Le référendum en Catalogne, symbole d'une crise politique majeure

Des étudiants manifestent à Barcelone en faveur du référendum sur l'indépendance de la Catalogne, le 28 septembre 2017 - PAU BARRENA / AFP
Dimanche, 7,5 millions de Catalans sont appelés à se prononcer sur l'indépendance de leur région, dans le cadre d'un référendum organisé par leur gouvernement régional indépendantiste, mais déclaré illégal par le pouvoir central. Avec l'adoption de la loi organisant ce scrutin par le parlement catalan, le 6 septembre dernier, l'Espagne semble s'engager dans une de ses pires crises politiques en quarante ans de démocratie, de l'avis de tous ses dirigeants.
Le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy et la justice semblent bien décidés à interdire ce référendum, quitte à faire bloquer l'accès aux bureaux de vote par les forces de l'ordre massivement déployées dans la région, avec plus de 10.000 policiers et gardes civils envoyés en renfort.
Perquisitions et menaces de sanctions
Le maintien du scrutin en dépit de son interdiction a conduit Madrid à multiplier menaces et mesures de répression. Le 20 septembre, des perquisitions ont par exemple été menées au siège du gouvernement régional catalan, à Barcelone. Jeudi, la Garde civile a par ailleurs saisi 2,5 millions de bulletins de vote et quatre millions d'enveloppes dans un entrepôt à Igualada, à proximité de Barcelone.
Le parquet général espagnol a, quant à, lui annoncé que les maires catalans qui participeraient à l’organisation du référendum dans leur commune risqueraient des poursuites judiciaires. Parallèlement, la tenue des meetings est rendue compliquée par des annulations formulées par des juges administratifs.
Des références à la période franquiste
Face à la pression du gouvernement central, les indépendantistes multiplient les manifestations avec des slogans faisant référence à la période franquiste. Ils se comparent en effet fréquemment à la République espagnole (1931-1939) écrasée par le général Francisco Franco après trois ans de guerre civile. Des manifestants catalans scandaient ainsi récemment "No pasaran!" ("Ils ne passeront pas!"), fameux slogan antifasciste de cette guerre civile.
"La première chose qu'a fait Franco en Catalogne, c'est de supprimer la Generalitat", le gouvernement régional autonome, avant de durement réprimer l'usage du catalan, rappelle Jordi Canal, historien à l'École des Hautes études en sciences sociales de Paris.
C'est aussi sous la République, pour s'opposer à la droite qui gouvernait à Madrid, que le président de la Generalitat Lluis Companys a proclamé en 1934 un éphémère "Etat catalan de la République fédérale espagnole". Faute de soutiens, il a résisté "six ou sept heures, et il est sorti arrêté les mains en l'air (...). Exactement ce que le gouvernement espagnol essaie d'éviter aujourd'hui", affirme Jordi Canal, soulignant que les institutions espagnoles, qui multiplient arrestations et saisies en Catalogne, épargnent pour l'heure les chefs séparatistes.
Une "violation des droits fondamentaux"
Plus récemment, les tensions entre la Catalogne et le pouvoir central avaient été ravivées suite à l'annulation en 2010 par la Cour constitutionnelle de Madrid d'une partie-clé du texte qui conférait à la région une autonomie élargie et le statut de "nation". Un retour en arrière qui avait été perçu comme une “humiliation” par les indépendantistes.