BFMTV
Iran

Russie, Chine... Pourquoi Téhéran pourra difficilement compter sur ses alliés après les frappes américaines

placeholder video
Les États-Unis ont frappé plusieurs sites nucléaires iraniens dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 juin. Téhéran a répondu en menaçant Washington d'une "action ferme".

Après les frappes américaines, quelle réplique de Téhéran? L'Iran a prévenu ce lundi 23 juin qu'il répondra via une "action ferme", aux frappes américaines survenues dans la nuit du 21 au 22 juin, après avoir déjà menacé dimanche de se défendre "par tous les moyens nécessaires", dénonçant le "comportement extrêmement dangereux, anarchique et criminel" des États-Unis

"Il n'y a pas de ligne rouge qu'ils n'aient pas franchie. Et la dernière, la plus périlleuse, s'est produite hier soir. Ils ont franchi une ligne rouge majeure en attaquant des installations nucléaires", a prévenu l'Iran.

Après les frappes américaines qui ont visé des sites nucléaires en Iran, de nombreuses forces internationales ont réagi, dont la Chine, soutien de Téhéran. Le ministère chinois des Affaires étrangères a ainsi exhorté ce lundi tous les protagonistes du conflit à "empêcher une escalade (...), à éviter résolument la propagation de la guerre et à revenir sur la voie d'un règlement politique".

Un pays isolé sur la scène internationale

De quoi laisser espérer un soutien de Pékin pour Téhéran? Probablement pas, selon plusieurs spécialistes qui rappellent que l'Iran est un pays très isolé sur la scène internationale.

"L'Iran est un État perse et chiite dans un monde musulman principalement sunnite, ça en fait un pays tout à fait à part", explique à BFMTV.com François Géré, professeur agrégé et docteur habilité en histoire des relations internationales et stratégiques contemporaines à la tête de l'Institut Français d'Analyse Stratégique (IFAS).

"Il a d'abord cherché à développer une activité révolutionnaire dans tous les pays avec une population chiite, comme l'Irak, le Bahreïn et le Liban avec le Hezbollah, donc il est d'abord perçu comme un État révolutionnaire perturbateur, même s'il ne l'est plus aujourd'hui", ajoute l'enseignant.

Qui sont les partenaires commerciaux de l'Iran?
Qui sont les partenaires commerciaux de l'Iran?
2:49

En plus de cela, "depuis le 7-Octobre (2023 et l'attaque du Hamas en Israël NDLR), l'Iran a beaucoup perdu de soutiens dans la région", note auprès de BFMTV.com Jonathan Piron, historien et spécialiste du Moyen-Orient, enseignant à l'université de Liège, en Belgique. Le Hamas a notamment perdu nombre de ses hauts responsables dans le conflit contre Israël et le Hezbollah libanais s'est fortement affaibli dans cette même guerre.

Au Moyen-Orient, Téhéran dispose globalement de peu d'alliés ou d'alliés utiles. "L'Iran a commis beaucoup d'erreurs en se fiant à des alliés faibles comme le Hezbollah au Liban, ou les Houthis au Yémen, qui pèsent peu", ajoute le président de l'IFAS.

Des intérêts économiques à protéger dans la région pour Pékin

Concernant un hypothétique soutien de la Chine, François Géré rappelle que Pékin est "relativement peu impliqué au Moyen-Orient", de manière générale, notamment pour des raisons économiques.

La Chine achète notamment du pétrole à l'Arabie saoudite, et de façon moindre à l'Iran, et a tendance pour cela à "privilégier sa relation" avec Riyad et la stabilité dans la région pour des raisons économiques, indique le directeur de l'IFAS.

Pékin a par ailleurs trouvé un "compromis sur les tarifs douaniers avec Donald Trump" après plusieurs semaines de guerre commerciale entre les deux pays, souligne François Géré. "Donc la Chine n'a pas envie d'affronter un Donald Trump qui est un adversaire coriace, mais avec lequel on peut s'entendre", estime le spécialiste.

Ce lundi, le ministre chinois des Affaires étrangères a d'ailleurs lui-même insisté sur les répercussions économiques d'un embrasement régional. "Le Golfe et ses eaux environnantes sont des passages essentiels pour le commerce international de biens et d'énergie", a ainsi rappelé Guo Jiakun, appelant la communauté internationale à "redoubler d'efforts" pour "empêcher l'instabilité régionale d'avoir un impact plus important sur le développement économique mondial".

La Russie occupée par l'Ukraine

L'Iran ne pourra probablement pas compter non plus sur un soutien venu de Russie. "Elle a une priorité en ce moment, c'est l'Ukraine", rappelle François Géré. "C'est la raison pour laquelle, elle a laissé tomber Bachar al-Assad" en Syrie, après le début de l'offensive contre Kiev en février 2022, estime l'expert.

"Les capacités réelles (de la Russie) sont beaucoup plus faibles qu'imaginé. Elle n'a pas les moyens de s'étendre au Moyen-Orient et de faire la guerre en Ukraine", assure François Géré.

"La Russie a des intérêts économiques notamment via le détroit d'Ormuz", via lequel transite une grande partie du commerce mondial de pétrole et de gaz, ajoute Jonathan Piron. Il existe par ailleurs une "communauté russe importante en Israël", ce qui devrait décourager Moscou à frapper l'État hébreu, ajoute l'historien.

Des partenaires de circonstances plutôt que des alliés

"La Russie et la Chine ne sont pas des alliés au sens strict" de l'Iran, résume Jonathan Piron. "Ils sont uniquement partenaires sur certains dossiers".

La rencontre ce lundi entre Vladimir Poutine, qui a dénoncé une "agression non provoquée contre l'Iran", et le président iranien ne devrait pas aboutir à une quelconque action militaire pour François Géré. "On est au niveau de la déclaration politique non suivie de faits tangibles", dit-il.

Même chose pour la Corée du Nord ou encore Cuba, des pays qui de toute façon disposent de moyens limités pour affronter les puissances militaires américaines et israéliennes.

"Ce sont des alliés temporaires en fonction des circonstances, avec des moyens plutôt réduits et des intérêts divergents", juge de son côté François Géré.

Une armée iranienne qui ne fait pas le poids

Une situation particulièrement difficile pour l'Iran alors que le pays a "une armée de terre et une armée de l'air très faibles", d'après le général Jean-Claude Allard, spécialiste des questions de défense à l'Iris, dit-il à BFMTV.

D'autres solutions se présentent-elles pour l'Iran après les frappes américaines, alors que Donald Trump affirme être "toujours intéressé" ce lundi par une issue diplomatique au conflit? Pour Jean-Claude Allard, bloquer le détroit d'Ormuz apparaît comme une arme qui pourrait se retourner contre les propres intérêts de Téhéran, fournisseur de pétrole, sur le plan économique.

"L'attaque des bases américaines au Proche-Orient, c'est aussi une arme à double tranchant car le monde arabe qui accueille ces bases se sentirait aussi attaqué", ajoute le général.

"Je vois plutôt les champs dits immatériels et terroristes pour développer une vengeance qui toucherait les Américains spécifiquement. Et en attendant, ils continueraient de bombarder Israël avec un rythme soutenu et régulier", dit-il.

Juliette Desmonceaux