocats pourrait rebuter les plus déterminés.

Rien qu'à Istanbul, 511 étudiants avaient déjà été interpellés vendredi, dont 275 incarcérés, selon l'avocat Ferhat Güzel, pour qui "ce nombre est probablement beaucoup plus élevé". Selon les derniers chiffres officiels, plus de 2.000 personnes ont été arrêtées dont 260 avaient été incarcérées.

Vendredi soir, le journaliste suédois Joakim Medin, interpellé jeudi à sa descente d'avion, a été placé en détention dans une prison d'Istanbul, a affirmé le rédacteur en chef de son journal Dagens UTC, Andreas Gustavsson.

Selon les médias turcs le reporter est accusé d'avoir "insulté le président" turc et d'être "membre d'une organisation terroriste armée". "Je sais que ces accusations sont fausses, 100% fausses", a insisté pour sa part Andreas Gustavsson sur X. Avant Joakim Medin, le reporter de la BBC Mark Lowen a été expulsé "pour trouble à l'ordre public".

Au moins douze journalistes turcs ont été arrêtés dans la semaine. La plupart ont été libérés, mais restent accusés d'avoir participé à des manifestations interdites qu'ils couvraient pour leur média, dont un photographe de l'AFP, Yasin Akgül, qui a dit craindre "une volonté d'empêcher les journalistes de faire leur travail".

Vendredi, l'avocat du maire d'Istanbul, Mehmet Pehlivan, a été "arrêté pour des motifs inventés de toutes pièces", selon Ekrem Imamoglu, puis remis en liberté dans la soirée.

GJ avec AFP