La Russie accusée d'avoir miné le barrage de Kakhovka: quelles conséquences en cas d'attaque?

Des conséquences potentiellement désastreuses. Volodymyr Zelensky affirme que la Russie a miné le barrage de Kakhovka, dans la région ukrainienne de Kherson, récemment annexée par les forces de Moscou et désormais objet de la contre-offensive ukrainienne.
Selon Kiev, une explosion menace désormais ce lieu hautement stratégique. Les dégâts seraient énormes pour la population de la région, alors que les forces russes accentuent leur pression dans le sud du pays.
Une "catastrophe à grande échelle" pour Zelensky
La bataille de Kherson se poursuit et un lieu concentre actuellement les inquiétudes côté ukrainien: le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka. Volodymyr Zelensky est le premier à lancer l'alerte jeudi dernier.
"Selon nos informations, les agrégats et le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka ont été minés par des terroristes russes", affirme-t-il dans une vidéo publiée les réseaux sociaux.
Alarmiste, le président ukrainien s'inquiète d'une potentielle "catastrophe à grande échelle". "En cas de destruction du barrage (...) le canal de Crimée du Nord disparaîtra tout simplement", assure-t-il.
Le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal appelle "l'ONU, l'UE et d'autres organisations à organiser une mission d'observation internationale de Kakhovka" et faire venir "immédiatement" des experts sur place.
Une inondation massive
Quelles sont concrètement les risques en cas de destruction du barrage? D'abord une inondation de la région, alors que des milliers de personnes vivent le long du Dniepr. En effet, l'ouvrage, situé sur le fleuve, a une fonction de réservoir et permet notamment d'alimenter la Crimée en eau.
Si le barrage explose, "plus de 80 localités, dont Kherson, se retrouveront dans la zone d'inondation rapide", clame Volodymyr Zelensky.
On observerait une sorte de "mini-tsunami qui submergerait les rives du Dniepr pendant plusieurs jours", abonde vendredi la directrice des études stratégiques à Eurocrise Isabelle Dufour dans les colonnes du Parisien. "Une partie de la ville de Kherson se retrouverait sous les eaux", avance même Ulrich Bounat, analyste géopolitique pour l’Europe centrale et l’Europe de l’Est, interviewé par le journal.
Une infrastructure clé
Le président ukrainien craint par ailleurs que l'explosion "détruise l'approvisionnement en eau d'une grande partie de l'Ukraine", alors que le réservoir possède une retenue d'eau artificielle formée longue de 240 km et jusqu'à 23 km de large.
L'attaque pourrait par ailleurs affecter le refroidissement des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia. De fait, la centrale puise son eau dans ce lac artificiel de 18 millions de mètres cubes.
Ces dernières semaines, la Russie vise de nombreuses infrastructures en énergie, notamment des centrales nucléaires et des installations électriques. En visant une centrale hydroélectrique, une des plus grandes infrastructures de ce type du pays, la Russie confirmerait ce changement de stratégie.
Un objectif militaire pas sans risque
Quel intérêt pour la Russie? L'un des conseillers de la présidence ukrainienne Mykhailo Podolyak considère que les Russes espèrent, avec cette attaque, "stopper la contre-offensive ukrainienne" et protéger leur armée.
L'experte Isabelle Dufour confirme que cette attaque offrirait la possibilité aux forces de Moscou "d'effectuer une retraite de Kherson en bon ordre", bien que cela rendrait aussi leurs manoeuvres "plus difficiles".
Olivier Védrine, politologue et rédacteur en chef du journal d'opposition russe Russian Monitor, se montre pour sa part prudent sur le sujet. Il rappelle sur le plateau de BFMTV que le barrage constitue un réservoir d'eau pour la Crimée, province ukrainienne annexée par la Russie en 2014.
Il y aurait donc beaucoup à perdre pour les Russes, qui voit cette menace d'explosion comme très hypothétique.
"C'est une possibilité, mais ça serait un peu suicidaire pour Poutine de lâcher la Crimée", estime-t-il.
La Russie dément
Les autorités d'occupation russe de Kherson démentent de leur côté tout minage du barrage de Kakhovka et dénonçent des "mensonges" de la part du président Volodymyr Zelensky.
Un rapport de l'Institut pour l'Étude de la guerre, paru cette semaine, estime que la Russie est "susceptible de préparer une opération faux drapeau" visant le barrage Kakhovka. Concrètement, les Russes feraient sauter le barrage, après s'être retirés de Kherson, avant d'accuser l'Ukraine de cette attaque.
L'administration russe de la région de Kherson assure que 15.000 personnes ont déjà été évacuées du territoire. Elle dit prévoir d'en déplacer "50.000 à 60.000" en quelques jours sur l'autre rive du Dniepr.