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Un quartier dévasté à Khan Yunis dans le sud de la bande de Gaza le 2 mai 2024.

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De Gaza-ville au nord à Rafah au sud: retour sur un an d'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza

Depuis un an, l'armée israélienne bombarde sans relâche la bande de Gaza, aujourd'hui dévastée, afin de détruire le Hamas, responsable des attaques du 7 octobre. Étape par étape, Tsahal a progressé dans l'enclave palestinienne, du nord au sud, afin d'atteindre ses objectifs. Retour sur 365 jours de guerre.

Il y un an jour pour jour, le 7 octobre 2023, Israël se jurait de détruire le Hamas après avoir été attaqué en plein coeur. Et entamait sa riposte sur la bande de Gaza, fief du mouvement islamiste palestinien. Un an après, ce lundi 7 octobre 2024, la guerre perdure dans ce territoire enclavé et aujourd'hui largement dévasté. Et prend même une autre dimension sur le front libanais contre le Hezbollah.

En 365 jours, Tsahal a bombardé Gaza de manière quotidienne faisant, selon le ministère de la Santé du Hamas plus de 40.000 morts, en majorité des civils. Le reste de la population vit quant à elle dans des conditions humanitaires déplorables, sujette aux maladies et subissant des graves pénuries d’eau, de nourritures et de médicaments. Étape par étape, l'armée israélienne s'est enfoncée du nord de l'enclave jusqu'au sud, à Rafah, à la frontière égyptienne.

• 7 octobre 2023: la déclaration de guerre

"Gaza ne reviendra jamais à ce qu'elle était". Après avoir subi une attaque par les airs, la terre, et la mer faisant plus de 1.190 morts en majorité des civils, et 250 otages, le gouvernement israélien déclare la guerre au Hamas. Dès le 7 octobre 2023, Israël riposte à cette attaque terroriste d'ampleur inédite par des frappes aériennes contre Gaza. Au "déluge d'Al-Aqsa" du Hamas, Tsahal répond par l'opération "Glaives de fer".

Des soldats israéliens près de la frontière avec la bande de Gaza le 13 juin 2024
Des soldats israéliens près de la frontière avec la bande de Gaza le 13 juin 2024 © JACK GUEZ / AFP

Deux jours plus tard, l'armée israélienne annonce la mobilisation de 300.000 réservistes et décrète le "siège complet" de la bande de Gaza afin que n’y parviennent "ni électricité, ni nourriture, ni eau, ni carburant". Des blindés sont également positionnés à la frontière. Pour organiser la riposte, un gouvernement d'union nationale d'urgence et un cabinet de guerre sont constitués.

L'armée israélienne émet son premier ordre d'évacuation, en larguant des tracts, le 13 octobre: elle appelle 1,1 million de civils Palestiniens à évacuer la ville de Gaza au nord pour aller vers le sud, vers la "zone humanitaire d’Al-Mawasi".

Alors que les bombardements continuent nuit et jour, des "raids localisés" et des "opérations ciblées" avec des tanks sont également menées à l'intérieur de l'enclave. Signe qu'une opération terrestre d'envergure est imminente.

• Fin octobre 2023: le lancement de l'incursion terrestre à Gaza

Une guerre qui entre dans "une nouvelle phase". À la fin du mois d'octobre, Israël annonce "étendre son opération terrestre" dans la bande de Gaza. Direction Gaza-ville, à bord de chars blindés, comme on peut le voir sur les images ci-dessous diffusées par Tsahal, d'hélicoptères ou encore de navires de guerre.

"Le gouvernorat de Gaza est devenu un champ de bataille", peut-on lire sur des tracts que l'armée israélienne largue dans le territoire palestinien. Internet et lignes téléphoniques y sont coupés.

Le 2 novembre, Tsahal annonce avoir achevé "l'encerclement" de la ville de Gaza après une semaine de combats au sol contre le Hamas et des frappes meurtrières. Quelques jours plus tard, le 8 novembre, le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, affirme que son armée est "au cœur" de la ville.

"L'opération sur Gaza-ville a sans doute été la phase la plus intensive de la guerre dans l'enclave, avec des bombardements massifs", commente David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste du Moyen-Orient, contacté par BFMTV.com.

