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"Poutine est un modèle": Donald Trump, ce président séduit par les dictateurs

Des portraits du président chinois Xi Jinping, du président américain Donald Trump et du président russe Vladimir Poutine sont exposés dans un magasin de photographie à Pékin, le 17 avril 2017.

Des portraits du président chinois Xi Jinping, du président américain Donald Trump et du président russe Vladimir Poutine sont exposés dans un magasin de photographie à Pékin, le 17 avril 2017. - FRED DUFOUR / AFP

Donald Trump aimerait rencontrer le dictateur nord-coréen Kim Jong-un lors de sa seconde présidence. Un autocrate dont il se dit proche, à l'instar des autres dirigeants autoritaires pour qui il porte une certaine fascination. Son plus grand "modèle"? Vladimir Poutine.

"Plus ils sont durs et méchants, mieux on s'entend". En janvier 2020, lors de son premier mandat, Donald Trump ne cache pas au micro du journaliste d'investigation américain Bob Woodward son attrait pour les dirigeants autoritaires, voire les dictateurs. Il parle alors du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a muselé la presse et emprisonné des dizaines de milliers d'opposants après une tentative de coup d'État en 2016.

"Je m'entends très bien avec Erdogan, même si je ne suis pas censé parce que tout le monde dit 'quel horrible type'", confie-t-il. Avant d'ajouter: "Les plus faciles sont peut-être ceux que j'aime le moins, ou plutôt avec lesquels je m'entends le moins bien."

"Montrer qu'il est aussi fort que les autres"

Le président américain a fait part ce lundi 25 août de sa volonté de rencontrer, peut-être dès cette année, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Un dictateur qu'il a déjà rencontré à trois reprises lors de son premier mandat de 2017 à 2021. "A un moment ou un autre, je le verrai. Je suis impatient de le voir", a-t-il dit à la presse, affirmant avoir une excellente relation avec le leader nord-coréen et le connaître "presque mieux que quiconque, hormis sa sœur".

"Donald Trump a développé des relations très intimes avec des hommes forts. Il aime se montrer aux côtés d'autocrates pour montrer qu'il est aussi fort que les autres", explique le spécialiste des États-Unis, Alexis Pichard, chercheur associé au Centre de recherches anglophones de l’université Paris Nanterre, contacté par BFMTV.

Pour Yannick Mireur, auteur spécialisé dans les affaires américaines, l'intérêt de Donald Trump pour les dirigeants autoritaires est également à chercher dans sa "trajectoire et sa psychologie".

"Son succès repose sur sa carrière dans la téléréalité et le marketing de son propre nom", souligne-t-il. De quoi expliquer son intérêt pour la "personnalisation du pouvoir" propre aux dirigeants autoritaires.

En rencontrant Kim Jong-un, Donald Trump espère aussi, et surtout, régler la question du nucléaire en Corée du Nord, et acter une paix avec son rival sud-coréen. Les deux Corées restent techniquement en guerre depuis plus de sept décennies, le conflit qui les a opposées de 1950 à 1953 s'étant achevé par un armistice, et non par un traité de paix.

"Cela s'inscrit dans sa lubie d'obtenir le prix Nobel de la paix", juge le docteur en civilisation américaine Alexis Pichard. "C'est une opération de communication qui va dans ce sens, même s'il n'y aura probablement aucune avancée diplomatique".

Et quoi de mieux aux yeux de Donald Trump, à qui colle l'image de l'homme d'affaire hors pair, que de négocier en tête-à-tête. "Sa sensibilité pour les pouvoirs autoritaires a également un sens pratique. L'avantage des autocraties, c'est qu'il n'y a qu'une seule personne avec qui discuter. Tout passe par une relation entre deux personnes comme s'il s'agissait d'affaires", avance Yannick Mireur, contacté par BFMTV. "Il privilégie l'efficacité".

