Pour un ancien du KGB, la nomination du général Guerassimov fait "changer d’échelle" le conflit ukrainien

Un changement bien plus profond et lourd de sens qu'il n'y parait. Mercredi, le ministre de la Défense russe a annoncé avoir nommé le général Valéri Guerassimov comme nouveau commandant en chef de son offensive ukrainienne en remplacement de Sergueï Sourovikine, à ce même poste pour trois petits mois seulement.
Si cette valse des généraux peut être lue comme une sanction envers Sourovikine pour les échecs militaires successifs sur le terrain ces dernières semaines dont la perte de Kherson, Sergueï Jirnov, ancien officier de renseignement du KGB, va plus loin dans l'analyse.
Invité sur l'antenne de BFMTV ce jeudi, celui-ci estime que "ce qui s’est passé hier, à mon avis, c’est aussi capital que le 24 février 2022" et le début de l'invasion russe.
Changement d'échelle
Selon lui, le choix de cet homme, qui est le militaire le plus haut-gradé du pays, est "un changement capital du caractère de la guerre" par Vladimir Poutine.
"Jusqu‘à maintenant, c’était une opération spéciale pour les Russes, ça veut dire qu’on prenait un petit contingent, on mettait quelques généraux à la tête de ce contingent, et on essayait de bricoler une petite guerre", détaille-t-il.
Or, la présence de Guerassimov fait "changer complètement d’échelle" au conflit. "C'est le militaire numéro un du pays, qui donne les ordres à tous les autres militaires. Au-dessus de lui, il n’y a que le ministre de la Défense, qui est un politicien, même s’il porte l’uniforme, et Poutine."
De plus, ce même Sergueï Jirnov fait également planer l'ombre d'une guerre plus dure en Ukraine, et replace le risque nucléaire dans l'équation. "Guerassimov c’est celui qui parmi les trois personnages de l’état russe possède la mallette nucléaire, les codes nucléaires, ça veut dire qu’il n’a plus besoin de passer par qui que ce soit."
Toutefois, l'emploi d'armes nucléaires est à nuancer. Dans la doctrine militaire qui porte son nom, Guerassimov met de côté ce type d'armes dans le cadre de la guerre hybride qui y est définie.
Paradigme différent
Cette théorie de changement d'échelle est validée par Alexandre Melnik, ancien diplomate à Moscou également invité sur notre antenne ce jeudi.
"Il y a un changement de paradigme", confirme-t-il.
"On s’éloigne du champ lexical de l’opération militaire lointaine, qui ne concerne pas l’ensemble du pays et on glisse vers une vraie guerre qui impacte la société russe dans son ensemble. C’est la dernière cartouche de Poutine, donner cet élan patriotique, engager la nation entière, c’est la solution de sortie pour Poutine", conclut-il.