L'hôpital Al-Shifa, le plus important de la bande de Gaza, devient alors un théâtre de guerre. Alors qu'au moins 2.300 personnes, malades, personnel et civils déplacés depuis le 7 octobre, s'entassent sur le site de l'hôpital selon l'ONU, l'armée israélienne assure que le bâtiment abrite des infrastructures stratégiques du Hamas.

Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 15 novembre 2023 montre des soldats israéliens menant des opérations à l'intérieur de l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza.
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 15 novembre 2023 montre des soldats israéliens menant des opérations à l'intérieur de l'hôpital Al-Shifa dans la ville de Gaza. © Israeli Army / AFP
L'hôpital Al-Shifa, à Gaza, le 7 novembre 2023
L'hôpital Al-Shifa, à Gaza, le 7 novembre 2023 © BASHAR TALEB / AFP

"On nous avait demandé de ne pas pénétrer dans Gaza? Eh bien, nous y sommes rentrés quand même. On nous a dit que nous n'arriverions pas à l'entrée de la ville de Gaza, nous y sommes arrivés. On nous a dit que nous ne pourrions pas rentrer dans l'hôpital Al-Shifa, Nous y sommes", déclare le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu le 15 novembre. L'armée israélienne dit y avoir trouvé "des munitions, des armes et des équipements militaires". Ce que le Hamas dément.

L'hôpital Al-Shifa fait de nouveau l'objet d'un assaut "ciblé" à la mi-mars, Israël affirmant que des "hauts gradés du Hamas" l'utilisent. Selon Tsahal, au moins 200 "terroristes présumés" sont arrêtés quand le ministère du Hamas fait état de "dizaines de morts et de blessés", la plupart des civils. Deux semaines plus tard, le 1er avril, l'armée israélienne retire ses chars et autres véhicules de l'hôpital Al-Shifa.

• Novembre 2023: un accord de trêve, le seul en un an de négociations

Un peu plus d'un mois après le début de l'offensive à Gaza, le 22 novembre, un accord de trêve est établi, entre Israël et le Hamas sous l'égide du Qatar. Un cessez-le-feu prévu pour quatre jours qui a été renouvelé deux fois s'étendant ainsi jusqu'au 1er décembre. Une brève parenthèse dans la tragédie. Au total, le Hamas relâche lors de cette trêve 110 otages, dont 86 Israéliens et 24 étrangers.

À la frontière égyptienne, à Rafah au sud de la bande de Gaza, ces otages -en majorité des femmes et des enfants âgés de 3 à 84 ans-, sont accompagnés par des combattants masqués du Hamas et du Jihad islamique et remis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Cette trêve a aussi permis l'entrée de centaines de camions chargés d'aide humanitaire dans l'enclave palestinienne de 360km².

Depuis décembre, les négociations, menées par le Qatar, les États-Unis et l'Égypte, en vue d'un nouvel accord de trêve piétinent. À plusieurs reprises, des espoirs ont été attisés par des "propositions", des "réponses positives". En vain. Ni le mouvement islamiste palestinien ni le gouvernement d'extrême droite israélien n'ont cédé sur leurs positions. Les propositions ont toutes été refusées. Et ce, malgré les pressions internationales, et pour Benjamin Netanyahu, les pressions de sa société civile.

Des milliers d'Israéliens demandent au gouvernement de l'État hébreu de mettre fin à cette guerre, et le supplient de libérer les otages. À ce stade, sur les 251 personnes enlevées, 97 sont toujours retenues à Gaza. Après la trêve de novembre, certains otages ont été libérés par Tsahal, d'autres ont été retrouvés morts. 33 personnes sont déclarées mortes par l'armée.

"L'objectif de libération des otages a totalement échoué", commente Frédéric Encel, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste du Moyen-Orient, contacté par BFMTV.com.

• Décembre 2023: la bataille de Khan Younes

Alors que fin novembre d'intenses tractations sont menées pour que la trêve soit reconduite une nouvelle fois, l'armée israélienne reprend le 1er décembre ses frappes dans la bande de Gaza. Après avoir accusé le Hamas d'avoir violé la pause en vigueur par un tir de roquette.

"À partir de là, sous la pression des États-Unis, le ciblage de frappe a été privilégié", souligne David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'IRIS.

