Retenue ou répliques? L'Iran face à un dilemme après les frappes d'Israël contre le Hezbollah au Liban

Où est l'Iran? Alors que l'armée israélienne mène une guerre sans merci au Hezbollah, allié de Téhéran, dans le sud du Liban, le régime des mollahs s'est jusqu'ici contenté de simples mises en garde verbales, refusant d'entrer militairement dans le conflit.
L'Iran est pourtant l'ennemi juré d'Israël depuis la révolution islamique de 1979. Plusieurs de ses dirigeants, le Guide suprême et leader du régime Ali Khamenei en tête, prônent la "destruction" d'Israël, qualifié de "régime sioniste criminel et terroriste".
Malgré cette rhétorique guerrière, l'Iran n'aurait en réalité que peu d'intérêt à rentrer dans une guerre totale contre Israël. Les risques pour la nation iranienne et ses dirigeants religieux sont trop importants, ont ainsi déclaré sous couvert d'anonymat des proches du pouvoir iranien au New York Times. Les capacités militaires du pays et de ses alliés pourraient être considérablement réduites par un affrontement prolongé avec Israël, et plus encore si l'armée américaine entre en jeu, craignent-ils.
Une guerre trop risquée pour le régime?
Interrogé par l'AFP, Ali Vaez, analyste au think-tank Crisis Group, estime que toute escalade iranienne pourrait "garantir une victoire stratégique" au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Et même avoir un impact sur la présidentielle américaine, en aidant Donald Trump à revenir au pouvoir, ce qui "serait hautement préjudiciable aux intérêts iraniens".
Au lieu de "faire le jeu de son ennemi juré" Israël, note Ali Vaez, l'Iran fait pression "pour obtenir un allègement des sanctions et (..) un certain répit économique". L'Iran est en effet en proie à une grave crise économique depuis que l'ancien président américain Donald Trump a retiré en 2018 son pays de l'accord international visant à geler le programme nucléaire iranien et réimposé des sanctions sévères contre l'Iran.
Plusieurs pays européens ont par ailleurs mis fin à leurs liaisons aériennes avec l'Iran, accusé de fournir des missiles à la Russie pour les besoins de sa guerre en Ukraine.
Discours modéré
Plus modéré que son prédécesseur Ebrahim Raïssi, tué dans un crash d'hélicoptère en mai dernier, le président iranien Massoud Pezeshkian plaide pour de meilleures relations avec l'Occident. En visite cette semaine aux États-Unis pour assister à l'Assemblée générale de l'ONU, il a accusé Israël de bellicisme, tout en présentant une image modérée de son pays.
"Nous savons mieux que quiconque que si une guerre plus importante devait éclater au Moyen-Orient, cela ne profiterait à personne dans le monde. C'est Israël qui cherche à créer ce conflit plus large", a-t-il déclaré à la presse.
L'Iran a mené contre Israël le 13 avril une attaque inédite aux drones et aux missiles -pour la plupart interceptés - pour riposter à une frappe contre son consulat à Damas. Les analystes avaient alors estimé que Téhéran cherchait à "montrer ses muscles" dans le sillage de la guerre entre Israël et le Hamas, tout en veillant à ne pas provoquer de confrontation avec Washington.
"Axe de la résistance"
S'il n'intervient pas directement, l'Iran continue de soutenir le Hezbollah, dont il est le parrain idéologique et le principal fournisseur d'armes. Le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a récemment assuré que "l'Iran ne restera pas indifférent" aux frappes israéliennes visant des hauts commandants du Hezbollah.
Mercredi, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a déploré la mort de "précieux" combattants du Hezbollah, tout en affirmant que ces "dégâts" ne pourraient pas "mettre à genoux" le groupe libanais.
Au-delà du Hezbollah, l'Iran mobilise également tous les membres de "l'Axe de la résistance", des forces pro-Iran disséminées dans tout le Moyen-Orient, du Hamas à Gaza aux Houthis du Yémen en passant par le régime syrien. Selon les responsables proches du régime iranien interrogés par le New York Times, l'Iran se sert de ses "proxys" non pour mener une guerre totale, mais pour maintenir l'armée israélienne sous pression.
Entre démonstrations de haine à Israël et retenue militaire, l'Iran cherche un fragile équilibre. Au risque de détériorer son image auprès de ses alliés. Auprès de la BBC, un ancien commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique, organe paramilitaire rattaché à l'ayatollah Khamenei, affirme que les menaces répétées contre Israël sans mise à exécution nuisent à la crédibilité de l'Iran, autant dans le pays que chez ses soutiens à l'étranger.