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Catalogne: ce qu’il faut savoir sur le référendum du 1er octobre

Une Barcelonaise passe devant une affiche appelant à voter "oui" au référendum du 1er octobre, le 15 septembre 2017.

Une Barcelonaise passe devant une affiche appelant à voter "oui" au référendum du 1er octobre, le 15 septembre 2017. - Josep Lago - AFP

Les Catalans sont invités à s'exprimer le 1er octobre prochain sur l'indépendance de leur région, lors d'un référendum d'autodétermination convoqué par le gouvernement indépendantiste de Catalogne. Un scrutin considéré comme "illégal" par Madrid, qui cherche à tout faire pour en empêcher la tenue.

Le 1er octobre, malgré l’interdiction de la Cour constitutionnelle, les Catalans sont appelés aux urnes pour s'exprimer sur l’indépendance de leur région, où les indépendantistes sont devenus majoritaires en termes de sièges lors des élections régionales de 2015. Si le référendum a lieu, ce qui est pour l’heure encore incertain, son issue pourrait être historique pour l'Espagne. En effet, si le "oui" venait à l'emporter, la Catalogne, dont la superficie équivaut à celle de la Belgique, pourrait devenir une république indépendante, séparée du royaume d'Espagne, et de son système de monarchie constitutionnelle parlementaire.

Que va-t-il se passer le 1er octobre?

Le président de la Catalogne, le séparatiste Carles Puigdemont, avait annoncé la date en juin: le 1er octobre prochain, les habitants de la Catalogne en âge de voter se rendront aux urnes pour s'exprimer sur l'indépendance de leur région. Le 6 septembre, le Parlement catalan, dominé par les indépendantistes, a adopté une loi permettant la tenue de ce référendum d'autodétermination, suspendue dès le lendemain par la Cour constitutionnelle espagnole. Pas de quoi stopper les séparatistes: les 7,5 millions de Catalans (qui représentent 16% de la population espagnole totale) se verront dans quelques jours poser une question simple: "Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous forme de république?". En cas de victoire du "oui", et si le taux de participation n'est pas "ridicule", la région amorcera la "déconnexion" d'avec l'Espagne, ont assuré les dirigeants catalans.

Lors des régionales de 2015, les séparatistes catalans avaient promis de mener la région, qui possède sa propre langue et sa propre culture, vers la sécession. Pour rappel, cette année-là, l’ensemble des partis indépendantistes de gauche et de droite avaient obtenu 47,8% des voix, devenant ainsi pour la première fois majoritaires en sièges au Parlement régional.

La crise entre Madrid et Barcelone s’était déclenchée quelques années plus tôt, en 2010, après l'annulation partielle par la Cour constitutionnelle du nouveau "Statut d'autonomie de la Catalogne", à la demande du parti du chef du gouvernement, Mariano Rajoy. Le texte, adopté en 2006 par le Parlement espagnol, accordait des compétences élargies à cette région, et la définissait comme étant une "nation" à l'intérieur de l'Etat espagnol. Ce retour en arrière a été perçu comme une “humiliation” par les indépendantistes.

Le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, lors du lancement de la campagne des séparatistes, le 14 septembre.
Le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, lors du lancement de la campagne des séparatistes, le 14 septembre. © Josep Lago - AFP

Le référendum va-t-il pouvoir se tenir?

Rien n’est moins sûr. Madrid, qui n'approuve pas le référendum et dénonce un "coup de force contraire à la démocratie", a d'ores et déjà lancé la riposte. Des poursuites pénales ont été annoncées contre les dirigeants catalans et le gouvernement national cherche à bloquer par des moyens juridiques la tenue du scrutin. Dernier fait marquant en date: des perquisitions ont été menées le 20 septembre au siège du gouvernement régional catalan, à Barcelone. 

Alors que la campagne des séparatistes bat son plein depuis la mi-septembre, le parquet général espagnol a ainsi annoncé que les maires catalans qui participeraient à l’organisation du référendum dans leur commune risqueraient des poursuites judiciaires. A moins de quinze jours du vote, près de 750 des 948 maires catalans, soit une large majorité, ont dit vouloir participer à son organisation. Aux cris de "nous voterons" et "indépendance", ils ont défilé le 16 septembre à Barcelone pour afficher leur détermination à ouvrir leurs locaux municipaux pour le référendum. 

  • Toutefois, cinq des dix plus grandes villes catalanes sont ouvertement opposées au scrutin. Du côté de Barcelone, la position est moins tranchée. Ada Colau, la maire de cette ville de 1,6 million d'habitants, a préféré rester prudente en disant qu'elle ne mettrait pas d'obstacles à sa tenue. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy s’est quant à lui empressé de rassurer les maires refusant de participer au référendum, les assurant du soutien de Madrid.

Dans le même ordre d’idée, la tenue des meetings est rendue compliquée par des annulations formulées par des juges administratifs. Par ailleurs, l’Etat a interdit plusieurs supports de campagne tels que des sites internet consacrés au référendum, et la Garde civile s'est attaquée au matériel électoral en saisissant en saisissant 1,3 million de tracts promouvant le “oui”, prêts à être distribués, mais aussi 45.000 convocations destinées aux assesseurs des bureaux de vote. Plusieurs imprimeries et autres lieux susceptibles de fournir du matériel électoral ont été perquisitionnés, entravant la production des urnes et bulletins nécessaires. Les 6.000 urnes d’ores et déjà prêtes sont stockées dans un endroit tenu secret, pour éviter qu’elles ne soient saisies. Face à ces mesures, le président catalan a estimé le 20 septembre que Madrid a imposé "de facto un état d'urgence" en Catalogne. 