Les opérations ne se concentrent plus seulement au nord de l'enclave, mais s'étendent vers le sud, "partout où le Hamas a des bastions" selon un des porte-parole de l'armée, Daniel Hagari. Le lundi 4 décembre, des dizaines de chars, de transports de troupes et de bulldozers israéliens entrent au niveau de la grande ville de Khan Younès. Des frappes, entrecoupées de largages de tracts appelant la population à partir dont des centaines de milliers qui ont déjà fui le nord, s'abattent sur la ville de manière quotidienne.

Des civils palestiniens quittent les quartiers est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, après les ordres d'évacuation de l'armée israélienne, le 22 juillet 2024
Des civils palestiniens quittent les quartiers est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, après les ordres d'évacuation de l'armée israélienne, le 22 juillet 2024 © Bashar TALEB / AFP

À ce stade, depuis le 7 octobre, soit en trois mois, Tsahal affirme avoir mené "environ 10.000 frappes aériennes" sur Gaza. 85% de la population a été déplacée et 300.000 logements ont été totalement ou partiellement détruits, soit 60% des logements de l'enclave.

"Nous continuons de nous battre et nous intensifions les combats dans les jours à venir et ça sera une longue guerre qui n'est pas près de finir", déclare Benjamin Netanyahu le 25 décembre.

Le 6 janvier, Tsahal annonce avoir "achevé le démantèlement de la structure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza" et dit se concentrer "désormais dans le centre et le sud".

Après l'hôpital Ah-Shifa, c'est l'hôpital Nasser de Khan Younès -où là encore des milliers de déplacés sont abrités- qui est la cible d'une "opération" israélienne mi-février. "L'opération est basée sur des informations de renseignement indiquant une activité terroriste du Hamas à l'hôpital et son objectif est d'atteindre les terroristes", écrit alors le porte-parole de l'armée Daniel Hagari. Une situation face à laquelle le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus "s'alarme".

Début avril, après des mois de combats, Tsahal annonce en avoir fini avec Khan Younes et retire la majeure partie de ses troupes "afin de se préparer à de futures opérations" "dans la zone de Rafah". Cette ville située à la frontière égyptienne par laquelle l'aide humanitaire est entrée au compte-goutte dans Gaza assiégée.

• À partir de février 2024: l'offensive sur Rafah

Refuge depuis le début de la guerre, Rafah devient à son tour la cible d'Israël. Dès le début du mois de février, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait ordonné à son armée de "préparer" une offensive sur cette ville où s'entassent 1,3 million de Palestiniens dont la grande majorité sont des personnes déplacées par les affrontements des derniers mois.

"Il est impossible d'atteindre l'objectif de la guerre sans éliminer le Hamas et en laissant quatre bataillons du Hamas à Rafah", et cela requiert que "les civils évacuent les zones de combat", avait alors affirmé le chef du gouvernement de l'État hébreu.

Malgré les réserves de la communauté internationale -le chef de l'ONU Antonio Guterres avertissant du risque d'"un cauchemar humanitaire"- Israël mène son "opération" dans cette ville. Si des bombardements étaient effectués depuis février, cette "opération" se concrétise au début du mois de mai. Et ce, malgré la proposition de trêve des médiateurs égyptiens et qataris acceptée par le Hamas le 6 mai.

Le lendemain, l'armée israélienne entre dans Rafah, prend le contrôle du passage frontalier avec l'Égypte et ferme les deux principaux points d'accès à l'aide humanitaire. Une mesure jugée "inacceptable" par les États-Unis.

Un jeune Palestinien à l'intérieur d'un bâtiment détruit dans un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 mai 2024.
Un jeune Palestinien à l'intérieur d'un bâtiment détruit dans un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 mai 2024. © AFP

L'opération lancée le 7 mai est "un combat qui va décider beaucoup de choses dans cette campagne", déclare Benjamin Netanyahu en s'adressant à des soldats dans la zone de Rafah. Elle ne vise pas "seulement les bataillons restants" du Hamas, mais aussi leurs "échappatoires et voies de ravitaillement".

Plus d'un mois plus tard, le 23 juin, le Premier ministre israélien affirme que les combats "intenses" à Rafah sont "sur le point de se terminer".

"Après la fin de la phase intense, nous serons en mesure de redéployer certaines forces vers le nord, et nous le ferons (...)", ajoute-t-il.

