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Fuite de documents classifiés: ce que contiennent les notes du renseignement américain publiées sur internet

Le logo du Pentagone à Washington le 10 février 2021

Le logo du Pentagone à Washington le 10 février 2021 - SAUL LOEB / AFP

Alors que le Pentagone estime que la fuite de documents classifiés représente un "risque très grave" pour la sécurité du pays, la presse américaine s'est emparée d'un bon nombre d'entre eux et en a révélé le contenu.

Washington tente de rassurer ses alliés après la fuite de documents classifiés du renseignement américain sur les réseaux sociaux. Consultés par la presse américaine, ces documents révèlent que les États-Unis continuent d'espionner leurs alliés, notamment sur des sujets sensibles comme la guerre en Ukraine.

Le flot régulier de photographies de documents classifiés a été découvert sur Twitter, Telegram, Discord et autres plateformes ces derniers jours, bien que certains aient pu circuler en ligne pendant des semaines avant d'attirer l'attention médiatique.

Le Pentagone a dit s'efforcer de déterminer si les documents sont bien authentiques, et a déclaré qu'au moins l'un d'entre eux semblait avoir été manipulé. Cette fuite représente un "risque très grave" pour la sécurité nationale des États-Unis selon les renseignements américains.

Beaucoup ne sont plus disponibles sur les sites où ils sont initialement apparus, et les autorités américaines travailleraient à ce qu'ils soient tous retirés, mais leurs contenus subsistent dans la presse.

• La contre-offensive ukrainienne compromise

Selon des informations de presse et des documents consultés par l'AFP, le renseignement américain a émis des doutes sur une potentielle contre-offensive ukrainienne, qui ne pourrait obtenir que de "modestes gains territoriaux" face aux forces russes.

Une contre-offensive ukrainienne face aux troupes russes est effectivement attendue au printemps. L'Ukraine assure avoir, en amont, formé des brigades d'assaut et stocké des munitions tout en s'efforçant d'épargner ses troupes et d'épuiser celles de son adversaire sur le front. Elle a aussi reçu des chars de combat et de l'artillerie à longue portée de ses soutiens occidentaux.

Mais de robustes défenses russes et "des déficiences persistantes ukrainiennes dans la formation et les réserves de munitions vont probablement mettre à rude épreuve tout progrès et aggraver les pertes durant l'offensive", avance un document du renseignement américain classé secret défense, selon le Washington Post.

• Bientôt à court de munitions?

Un autre document, classé "secret" et consulté par l'AFP, détaille l'état préoccupant des défenses aériennes ukrainiennes, qui ont jusqu'ici joué un rôle crucial contre les frappes russes, empêchant Moscou de prendre le contrôle de l'espace aérien.

Mais ce document, dont l'AFP n'a pas pu confirmer l'authenticité, affirme que 89% des défenses de moyenne et longue portée de l'Ukraine étaient constituées de systèmes SA-10 et SA-11 de l'ère soviétique, qui pourraient vite être à court de munitions. En se basant sur le rythme actuel de consommation de ces munitions, les systèmes SA-11 pourraient être à sec fin mars, et les SA-10 début mai, ajoute le document.

La capacité de Kiev à maintenir des défenses aériennes de moyenne portée pour protéger la ligne de front "sera réduite à néant d'ici au 23 mai", conclut le document.

De plus, toujours concernant la guerre en Ukraine, un porte-parole du ministère français de la Défense a démenti auprès du Guardian la présence de soldats français en Ukraine, alors qu'elle aurait été mentionnée dans l'un des documents.

• L'Égypte offensive, la Corée du Sud prudente

Un autre document ayant fuité affirme que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a ordonné la production de 40.000 roquettes devant être livrées à la Russie, sommant des responsables de garder un tel projet secret "pour éviter des problèmes avec l'Occident", a rapporté le Washington Post dans un article distinct.

Mais le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, un organe directement rattaché au président Joe Biden, a démenti l'information, précisant n'avoir "aucune indication que l'Égypte fournisse un armement létal à la Russie".

Encore d'autres documents classifiés américains particulièrement sensibles semblent indiquer que les États-Unis ont espionné des conseillers du président sud-coréen Yoon Suk Yeol en matière de sécurité nationale afin de garantir des livraisons d'armes à l'Ukraine.

Une copie d'un des documents ayant fuité, obtenue par l'AFP, fait état de discussions entre de hauts responsables de la sécurité nationale sud-coréenne, s'interrogeant sur la fourniture à l'Ukraine d'armes et de munitions produites dans leur pays et sur le risque d'une éventuelle violation de la doctrine nationale qu'elle pourrait entraîner. La ligne sud-coréenne consiste en effet à ne vendre aucune arme aux pays en guerre.

Un responsable a suggéré d'exporter des munitions en Pologne pour contourner cette mesure, selon le document.

• "Appels explicites à l'action" en Israël

D'après CNN, qui a pu consulter 53 des documents qui ont fuité, un rapport produit par la CIA indiquait que le renseignement israélien, le Mossad, a encouragé les protestations contre la réforme controversée de la Justice du pays, "y compris plusieurs appels explicites à l'action".

Des révélations qui ont fait grand bruit en Israël. "Le Mossad et ses cadres supérieurs en service ne se sont pas du tout engagés dans la question des manifestations et sont dévoués à la valeur du service à l'État qui a guidé le Mossad depuis sa fondation", a réagi le gouvernement dans un communiqué.

• Wagner en Haïti?

Enfin, parmi les très nombreuses informations contenues dans ces documents, le renseignement américain a infiltré le ministère russe de la Défense et le groupe paramilitaire russe Wagner, via des sources qui pourraient être mises en danger.

Outre le volet ukrainien, le Washington Post a retranscrit un rapport suggérant que la Turquie, alliée de l'Otan, avait été approchée par Wagner pour l'aider à se procurer des armes.

De plus, un document indique que le groupe russe avait l'intention de se rendre "discrètement" en Haïti fin février dans l'optique d'un futur contrat avec le gouvernement pour maintenir l'ordre dans le pays, notamment la question des gangs. Des révélations contestées par le gouvernement haïtien, niant tout contact avec Wagner.

Théo Putavy avec AFP