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Prix Nobel de la paix: Donald Trump a-t-il vraiment une chance de l'obtenir?

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Donald Trump rêve d'obtenir le prix Nobel de la paix décerné ce vendredi 10 octobre à Oslo. Si son nom a bien été proposé par un tiers comme le veut la règle et qu'il se targue, à tort, d'avoir mis fin à sept guerres, sa personnalité controversée et la politique qu'il mène sur le sol américain pourraient lui être défavorables.

Il avait promis qu'on se souviendrait de lui comme d'un "faiseur de paix". Pour légitimer ce titre autoproclamé, Donald Trump souhaite à tout prix décrocher le prix Nobel de la paix, ce vendredi 10 octobre à Oslo, comme l'un de ses grands rivaux démocrates avant lui, Barack Obama. Le président américain ne cesse de répéter à la moindre occasion son mérite et juge même que ce serait une "insulte" s'il n'en était pas honoré.

Pour espérer décrocher ce prix Nobel, le nom du milliardaire républicain de 79 ans devait être déposé par une tierce personne, que ce soit un chef d'État, un parlementaire, un ministre, un professeur d'université ou un scientifique. C'est chose faite: la représentante de son camp Claudia Tenney l'a nommé en décembre dernier pour son rôle dans les accords d'Abraham, signés en 2020 entre Israël et plusieurs pays arabes.

En revanche, son inscription par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ou encore par le gouvernement pakistanais ne lui permettront pas de décrocher le Nobel cette année. Elles sont survenues après la date limite du dépôt des candidatures le 31 janvier dernier et ne seront donc effectives que pour 2026.

Sur la forme, le président américain remplit la case, mais c'est sur le fond que le bât blesse.

Des cessez-le-feu plutôt que des accords de paix

Selon le testament d'Alfred Nobel rédigé en 1901, le prix Nobel de la paix doit être décerné à "la personnalité ou à la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des progrès pour la paix".

Pour justifier son mérite face aux 338 individus et organisations en lice cette année, Donald Trump se targue d'avoir mis fin à sept conflits "en l'espace de sept mois" citant entre autres la République démocratique du Congo et le Rwanda, l'Arménie et Azerbaïdjan, Israël et l'Iran ou encore l'Egypte et l'Ethiopie.

Le président américain met aussi un point d'honneur à souligner ses tentatives de résolution du conflit en Ukraine, à ce stade sans succès, ou encore du conflit à Gaza. Sur ce point, Donald Trump pourrait avoir décroché une victoire diplomatique nette, le Hamas étant censé libérer les otages lundi prochain dans le cadre d'un accord de paix à la mise en place en bonne voie mais encore incertaine.

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"Il y a des progrès qui ont été faits dans certaines situations, mais ce ne sont pas des accords de paix. La paix, c'est quand vous avez des situations d'accords de résolutions profondes des conflits", expliquait à BFMTV Sébastien Roux, sociologue spécialiste du trumpisme au CNRS, dans un entretien organisé avant l'annonce concernant Gaza.

"Dans les cas que cite Trump, à aucun moment vous n'avez les conditions d'une paix réelle qui ont été réunies. Trump, il le dit lui-même, il fait des deals", abonde-t-il.

Pour exemple, le milliardaire jure avoir apporté la paix entre Israël et l'Iran en annonçant un cessez-le-feu complet et total entre les deux pays le 24 juin dernier. Une affirmation pour le moins paradoxale, puisque les États-Unis ont été parties prenantes au conflit en envoyant des missiles sur les sites nucléaires iraniens. Mais, surtout, les relations entre les deux pays ennemis sont loin d'être apaisées.

Le 29 juillet dernier, Israël a menacé de réattaquer l'Iran en cas de reprise de son programme nucléaire. Et le 18 août, le premier vice-président iranien a averti qu'une nouvelle guerre avec Israël pouvait éclater à tout moment.

Existe-t-il des "exemples clairs de réussite"?

Il y a aussi ces cessez-le-feu dont Donald Trump se vante sans que son implication ne soit réellement étayée. Il a assuré à plusieurs reprises avoir négocié un cessez-le-feu entre l'Inde et le Pakistan qui se sont affrontés en mai dernier pendant quatre jours à propos de la région du Cachemire, disputée depuis de nombreuses années. Or, le Premier ministre indien Narendra Modi a démenti toute intervention du président américain dans les discussions.

