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Espagne

Référendum en Catalogne: Madrid et Barcelone en plein bras de fer

Un manifestant pro-indépendance colle des affiches pendant une démonstration de force des partisans du "oui", le 20 septembre, à Barcelone.

Un manifestant pro-indépendance colle des affiches pendant une démonstration de force des partisans du "oui", le 20 septembre, à Barcelone. - Lluis Gene - AFP

Le 1er octobre, un référendum d’autodétermination doit se tenir en Catalogne. Les habitants de cette région sont appelés aux urnes par l'exécutif régional pour donner leur avis sur une question simple: veulent-ils que la Catalogne devienne une république indépendante? Mais à l’approche du vote, Madrid multiplie les mesures pour empêcher la bonne tenue du scrutin, jugé illégal.

Le référendum sur l’indépendance de la Catalogne pourra-t-il se tenir? Rien n’est moins sûr, tant Madrid réunit toutes ses forces pour bloquer la tenue du vote, convoqué par le gouvernement indépendantiste catalan, et pour lequel 7,5 millions d'habitants doivent être consultés.

Le référendum, au cours duquel les électeurs de Catalogne devront donner leur avis sur l’accès à l’indépendance de leur région et le passage à un régime républicain, est fixé au 1er octobre. Mais non reconnu et considéré comme illégal par le gouvernement national espagnol, -décision confirmée par la Cour constitutionnelle- il pourrait ne jamais réussir à avoir lieu. Explications.

Une vague de perquisitions et d’arrestations

Madrid, qui n’a jamais reconnu ce référendum et dénonce un "coup de force contraire à la démocratie", a lancé sa riposte dès le début de la campagne du camp des séparatistes, début septembre. Notamment en faisant suspendre par la justice la loi référendaire votée par le parlement catalan, qui permet la tenue du référendum. Ce dernier est donc ainsi rendu "illégal". Des poursuites pénales ont été annoncées contre les dirigeants catalans, et le gouvernement national cherche à bloquer par des moyens juridiques la tenue du scrutin, tandis que les séparatistes ignorent tous les avertissements.

Dernier fait marquant en date: des perquisitions ont été menées le 20 septembre au siège du gouvernement régional catalan, à Barcelone. Ce jour-là, la garde civile a arrêté treize hauts responsables de l'exécutif catalan, sans toutefois indiquer les motifs de ces interpellations. Le président catalan Carles Puigdemont a dénoncé la situation, estimant que le gouvernement espagnol "totalitaire" a “appliqué de facto un état d’urgence” en Catalogne.

La Cour constitutionnelle, qui a jugé le référendum anticonstitutionnel, avait pourtant mis en garde, par le biais de courriers adressés personnellement, les dirigeants et les fonctionnaires catalans qu'ils ne pouvaient pas coopérer à l'organisation du "scrutin illégal".

Des membres de la Guardia Civil et des Mossos d'Esquadra surveillent les locaux du gouvernement catalan, pendant des perquisitions, le 20 septembre, à Barcelone.
Des membres de la Guardia Civil et des Mossos d'Esquadra surveillent les locaux du gouvernement catalan, pendant des perquisitions, le 20 septembre, à Barcelone. © Josep Lago - AFP

Les maires catalans menacés

Avant le gouvernement catalan, les maires des villes catalanes se sont eux aussi retrouvés dans le collimateur des autorités. Le parquet général espagnol a ainsi annoncé que ceux qui autoriseraient et participeraient à l’organisation du référendum dans leur commune risqueraient des poursuites judiciaires.

Quinze jours avant le vote, près de 750 des 948 maires catalans, soit une large majorité, assuraient vouloir participer à son organisation, et acceptaient donc d'ouvrir leurs locaux municipaux pour y installer des bureaux de vote. Aux cris de "nous voterons" et "indépendance", ils ont défilé le 16 septembre à Barcelone pour afficher leur détermination à ouvrir leurs locaux municipaux pour le référendum. Plusieurs d’entre eux sont convoqués depuis le 19 septembre par la justice, pour s’expliquer sur leur participation au scrutin.

  • Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a en revanche tenu à rassurer les maires refusant de participer au référendum, les assurant du soutien de Madrid, alors que certains disent se retrouver “sous pression” ou “menacés” en raison de leur refus de coopérer le 1er octobre.

Du matériel électoral saisi en masse

L’Etat et la justice se sont également attaqués à la production et à la distribution du matériel électoral censé servir pour la campagne, mais aussi pour le scrutin en lui-même, le 1er octobre. Ainsi, la tenue des meetings de campagne du camp du “oui” est compliquée par des annulations et interdictions formulées par des juges administratifs, et des sites internet consacrés au référendum ont été interdits par l’Etat.

La Garde civile, elle, cible le matériel électoral. En l’espace de quelques jours, elle a notamment saisi 1,3 million de tracts, dépliants et affiches promouvant le “oui”, qui étaient prêts à être distribués, mais aussi 45.000 convocations destinées aux assesseurs des bureaux de vote. Lors de la vague de perquisitions du 20 septembre, dix millions de bulletins qui devaient être utilisés ont aussi été emportés.

En outre, des imprimeries et autres lieux susceptibles de fournir du matériel électoral ont été perquisitionnés, entravant la production des urnes et bulletins nécessaires. A noter que les 6.000 urnes d’ores et déjà prêtes sont stockées dans un endroit tenu secret, pour éviter qu’elles ne soient saisies.

Une photo diffusée par la Guardia Civil montre une saisie de matériel électoral destiné au référendum catalan.
Une photo diffusée par la Guardia Civil montre une saisie de matériel électoral destiné au référendum catalan. © Spanish Guardia Civil - AFP

La police catalane priée d’empêcher le scrutin

Alors que le gouvernement catalan compte sur sa police régionale, les Mossos d'Esquadra, pour garantir la sécurité du scrutin, il n’est pas sûr que celle-ci pourra remplir cette mission, compte tenu des ordres envoyés par Madrid. La justice espagnole, bras armé de l’exécutif central, a en effet expressément demandé à tous les corps de police présents dans la région, parmi lesquels les Mossos, d'empêcher le référendum.

Une situation délicate pour les Mossos, ordonnés d’agir contre un gouvernement dont ils dépendent directement. Reste à savoir à quelle autorité ces forces de police se plieront, le jour J arrivé.

  • La Catalogne financièrement paralysée 

Enfin, Madrid a porté un coup puissant, le 15 septembre, en renforçant le contrôle des dépenses de la Catalogne. Objectif: éviter qu'un seul euro ne finance le référendum “illégal” d'autodétermination. Ainsi, le gouvernement espagnol a fermé le robinet financier dont dépend la Catalogne laissant même planer un doute sur le paiement de ses fonctionnaires.

En Espagne, l'Etat lève lui-même la majeure partie des impôts, puis les répartit entre les différentes régions, qui paient ensuite les fonctionnaires, les services sociaux et éducatifs. Désormais, Madrid refusera de verser l'argent sur le compte du gouvernement catalan, mais paiera directement les factures des services "essentiels" (hôpitaux, écoles, police, etc.), soit environ 1,5 milliard d'euros par mois. Autrement dit, les dirigeants catalans ne disposent plus eux-mêmes de leur argent. L'exécutif catalan a d’ores et déjà déposé un recours devant la Cour Suprême pour contester la décision gouvernementale. Mais celle-ci s’impose, et est considérée par les spécialistes comme une suspension de facto de l’autonomie financière de la Catalogne.

L'exécutif catalan déterminé à faire le référendum 

Malgré l'injonction de Madrid à respecter à faire respecter la loi espagnole, le pouvoir régional catalan reste ferme quant à son intention d'organiser le scrutin. Le président régional a accusé ce mercredi le gouvernement espagnol d'avoir imposé un "état d'urgence". 

Le gouvernement "a suspendu de facto l'autonomie de la Catalogne et appliqué de facto un état d'urgence", a ainsi affirmé Carles Puigdemont. Il accuse le gouvernement de Mariano Rajoy d'être "totalitaire" et de violer les "droits fondamentaux".