Ces trois derniers mois de guerre, tant Rafah, Khan Younes, la région de Nousseirat dans le centre, que Gaza-ville sont ciblés par les frappes de Tsahal. Le 31 juillet, le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh a été tué à Téhéran en Iran -grand ennemi d'Israël- dans une frappe imputée à l'État hébreu.

Des soldats israéliens préparent leurs chars dans un camp militaire près de la frontière israélienne avec la bande de Gaza, le 8 avril 2024.
Des soldats israéliens préparent leurs chars dans un camp militaire près de la frontière israélienne avec la bande de Gaza, le 8 avril 2024. © Menahem KAHANA / AFP

"Maintenant on a affaire à des coups de force ponctuels, décamètre par décamètre, afin notamment de protéger les soldats. Le front à Gaza n'est plus un front militaire lourd aujourd'hui. Incontestablement, le Hamas va finir par s'épuiser", analyse Frédérique Encel, auteur des Voies de la puissance aux éditions Odile Jacob.

Le 27 septembre dernier, si devant les Nations unies, le chef du gouvernement de l'État hébreu a affirmé avoir éradiqué une grande partie des forces du groupe islamiste, il exclut tout retrait à ce stade. Il promet de se battre "jusqu'à la victoire totale" et demande une reddition au Hamas, ainsi que le retour des 50 otages encore retenus dans la bande de Gaza.

"Il semble que 23 bataillons sur 24 aient été démantelés. Ils restent des combattants du Hamas mais ils se trouvent très désorganisés", commente David Rigoulet-Roze, spécialiste du Moyen-Orient. "Lorsque Tsahal aura considéré achever la destruction de la structure militaire du Hamas, la question se posera: quid du jour d'après?"

"Netanyahu s'est jusqu'à présent toujours refusé de penser le jour d'après, il y a donc un réel déni sur la nécessité d'une perspective politique", ajoute le spécialiste.

"Gaza était sans doute la première séquence d'un scénario plus vaste. La deuxième séquence semble ouverte aujourd'hui avec l'opération au Liban".

• Depuis l'été 2024: l'intensification du front libanais

Dès le 8 octobre, les échanges de roquettes entre le Hezbollah libanais, allié du Hamas et pro-iranien, et Tsahal, deviennent quotidiens. Mais début janvier, les regards se font plus insistants sur la frontière nord israélienne. Le numéro 2 du bureau politique du mouvement islamiste, Saleh al-Arouri, est tué dans une frappe attribuée à Israël dans la banlieue sud de Beyrouth. La première frappe au-delà du sud du Liban.

Souhaitant que les 80.000 Israéliens déplacés à la frontière nord du pays "rentrent chez eux", le ministre de la Défense Yoav Gallant déclare le 8 janvier qu"'Israël ne reculera pas devant une action militaire". "Ils (le Hezbollah, NDLR) voient ce qui se passe à Gaza. Ils savent que nous pouvons copier-coller à Beyrouth", a-t-il ajouté.

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Escalade entre Israël et le Liban: ce qui change après la mort d'Hassan Nasrallah
17:15

Dès le milieu de l'été, les tensions franchissent un premier palier avec l'assassinat du chef militaire du Hezbollah Fouad Chokr le 30 juillet près de Beyrouth. Un deuxième et immense palier est franchi le 17 septembre, jour où le Mossad est accusé d'avoir déclenché une série d'explosions de bipeurs appartenant au Hezbollah au Liban et en Syrie. Le lendemain, une opération du même genre, cible cette fois des talkies-walkies qui explosent. Au total, le bilan des explosions d'appareils de transmission s'élève à 37 morts et près de 3.000 blessés, selon le ministre de la Santé libanais.

Deux jours plus tard, l'armée israélienne revendique l'élimination à Beyrouth du chef de l'unité paramilitaire d'élite du Hezbollah, Ibrahim Aqil, et d'autres hauts responsables du mouvement islamiste libanais. Coup de grâce le 28 septembre: le chef du mouvement, Hassan Nasrallah, est tué dans une frappe de Tsahal.

Ce front nord s'emballe encore davantage dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, lorsque l'armée israélienne décide de mener une incursion terrestre dans le sud du Liban. Tout en continuant les bombardements sur Beyrouth et dans le sud du pays.

"Pour Israël, ce n'est pas possible de laisser croire qu'un autre 7 octobre est possible", conclu le géopolitologue Frédéric Encel.

Juliette Brossault