Le gouvernement catalan compte notamment sur sa police régionale, les Mossos d'Esquadra, pour garantir la sécurité du scrutin. Mais le parquet de Catalogne a demandé à tous les corps de police de la région d'empêcher le référendum. Une situation délicate pour les Mossos, ordonnés d’agir contre un gouvernement dont ils dépendent directement. Reste à savoir à quelle autorité ces forces de police se plieront-elles.

Enfin, Madrid a renforcé le contrôle des dépenses de la Catalogne, le 15 septembre, afin pour éviter qu'un seul euro ne finance le référendum d'autodétermination, considéré comme une “activité illégale”.

Une foule pro-indépendance compacte, dans les rues de Barcelone, le 11 septembre 2017.
Une foule pro-indépendance compacte, dans les rues de Barcelone, le 11 septembre 2017. © ROSER VILALLONGA - ASSEMBLEA NACIONAL CATALANA - AFP

Quelles sont les chances de voir le “oui” l'emporter?

A l’approche du scrutin, plusieurs démonstrations de force des séparatistes ont eu lieu dans la rue. Le 11 septembre, à Barcelone, des centaines de milliers de Catalans ont crié “Adieu l’Espagne!”, tout en promettant de participer au référendum. Ce jour-là, la police municipale de Barcelone avait annoncé qu'"environ un million de personnes" avaient pris part à la manifestation. Une porte-parole de la préfecture, représentant l'Etat espagnol dans la région, avait pour sa part évoqué le chiffre de 350.000. Les autorités catalanes ont en tout cas mis toutes les chances de leur côté pour mobiliser en masse, avec la création d’une autorité électorale, d'un spot publicitaire, et de sites internet incitant à voter.

Si la mobilisation dans la rue est massive, les sondages témoignent quant à eux d’une division de la société catalane sur la question de l’indépendance. Actuellement 34,7% des sondés en Catalogne se prononcent pour "un Etat indépendant" quand on leur demande de choisir entre différentes formes d'organisation, selon le baromètre de juin du Centre d'études d'opinion catalan. Ce pourcentage était de 13,9% en mars 2006. A la question plus directe "Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat indépendant", 41,1% des Catalans ont répondu "oui" en juin, 49,9% "non".

  • En novembre 2014, la Catalogne avait organisé une consultation symbolique, qui avait été déclarée anti-constitutionnelle. Le taux de participation avait été de 35%, et 80% des votants s’étaient prononcés pour l’indépendance.

Enfin, reste à savoir si Madrid reconnaîtrait le résultat du vote, en cas de victoire du camp du "oui". Là encore, rien n'est moins sûr. 

Quelles conséquences aurait une victoire du "oui"? 

La Catalogne, qui possède une langue et une culture propres, représente 6,3% de la superficie de l'Espagne, et 16% de sa population. Si le "oui" venait à s'imposer le 1er octobre, la Catalogne ferait sécession pour devenir une république indépendante du royaume d'Espagne. C'est en tout cas la volonté des séparatistes, qui viennent d'adopter une loi visant à organiser et encadrer la transition vers un Etat indépendant en cas de victoire du camp du "oui". Selon les modalités énoncées dans le texte, la Catalogne contrôlerait alors ses frontières, à la fois terrestres, maritimes, et aériennes. 

Outre ces conséquences territoriales et politiques, une séparation d'avec Madrid entraînerait également des conséquences économiques. Et pas des moindres, puisque la Catalogne représente un cinquième du PIB de l'Espagne. Pas de quoi inquiéter les autorités catalanes, qui se sont dotées début septembre d'un nouveau Trésor public, qui aura, assure-t-on, les capacités pour prélever l'impôt dans un éventuel Etat indépendant. Une administration fiscale et une sécurité sociale spécifiques à la Catalogne seraient également mises en place.

La Catalogne est le siège d'industries de pointe et de centres de recherche importants, notamment dans le domaine du nucléaire ou de la biomédecine. Elle est aussi à l'origine d'un quart des exportations de l'Espagne, et connaît un taux de chômage de 13,2%, quatre points de moins que le reste du pays. Mais elle est aussi l'une des régions les plus endettées avec une dette publique représentant 35,2% de son PIB. 

Quant au sport, lui aussi pourrait subir des conséquences directes d'une sécession. Dans le domaine du football par exemple, le Barça pourrait se retrouver exclu du championnat national, puisque la Catalogne serait devenue un Etat étranger. De quoi faire s'écrouler la Liga

Des supporters du Barça exhibent une banderole "Bienvenue à la république catalane", le 12 septembre 2017, au Camp Nou, avant un match contre la Juventus de Turin en Ligue des Champions.
Des supporters du Barça exhibent une banderole "Bienvenue à la république catalane", le 12 septembre 2017, au Camp Nou, avant un match contre la Juventus de Turin en Ligue des Champions. © Josep Lago - AFP