Avant d'ajouter: "Il veut trancher avec la poursuite de la diplomatie conventionnelle et ignore les sensibilités, nuances historiques, tout comme les réalités institutionnelles de son pays". Il se soucie peu des atteintes à la démocratie ou aux droits humains. D'où son accointance également avec la Chine de l'autoritaire Xi Jinping. "J’aime le président chinois Xi, je l’ai toujours aimé et je l’aimerai toujours. Mais il est très dur, il est très difficile de faire un deal avec lui", a concédé Donald Trump en juin dernier alors que les deux pays sont en pleine guerre commerciale.

"Pour lui, Poutine est un modèle"

Son autocrate préféré? Le président russe Vladimir Poutine. "Pour lui, Poutine est un modèle, c'est la personne qu'il veut devenir!", jugeait en juin dans les colonnes de l'Express l'écrivain et commentateur américain Robert Tracinski. Donald Trump prône sa politique masculiniste et viriliste.

Cette fascination pour le maître du Kremlin, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, remonte à plusieurs années. Le magnat de l'immobilier complimentait déjà en 2007 sur CNN son "excellent boulot pour reconstruire l’image de la Russie" et s'interrogeait en 2013 s'il pouvait devenir "son meilleur ami", rappelle Le Monde.

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Pendant son premier mandat, et alors que planent des soupçons d'ingérence russes dans l'élection présidentielle de 2016 - qui seront plus tard avérées - Donald Trump montre au président russe "une complaisance, une amitié qui détonne". "Les Américains ne comprennent pas, même au sein de son camp républicain", raconte le spécialiste des États-Unis, Alexis Pichard.

"Il avait tellement d'accointances et de vénération pour Poutine que des médias se demandaient s'il n'était pas un agent double", se souvient-il.

Au lendemain de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, le milliardaire républicain qualifie Vladimir Poutine de "génie". Pourtant, cette guerre lui donne du fil à retordre depuis le début de son second mandat. S'il a dernièrement montré un faible agacement face à l'obstination guerrière du Kremlin, et a fait planer la menace de sanctions économiques qui jusqu'ici n'ont pas vu le jour, le président américain continue de caresser son homologue russe dans le sens du poil. Preuve en est de leur rencontre le 15 août dernier en Alaska.

Entre "tapotages de main" et virée en limousine présidentielle, "le protocole était tout à fait sidérant, et a trahi de la sympathie de Trump envers Poutine", affirme Yannick Mireur, auteur de Populisme smart (Ed. Va).

"Poutine se joue de lui depuis des mois, on voit bien qu'il ne respecte pas Trump, la rencontre en Alaska n'a conduit à rien sauf à réhabiliter Poutine sur la scène internationale", souligne de son côté Alexis Pichard.

Faire chou blanc n'a pas empêché Donald Trump de s'"enorgueillir d'une belle photo de lui et du dictateur Poutine" quelques jours plus tard au sein de la Maison blanche, relève sur X le spécialiste des États-Unis, Corentin Sellin.

"Donald Trump, dirigeant nationaliste-conservateur aux affinités autoritaires, est plus proche en valeurs de Vladimir Poutine que de beaucoup de dirigeants européens actuels", avance-t-il.

Selon de nombreux observateurs, le républicain de 79 ans présente des "tendances à l'autocratisme" depuis le début de son second mandat. S'il avait déclaré avant sa prise de pouvoir qu'il se transformerait en dictateur "seulement le premier" jour, il a lancé depuis le Bureau ovale ce lundi que beaucoup d'Américains "aimeraient avoir un dictateur".

"Je ne suis pas un dictateur. Je suis un homme doué de beaucoup de bon sens et intelligent", s'est-il toutefois défendu.

Attaques contre les médias ou les universités, affronts à la Cour suprême, coup de force contre la banque centrale des États-Unis... "Il bafoue totalement les contre-pouvoirs, et veut casser toute opposition", estime le chercheur à l'université de Nanterre, Alexis Pichard. "Donald Trump pose les jalons d'une présidence dictatoriale".

Juliette Brossault