Mort de Yahya Sinouar: la disparition du chef du Hamas, un moment clé dans la guerre avec Israël?

Un événement aux conséquences encore incertaines. Israël a annoncé jeudi 17 octobre que le chef du Hamas Yahya Sinouar, considéré comme l'architecte des attaques du 7-Octobre qui avaient fait plus de 1.200 morts, avait été tué lors d'une opération à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Une information confirmée ce vendredi 18 octobre par le Hamas.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que cette mort marquait "le début de la fin" de la guerre initiée après les attaques du 7-Octobre par l'armée israélienne à Gaza et qui dure depuis plus d'un an.
Le président Emmanuel Macron a également soutenu que l'élimination du chef du Hamas était à la fois "un succès militaire pour Israël" et un "tournant". "Cette occasion doit être saisie pour que tous les otages soient libérés et la guerre enfin arrêtée", a-t-il appelé sur son compte X. Au-delà des discours, qu'attendre après la disparition du chef du Hamas?
Un succès militaire pour Israël
L'élimination de Yahya Sinouar signe une "formidable victoire" pour Israël, estime le général Olivier de Bavinchove, ex-chef d'état-major de la force internationale de l'OTAN, auprès de BFMTV.
"Sinouar incarnait pour les Israéliens le mal absolu, il avait organisé, commandé l'attaque épouvantable du 7-Octobre", rappelle le militaire, ajoutant que le chef du Hamas "était responsable au premier chef de la prise des otages qui sont maintenant depuis plus d'un an dans la bande de Gaza".
Sa mort permet donc de signer un succès militaire majeur pour Israël et permet à Benjamin Netanyahu, qui avait promis de "détruire" le Hamas à Gaza après les attaques du 7-Octobre, de revendiquer une victoire précieuse auprès de la population israélienne, au sein de laquelle il a perdu du crédit depuis le début de la guerre.
Un Hamas "extrêmement affaibli"
Yahya Sinouar était par ailleurs "réputé pour avoir été un homme extrêmement dur, intraitable", explique à BFMTV Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes et associé chez Forward Global.
La mort de Yahyah Sinouar permet à Israël de se débarrasser d'une "pièce maîtresse du Hamas", juge pour sa part Ulrich Bounat, analyste géopolitique et spécialiste de l'Europe centrale et orientale à BFMTV.
D'autant que le chef du Hamas était souvent considéré comme "le facteur le plus handicapant dans toutes les négociations" et quelqu'un "qui disait non à toute possibilité d'ouverture à Israël", selon l'analyste en géopolitique. La mort de Sinouar "ouvre des perspectives" en termes de négociations, estime donc Ulrich Bounat.
Côté Hamas, le spécialiste du Moyen-Orient assure que "l'organisation est extrêmement affaiblie" avec la disparition de son patron.
D'autant qu'elle survient après l'élimination de son prédécesseur Ismaïl Haniyeh en juillet dernier. En septembre, des opérations israéliennes menées au Liban avaient déjà permis "la décapitation complète du Hezbollah avec (son chef) Hassan Nasrallah qui a été éliminé", rappelle Antoine Basbous.
Un mouvement difficile à neutraliser
Alors que le président américain Joe Biden a déclaré ce vendredi espérer que la mort de Sinouar permette d'ouvrir un "chemin vers la paix", plusieurs experts tempèrent.
"C'est peut-être aller un peu vite en besogne", lâche Ulrich Bounat.
"Je ne serai pas aussi affirmatif dans le sens où il reste des milliers de combattants (du Hamas)", rappelle-t-il à propos de cette organisation sophistiquée.
"(La mort de Sinouar) est l'arbre qui cache la forêt", abonde l'ancien officier de l'armée Guillaume Ancel à BFMTV, "parce que dans la réalité, le Hamas n'est jamais éliminé, il y a toujours quelqu'un pour lui succéder".
"La guerre entre dans une nouvelle phase"
Alors qu'Israël a atteint plusieurs de ses objectifs en éliminant ces dernières semaines différents hauts responsables du Hamas, qu'attendre de l'État hébreu?
Pour le colonel Guillaume Ancel, "le fait que (Sinouar) ait été éliminé aujourd'hui ne signifie absolument pas la fin de la guerre".
"La guerre n'est pas finie, mais entre dans une nouvelle phase", abonde l'expert du Moyen-Orient et vice-président au Centre d'études stratégiques et internationales Jon B. Alterman.
Le mouvement du Hamas risque, selon lui, d'entrer dans une période de turbulences marquée par des "affrontements internes" pour savoir qui va prendre la direction du groupe. Des dissensions risquent également d'apparaître entre les différentes branches du Hamas sur la stratégie à suivre. "Certains groupes au sein du Hamas vont sans doute vouloir redoubler de violences, tandis que d'autres chercheront à préserver leurs options pour l'avenir", estime-t-il.
Une détermination des deux parties
Le général Olivier de Bavinchove n'imagine pas non plus l'État hébreu baisser les armes, même si certains généraux appellent depuis plusieurs mois à cesser les combats, comme le rappelle Le Monde.
"Israël mène un combat existentiel" contre le Hamas, estime le général, à BFMTV. L'État hébreu a "un ennemi qui est à ses portes" et subi "des pertes civiles et militaires considérables", rappelle-t-il. Difficile donc, pour lui, de voir Benjamin Netanyahu mettre fin au combat.
"Je ne sais pas aujourd'hui qui peut arrêter réellement Netanyahu", lâche le colonel Guillaume Ancel à BFMTV.
Le Hamas a par ailleurs redit sa détermination ce vendredi à combattre Israël. "Le martyr de notre chef Yahya al-Sinouar (...) ne fera que renforcer notre mouvement et notre résistance", a assuré Khalil al-Hayya, membre du Hamas basé au Qatar, dans un enregistrement vidéo diffusé sur la chaîne Al-Jazeera.
Quel devenir pour les otages?
L'une des principales questions porte désormais sur le devenir des otages toujours aux mains du Hamas. "Après l'élimination de Sinouar, on espère trouver des solutions pour libérer les otages le plus vite possible", reconnaît l'ambassadeur d'Israël en France Hen Feder, à BFMTV, appuyant les déclarations des familles d'otages qui ont appelé le gouvernement israélien à "tirer parti" de la situation.
Dès jeudi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué dans un communiqué conjoint avec le président américain Joe Biden que l'élimination du chef du Hamas représentait "une occasion de favoriser la libération des otages" et a assuré qu'ils allaient "coopérer afin d'atteindre cet objectif".
Pour l'expert du Moyen-Orient et vice-président au Centre d'études stratégiques et internationales Jon B. Alterman, le devenir des personnes kidnappées est un enjeu central, mais qui reste "flou".
"On estime que le Hamas ne détient pas tous les otages et que différents groupes en son sein peuvent adopter des attitudes différentes avec les personnes retenues en captivité", dit-il. "Certains pourraient exécuter les otages en représailles de la mort de Sinouar" quand d'autres "pourraient les relâcher par peur de ce qu'il pourrait arriver", estime Jon B. Alterman.