Crise ukrainienne: face à Poutine, "Obama n'agit pas, il réagit"

Poutine et Obama au sommet bilatéral de Los Cabos au Mexique, le 18 juin 2012. - -
Les Etats-Unis sont-ils dépassés par les derniers développements de la crise ukrainienne? Alors que Vladimir Poutine s'est montré très ferme sur sa position mardi, les Etats-Unis évoquent des "sanctions imminentes" contre la Russie, sans toutefois préciser leur nature. La veille pourtant, le président Obama avait eu des mots très forts , expliquant que dans cette crise, "la Russie (était) du mauvais côté de l'Histoire". Quelle est la stratégie américaine sur le dossier ukrainien?
"Dans ce jeu d'échecs, Obama joue avec les pions noirs"
Au jeu des menaces et des petites phrases, Vladimir Poutine semble avoir une longueur d'avance sur son homologue américain. "Barack Obama n'est pas actif dans cette séquence, ce n'est pas lui qui a précipité la situation en Ukraine. Il doit réagir à ce que fait la Russie", explique ainsi François Durpaire, historien et spécialiste des Etats-Unis. Un jeu diplomatique en forme de partie d'échecs: "Quand on réfléchit à diplomatie, il faut voir qui a les pions blancs et qui a les pions noirs, qui commence à jouer et qui réagit. Clairement, Obama a les pions noirs". Au président américain de composer avec le jeu de son adversaire, donc.
Une logique difficile à tenir puisqu'elle dépend en grande partie de la position russe. De son côté, l'administration américaine recherche avant tout la "stabilité" analyse le spécialiste. La situation d'avant la crise, même si elle laissait la main mise à la Russie sur l'Ukraine, valait mieux que celle qui se profile, avec un possible conflit régional, "sauf si Poutine en sort affaibli".
Une "rhétorique forte" mais des options militaires limitées
Sanctions économiques, sanctions diplomatiques comme avec la liste Magnitsky, options militaires... les leviers dont disposent les Etats-Unis pour contrer la Russie sont larges mais faibles. Une marge de manoeuvre réduite qui oblige Barack Obama à compenser en "utilisant une rhétorique ferme".
Pourquoi? "Pour des raisons de politique intérieure, à savoir que toute la classe politique américaine, tous les représentants et tous les sénateurs qui ont plus de cinquante ans, ont été formés à l'époque de la Guerre froide. Ils n'en attendent pas moins du président américain", précise François Durpaire. Barack Obama, s'il ne donnait pas des gages de fermeté, serait donc taxé de faiblesse, comme cela avait été le cas du temps de l'affaire Snowden, quand Poutine refusait d'extrader celui par qui le scandale des écoutes massives de la NSA est arrivé.
L'autre épisode traumatique pour l'administration américaine est celui du recul d'Obama sur le dossier syrien, où il avait finalement préféré attendre le feu vert du Congrès pour prendre une décision. Ainsi, "Obama est obligé d'utiliser une rhétorique ferme tout en restant assez prudent, car il ne doit pas répéter le cafouillage de la Syrie, où il a mené une première phase d'offensive rhétorique avant d'engager une deuxième phase d'enlisement diplomatique", analyse François Durpaire.
Obama dans l'impossible quête d'une Europe unie
Pour retrouver de l'influence, les Etats-Unis ont besoin de nouer un "partenariat "multilatéral avec l'Europe". Ainsi, "Obama cherche à obtenir une réponse allant dans le sens de plus de fermeté de la part de l'Europe contre la Russie".
Le seul problème, qui est aussi celui des Européens, est que "les Etats-Unis font face aux 'Etats désunis d'Europe'". La question est très sensible par rapport au problème de tenue du prochain G8. Ainsi, explique François Durpaire: "Si tous les dirigeants européens décident de boycotter le G8 et qu'Obama a émis l'idée en premier, il prend alors les habits du vainqueur. Si, en revanche, les Européens sont en ordre dispersés, on taxera Obama de ne savoir, au moindre problème, que pratiquer la politique de la chaise vide". Et laisser ainsi le champ libre à Vladimir Poutine.