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Algérie

Enlèvement, ingérence étrangère, mises en examen: ce que l'on sait de la détention d'un agent consulaire algérien

Amir Boukhors, alias Amir DZ, influenceur algérien hostile au régime en place à Alger, affirme avoir été séquestré par les services secrets algériens, en avril 2024.

Amir Boukhors, alias Amir DZ, influenceur algérien hostile au régime en place à Alger, affirme avoir été séquestré par les services secrets algériens, en avril 2024. - Amir DZ/Facebook

Les relations entre Paris et Alger se sont de nouveau tendues après la mise en examen d'un agent consulaire algérien vendredi 11 avril, soupçonné d'être impliqué dans une affaire d'enlèvement sur le sol français d'un influenceur algérien opposant au régime en place à Alger.

La détente à l'épreuve d'une détention. Vendredi 11 avril, la détention d'un agent consulaire algérien en France a suscité l'ire des autorités algériennes. Avec deux autres hommes, il a été mis en examen pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le 7e jour, en relation avec une entreprise terroriste, selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.

• L'enlèvement d'un influenceur hostile à Alger

Au coeur de l'affaire, Amir Boukhors, un influenceur algérien de 41 ans opposé au régime en place à Alger. Connu sous le nom d'Amir DZ sur les réseaux sociaux où il se présente comme "journaliste d'investigation", il est installé en France depuis 2016.

L'Algérie réclamait le retour de l'influenceur au million d'abonnés sur TikTok pour le juger et a émis neuf mandats d'arrêt internationaux à son encontre, l'accusant d'escroquerie et d'infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition. Il a obtenu l'asile politique en France en 2023.

Amir Boukhors raconte avoir fait l'objet d'un kidnapping au soir du 29 avril 2024, sur le sol français, persuadé que cet enlèvement relève d'une tentative d'intimidation des services secrets algériens.

• Triple mise en examen

Après avoir fait l'objet d'une enquête ouverte au parquet de Créteil, les investigations sur cette séquestration ont été reprises par le parquet national antiterroriste en février dernier.

Vendredi 11 avril, trois hommes, dont l'un travaille dans l'un des consulats d'Algérie en France, ont été mis en examen et placé en détention provisoire, soupçonnés d'être impliqués dans l'enlèvement d'Amir Boukhors en avril 2024.

• Amir Boukhors cité dans une autre information judiciaire

Le nom d'Amir Boukhors était récemment apparu dans une autre information judiciaire, ouverte par le parquet de Paris. Dans ce dossier, un employé du ministère français de l'Économie a été mis en examen en décembre, soupçonné d'avoir livré des informations sur des opposants au régime algérien, dont Amir Boukhors.

Les informations étaient réclamées et transmises à "une personne de nationalité algérienne travaillant au consulat d'Algérie de Créteil", selon le parquet de Paris. D'après une source proche de cette enquête, certaines personnes sur lesquelles les informations ont été transmises ont ensuite été "victimes de violences, menaces de mort ou tentative d'enlèvement".

• Alger dénonce une "une cabale judiciaire inadmissible"

Dans la foulée de la mise en examen de son agent consulaire, l'Algérie a vivement protesté samedi 12 avril.

Le ministère algérien des Affaires étrangères a ainsi dénoncé "l'argumentaire vermoulu et farfelu" du ministère de l'Intérieur français, fustigeant une "cabale judiciaire inadmissible" reposant "sur le seul fait que le téléphone mobile de l'agent consulaire inculpé aurait borné autour de l'adresse du domicile de l'énergumène" Amir Boukhors.

"Ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable causera un grand dommage aux relations algéro-françaises" a prévenu le ministère.

La diplomatie algérienne affirme avoir "reçu" l'ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, pour "exprimer (s)a vive protestation". Auprès de l'ambassadeur français, Alger a protesté sur "la forme" et sur "le fond" de l'affaire, reprochant notamment l'absence de "notification par le canal diplomatique".

• Paris rappelle l'indépendance de la justice

Côté français justement, on s'abstient de trop commenter l'affaire. Interrogé, Bruno Retailleau a évoqué "peut-être" un "acte d'ingérence étrangère", et le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a assuré sur Europe 1/CNews que les investigations avaient été menées "de manière extrêmement rigoureuse".

"Il n'y a pas d'instruction politique reçue par les effectifs de police, en l'occurrence, les miens, sous l'autorité de la justice", a déclaré Laurent Nuñez. "Il est normal que la justice aille à son terme et arrête les auteurs présumés de cette séquestration".

• Récent réchauffement des relations franco-algériennes

Le détention de l'agent consulaire et les protestations d'Alger interviennent une semaine à peine après la visite dans la capitale algérienne du ministre des Affaires étrangères français. À l'issue d'entretiens avec son homologue Ahmed Attaf et avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, Jean-Noël Barrot, avait annoncé une "nouvelle phase" des relations franco-algériennes, qui s'étaient récemment dégradées.

Quelques jours auparavant, le président français Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient déjà acté la fin de mois de crise d'une rare intensité, qui avait conduit les deux pays au bord de la rupture diplomatique. En cause, le revirement français sur le Sahara occidental, ou encore la détention de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal.

Nathan Laporte avec AFP