"Une erreur judiciaire": comment Joe Biden défend sa décision d'accorder la grâce présidentielle à son fils Hunter

Quelques semaines avant son départ de la Maison Blanche, qui aura lieu en janvier, Joe Biden a annoncé avoir gracié son fils, jugé dans plusieurs affaires judiciaires. Il avait pourtant promis de ne pas le faire, mais a justifié son choix en affirmant que les accusations étaient en partie politiques.

La porte-parole de la Maison Blanche l'assure: Joe Biden "croit au système judiciaire". Répondant aux journalistes ce lundi 2 décembre, Karine Jean-Pierre a défendu le président des États-Unis après sa décision de gracier son fils Hunter, jugé coupable dans des affaires de fraude fiscale et de détention illégale d'arme à feu.

"Il croit au système judiciaire, mais il croit aussi que la politique brutale a infecté le processus et a conduit à une erreur judiciaire", a-t-elle insisté, rapporte AP.

Reprenant le discours du président, la porte-parole de la Maison Blanche a affirmé que Joe Biden estime qu'Hunter Biden avait été "ciblé" parce qu'il était son fils.

Joe Biden avait assuré qu'il ne le ferait pas

La décision a été annoncée ce dimanche, après que le président a passé les fêtes de Thanksgiving en famille, notamment avec son fils Hunter. L'annonce a fait beaucoup réagir de l'autre côté de l'Atlantique. En effet, Joe Biden avait assuré depuis le début de son mandat qu'il n'utiliserait pas sa fonction pour gracier son fils, promettant de restaurer l'indépendance de la justice dans le pays.

Mais l'imminence de la condamnation d'Hunter Biden et l'élection de Donald Trump semblent avoir fait pencher la balance.

Le 12 décembre, Hunter Biden devait entendre la peine retenue contre lui après sa condamnation en juin pour achat et détention d’arme à feu, en 2018, alors qu’il était sous la dépendance de la drogue et avait menti à ce sujet dans le formulaire d'acquisition. Le 16 décembre, il devait aussi connaître sa sentence après avoir plaidé coupable en septembre pour fraude fiscale. Pour ces deux accusations, il risquait respectivement jusqu'à 25 et 17 ans de prison.

"Pour m'attaquer et s'opposer à mon élection"

"Aucune personne raisonnable qui examine les faits dans les affaires concernant Hunter ne peut aboutir à une autre conclusion que celle-ci: Hunter a été pointé du doigt uniquement parce qu'il s'agit de mon fils", s'est justifié Joe Biden dans un communiqué, pointant une "erreur judiciaire".

"J'ai dit que je n'interférerai pas avec les prises de décision du ministère de la Justice et j'ai tenu parole même quand j'ai vu mon fils être poursuivi de manière sélective et injuste", a-t-il affirmé, ajoutant: "Les accusations dans ses affaires ont émergé seulement après que plusieurs de mes opposants politiques au Congrès en ont été les instigateurs pour m'attaquer et s'opposer à mon élection".

[Allô Washington] - Avant de quitter la Maison Blanche, Biden gracie son fils

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Selon plusieurs médias américains dont CNN ou MSNBC, de nombreux experts juridiques ont convenu que les accusations contre Hunter Biden étaient assez inhabituelles, sans toutefois contester la matérialité des faits. Le procureur supervisant les deux affaires a, par ailleurs, été nommé par Donald Trump lui-même lorsqu'il était à la Maison Blanche.

"Il est temps de mettre fin à tout cela", a déclaré Joe Biden.

Dans sa défense, le 46e président des États-Unis met un point d'honneur à faire une distinction entre sa décision et la politique menée par Donald Trump. La porte-parole de la Maison Blanche a ainsi assuré que Joe Biden "croyait au système judiciaire", manière de se différencier de Donald Trump qui accuse sans cesse le ministère de la Justice et affirme que l'ensemble du système est instrumentalisé contre lui.

"Aucune raison de croire que cela s'arrêtera ici"

Joe Biden a indiqué qu'il craignait notamment que la pression des procès et les futures condamnations ne poussent son fils à rechuter après des années de sobriété vis-à-vis de son addiction à la drogue.

