Chine : "il faut relativiser l'idée d'ouverture"

Quatre ans après les Etats-Unis et l'Europe, la Chine est touchée par la crise économique et voit sa croissance ralentir. - -
Avec le 18e Congrès du parti communiste chinois (PCC), qui s'est ouvert jeudi à Pékin, la Chine va voir la majeure partie de ses équipes dirigeantes renouvellées. Mais au-delà de ces promotions internes au PCC, quels changements, pour la Chine et les Chinois, faut-il attendre de cette réunion au sommet ? Éléments de réponse avec la sinologue Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

• BFMTV.com : Quels enjeux majeurs entourent ce 18e Congrès du parti communiste chinois ?
Valérie Niquet : La Chine est confrontée, aujourd'hui, à des tensions très fortes, aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. Premièrement, sa croissance économique est extrêmement ralentie, puisqu'elle devrait être de l'ordre de 7% en 2012, contre 10% ces dernières années. Un des enjeux de la nouvelle équipe dirigeante va donc être de donner du travail à tout le monde. Ensuite, la Chine doit absolument retrouver sa place sur la scène internationale, après s'être mis tous ses voisins asiatiques à dos ces derniers mois. Il va donc falloir retrouver une certaine stabilité géopolitique et calmer les tensions avec le Japon.
• En parlant de travail, quel est le taux de chômage en Chine ?
Il est environ de 4%, ce qui est très bas, mais ce chiffre ne tient compte que des zones urbaines et ignore le travail clandestin. D'une façon générale, l'amélioration du niveau de vie et l'emploi font partie des enjeux cruciaux pour les dirigeants politiques, pour les années à venir. Avec le ralentissement qui se profile, la stabilité de la société chinoise risque fortement de s'éroder.
• Le nouveau leader du pays, Xi Jinping, peut-il insuffler des avancées démocratiques ?
Les avancées démocratiques n'auront lieu que si une menace vient peser sur le PCC. Si les cadres dirigeants sentent monter cette menace qui viendrait, par exemple, de la population elle-même, ils se retrouveraient dans l'obligation de réformer. Or, le danger, en commençant à réformer, c'est que le parti s'effondre. Et c'est tout ce que veulent éviter les membres du PCC, qui continuent, donc, à cadenasser le pays.
• Le PCC est-il populaire aujourd'hui ?
Le parti communiste n'est absolument pas populaire, notamment à cause de la corruption, qui gangrène tous les échelons du pouvoir.
• Comment se manifeste cette corruption, au sujet de laquelle le président sortant Hu Jintao a lancé un cri d'alarme, jeudi, lors de l'ouverture du Congrès ?
Il y a deux formes de corruption en Chine. La petite corruption, que l'on retrouve dans beaucoup d'autres pays : les médecins que l'on paye sous la table, le professeur qui délivre un diplôme en l'échange d'un cadeau, le policier que l'on paie pour éviter un contrôle. Et puis il y a la grande corruption : en l'absence de système légal, des membres du parti délivrent les permis de construire, ce qui représente une source de revenus très importante pour ceux qui détiennent les tampons.
• Va-t-on vers plus d'ouverture et moins d'opacité ?
Non, le parti ne prend pas du tout ce chemin et aucune déclaration n'a été faite dans ce sens. Sept ou neuf nouvelles têtes vont faire leur entrée au comité permanent du bureau politique du PCC, à l'occasion du Congrès, mais les anciens dirigeants continuent d'influencer, dans l'ombre, les décisions du parti. Il faut donc relativiser cette idée de changement et d'ouverture.
• Dans ce cas, pourquoi Hu Jintao a-t-il évoqué des "réformes démocratiques" à mettre en place ?
On parle des réformes, mais ce n'est pas nouveau. Les mêmes termes ont été employés lors du dernier Congrès, il y a cinq ans, et rien n'a bougé en ce sens.
• Aujourd'hui, la Chine est-elle communiste ou capitaliste ?
Au niveau économique, elle prend l'apparence d'une puissance capitaliste. Mais c'est en vérité un faux capitalisme puisque une majorité du capital est possédé par l'Etat. Le système chinois reste très léniniste dans son organisation, y compris dans les grandes entreprises. On peut donc qualifier de "national-léninisme" le système politique en place en Chine à l'heure actuelle.
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