Que se passe-t-il dans les distributions d’aide à Gaza, où l’armée israélienne est accusée par l'ONU d’avoir tué plus de 1.000 personnes?

L'ONU a accusé ce mardi 22 juillet l'armée israélienne d'avoir tué à Gaza, depuis fin mai, plus de 1.000 personnes qui tentaient d'obtenir de l'aide, dont la grande majorité près des sites de la fondation GHF soutenue par les États-Unis et Israël.
"Plus de 1.000 Palestiniens ont maintenant été tués par l'armée israélienne alors qu'ils tentaient de se procurer de la nourriture à Gaza depuis que la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) a commencé à fonctionner", a indiqué le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU.
"Au 21 juillet, nous avons recensé 1.054 personnes tuées à Gaza alors qu'elles tentaient d'obtenir de la nourriture; 766 d'entre elles ont été tuées à proximité des sites de la GHF et 288 à proximité des convois d'aide de l'ONU et d'autres organisations humanitaires", a détaillé le Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
"Nos données reposent sur des informations provenant de multiples sources fiables sur le terrain, notamment des équipes médicales et des organisations humanitaires et de défense des droits humains", a-t-il expliqué.
Israël défend des "tirs de sommation"
Dimanche, près de 100 Palestiniens sont ainsi morts à Gaza après avoir tenté de récupérer de l'aide humanitaire dans le territoire assiégé par Israël depuis plus de 21 mois, selon la Défense civile de la bande de Gaza.
Le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, a déclaré que 93 personnes avaient été tuées et des dizaines blessées à la suite de "tirs de l'occupation (Israël, NDLR) sur des personnes attendant de l'aide" en différents points du territoire. Selon lui, 80 personnes ont notamment péri dans la zone de Zikim, au nord-ouest de la ville de Gaza (nord).
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré qu'un de ses convois transportant de l'aide alimentaire était entré dimanche matin dans la bande de Gaza et avait rencontré, dans le secteur de Zikim, "d'immenses foules de civils affamés qui ont essuyé des tirs". Le PAM a jugé "totalement inacceptable" toute violence contre ces civils.
Sollicitée par l'AFP, l'armée a évoqué des "tirs de sommation pour écarter une menace immédiate qui pesait sur elle", face à un regroupement de "milliers" de personnes. Elle a démenti le bilan de la Défense civile.
"Risquer sa vie" pour "tenter d'atteindre un sac de farine"
Fin juin, l'ONU alertait sur la faim qui "progresse à Gaza" et sur les distributions d'aide, qui "déjà rares, continuent d’être la cible de violences". L'Organisation des Nations unies reproche notamment à la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) d’avoir "mis en place des sites de distribution non sécurisés, exposant la population à des tirs et des bombardements". Et elle dénonce le fait qu'"Israël interdit toujours aux organisations humanitaires de procéder elles-mêmes à des distributions".
La GHF a commencé à distribuer des boîtes de produits alimentaires le 26 mai, après un blocus de plus de deux mois imposé par Israël à l'entrée de toute aide humanitaire et en dépit des avertissements de risque de famine. L'ONU et les principales organisations d'aide ont refusé de travailler avec la GHF, affirmant qu'elle servait les objectifs militaires israéliens et violait les principes humanitaires de base.
Les distributions de GHF ont donné lieu à des scènes chaotiques, l'armée israélienne ayant fait feu à plusieurs reprises pour tenter de contenir des centaines de Palestiniens désespérés. "Pour de nombreux habitants, tenter d’atteindre un sac de farine ou une ration chaude revient à risquer sa vie", a dénoncé l'ONU fin juin.
MSF pointe l'organisation de GHF
Selon Aitor Zabalgogeazkoa, coordinateur des urgences de Médecins sans Frontières à Gaza, les quatre sites de distribution de GHF, "tous situés dans des zones entièrement contrôlées par les forces israéliennes après que les habitants en ont été déplacés de force, ont la taille d'un terrain de football et sont entourés de postes d'observation, de talus de terre et de barbelés. Leur entrée clôturée ne permet qu'un seul point d'accès".
"Les travailleurs de GHF déposent les palettes et les caisses de nourriture et ouvrent les clôtures avant de laisser des milliers de personnes entrer en même temps pour se battre jusqu'au dernier grain de riz", a-t-il expliqué dans un communiqué de l'ONG fin juin.
"Si les gens arrivent trop tôt et s'approchent des points de contrôle, ils se font tirer dessus. S'ils arrivent à l'heure, mais qu'il y a trop de monde et qu'ils sautent par-dessus les talus et les barbelés, ils se font tirer dessus ", a déploré Aitor Zabalgogeazkoa. "S'ils arrivent en retard, ils ne devraient pas être là car c'est une 'zone évacuée', ils se font tirer dessus", a-t-il ajouté.
Assiégés par Israël depuis le début de la guerre en octobre 2023, les 2,4 millions d'habitants de Gaza sont soumis à des pénuries sévères de nourriture et de biens de première nécessité. Le directeur de l'hôpital al-Chifa à Gaza-Ville, Mohammed Abou Salmiya, a indiqué mardi que les décès de 21 enfants "morts de malnutrition ou de faim" ont été enregistrés en 72 heures dans différents établissements y compris le sien, l'hôpital des Martyrs d'al-Aqsa à Deir el-Balah et l'hôpital Nasser à Khan Younès.
L'UE affirme que tuer des civils cherchant de l'aide à Gaza "est indéfendable"
L'armée israélienne "doit cesser" de tuer des civils palestiniens se rassemblant aux points de distribution d'aide humanitaire à Gaza, a affirmé mardi la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Kaja Kallas.
"J'ai clairement indiqué que l'armée israélienne devait cesser de tuer des personnes aux points de distribution" d'aide humanitaire, a-t-elle déclaré sur X après un entretien avec le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar. Tuer des civils cherchant de l'aide à Gaza "est indéfendable", a insisté la responsable estonienne.
L'Union européenne a annoncé il y a deux semaines avoir conclu un accord avec Israël sur une amélioration des livraisons d'aide humanitaire à Gaza. "Israël a respecté certains engagements, comme je l'ai déjà indiqué la semaine dernière, mais il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire", a indiqué mardi un porte-parole du service diplomatique de l'UE, Anouar El Anouni, soulignant que Kaja Kallas "maintenait la pression" auprès d'Israël.