"Aucune personne raisonnable qui examine les faits relatifs aux affaires de Hunter ne peut parvenir à une autre conclusion que Hunter a été pointé du doigt uniquement parce qu'il est mon fils", a-t-il écrit dans son communiqué, ajoutant:

"On a tenté de briser Hunter, qui est sobre depuis cinq ans et demi, malgré les attaques incessantes et les poursuites sélectives dont il a fait l'objet. En essayant de briser Hunter, ils ont essayé de me briser - et il n'y a aucune raison de croire que cela s'arrêtera ici".

Craintes des attaques de Donald Trump

Comme l'a également pointé la porte-parole de la Maison Blanche, Joe Biden pense que ses adversaires "continueraient à s'en prendre à son fils". "C'est pour cela que le président a pris cette décision", a expliqué Karine Jean-Pierre.

Donald Trump, qui retournera à la Maison Blanche en janvier, a affirmé à plusieurs reprises qu'il comptait utiliser le système judiciaire pour traquer et se venger de ses "ennemis de l'intérieur" une fois de retour au pouvoir. Comme le rappelle Newsweek, le président élu avait également déclaré qu'il utiliserait son deuxième mandat pour enquêter et poursuivre les membres de la famille Biden.

"Le président a pris une mesure en raison de la contamination politique de ces affaires et de ce que les opposants politiques, ses opposants politiques, essayaient de faire", a ainsi justifié Karine Jean-Pierre ce lundi.

L'affaire ukrainienne d'Hunter Biden refait surface

Les interrogations autour de la décision de Joe Biden de gracier son fils reposent également sur la durée de cette grâce, qui s'étend "du 1er janvier 2014 au 1er décembre 2024". Par conséquent, elle couvre tous les crimes fédéraux potentiels qu'Hunter Biden aurait pu commettre au cours d'une décennie.

Cette période comprend notamment le temps où le fils du président a siégé au conseil d'administration de Burisma Holdings, l'un des plus grands producteurs privés de gaz naturel d'Ukraine, entre 2014 et 2019. Cette position lui a valu d'importantes accusations de corruption concernant ses relations commerciales, lorsque son père était alors vice-président des États-Unis.

Les républicains accusaient notamment Joe Biden, qui s'occupait beaucoup des relations avec l'Ukraine, d'avoir pressé Kiev de limoger le procureur général ukrainien Viktor Chokine car il enquêterait sur Burisma. Des accusations qui n'ont jamais été prouvées.

Selon certains médias américains, la décision de gracier Hunter Biden aurait également été motivée pour éviter à l'administration Trump d'enquêter sur ce dossier à nouveau.

Confiance dans le système judiciaire érodée

L'annonce de cette décision a donc vivement fait réagir. Donald Trump a dénoncé "un abus et un déni de justice. "La grâce accordée par Joe à Hunter inclut-elle les otages du J-6, qui sont maintenant emprisonnés depuis des années?", a-t-il écrit, référence à ses partisans jugés pour avoir envahi le Capitole en janvier 2021 pour protester contre sa défaite électorale qu'il a promis de gracier une fois de retour à la Maison Blanche.

De son côté, le président républicain de la Chambre des représentants a déclaré que "la confiance dans notre système judiciaire a été presque irrémédiablement endommagée par les Biden et leurs abus".

La grâce accordée à Hunter Biden a également fait grincer des dents du côté démocrate. "La décision du président Biden a placé l'intérêt personnel avant le devoir et érode davantage la confiance des Américains dans le fait que le système judiciaire est juste et égal pour tous", a ainsi écrit sur X le sénateur du Colorado Michael Bennet. D'autres défendent toutefois le président, estimant que les poursuites contre Hunter Biden étaient disproportionnées.

Joe Biden n'est pas le premier président à utiliser la grâce présidentielle pour des proches. En 2001, Bill Clinton a gracié son demi-frère pour un délit lié à la cocaïne commis en 1985. Plus récemment, Donald Trump l'a utilisée pour le père de son gendre, qu'il a désormais choisi pour être ambassadeur des États-Unis en France.

"J'espère que les Américains comprendront pourquoi un père et un président prendrait cette décision", a affirmé Joe Biden dans son communiqué dimanche.

Salomé Robles