De même, pour la Thaïlande et le Cambodge où de violents affrontements ont éclaté en juillet à plusieurs endroits de leur frontière commune. Le magnat de l'immobilier a expliqué avoir appelé les dirigeants pour un cessez-le-feu, mais c'est la Malaisie qui a principalement mené les négociations par le biais de l'Association des Nations d'Asie du Sud-est. Si une trêve a bien été conclue fin juillet, rien n'a été réglé sur le fond, et depuis les deux pays s'accusent mutuellement de violations du cessez-le-feu.

"Le comité Nobel devrait évaluer s'il y a eu des exemples clairs de réussite dans cet effort de rétablissement de la paix", souligne le directeur de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), Karim Haggag, auprès de l'AFP.

"Il y a une énorme différence entre faire cesser les combats à court terme et résoudre les causes profondes du conflit", abonde Theo Zenou, historien et chercheur à la Henry Jackson Society auprès du magazine québécois L'actualité.

Le comité norvégien a déjà décerné par le passé des Nobel pour une seule action en faveur de la paix. Même à des personnes qui avaient fait la guerre auparavant, comme au président américain Théodore Roosevelt ou à l'ancien leader de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat. De quoi faire espérer Donald Trump? Mais depuis 2005, les critères ont été resserrés, note Franceinfo. Les cinq membres du comité, nommés par le Parlement norvégien, préfèrent désormais honorer une personnalité ou une communauté qui a consacré sa vie à la promotion de la paix.

"A l'opposé des idéaux que représente le prix Nobel"

La personnalité clivante de Donald Trump et la politique qu'il mène sur le sol américain peuvent lui faire défaut. Il "est à bien des égards à l'opposé des idéaux que représente le prix Nobel", estime Øivind Stenersen, un historien spécialiste du sujet, interrogé par l'AFP.

"Le Nobel de la paix, c'est la défense de la coopération multilatérale, par exemple à travers l'ONU. (...) Or, Trump représente une rupture avec ce principe car il suit sa propre voie, de manière unilatérale", ajoute-t-il.

En août, trois historiens du Nobel ont recensé de multiples raisons pour ne pas attribuer la récompense au président américain. Pêle-mêle, ils citaient son admiration pour le président russe Vladimir Poutine qui a déclenché la guerre en Ukraine, son soutien à Israël dans ce que de plus en plus d'experts qualifient de "génocide" à Gaza, et plus largement sa rupture avec les idéaux du Nobel en matière de coopération internationale, de désarmement, de démocratie et de défense des droits humains.

Sans parler de sa négation du changement climatique mondiale ou de ses coupes budgétaires dans la santé et la recherche. Des politiques qui devraient d'ailleurs alimenter les débats au moment de l'attribution des autres prix."

Il y a aussi la réalité des faits sur le sol américain. Trump conduit une guerre cruelle contre les migrants. Il conduit des actions discriminatoires particulièrement fortes contre les personnes de couleur, contre les personnes transgenres, contre les minorités sexuelles, contre les femmes", énumère le spécialiste du trumpisme, Sébastien Roux.

Face au bruit médiatique, le comité réaffirme son indépendance

À trop solliciter ce prix, Donald Trump pourrait de plus se mettre des bâtons dans les roues. "Le comité ne voudra pas être perçu comme cédant à la pression politique", a déclaré Nina Græger, directrice de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo, au magazine L'actualité. Le comité norvégien a tenu à la mi-septembre à revendiquer sa liberté de décision et son indépendance.

"Nous voyons bien qu'il y a beaucoup d'attention médiatique autour de certains candidats. Mais cela n'influe en rien sur les discussions en cours au sein du comité", a réagi auprès de l'AFP le secrétaire du comité Nobel, Kristian Berg Harpviken.

"Nous faisons tout notre possible pour organiser le processus et les réunions de manière à ne pas être indûment influencés par une quelconque campagne", a-t-il ajouté. "Dans l'histoire, rares sont les personnes qui ont orienté leur carrière dans le but de décrocher un prix Nobel de la paix et qui ont fini par l'avoir".

Juliette Brossault