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"Trop jolie pour travailler": une marque de vêtements accusée de sexisme

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- - Capture Store de Paris

La marque de vêtements Store de Paris est au cœur d'une polémique: ses tee-shirts portant les inscriptions "Trop jolie pour étudier" et "Trop jolie pour travailler" sont accusés de sexisme. La marque se défend et invoque le droit à l'autodérision.

Une marque de vêtements parisienne est dans le viseur des réseaux sociaux. Deux internautes ont dénoncé des slogans imprimés sur des tee-shirts et sweat-shirts de la marque Store de Paris, qu'ils jugent sexistes. En cause: les inscriptions "Trop jolie pour étudier" et "Trop jolie pour travailler".

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- © Capture Store de Paris
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- © Capture Store de Paris

"Trop jolie pour être chirurgienne?"

Une utilisatrice de Facebook a posté un message mercredi dans lequel elle interpelle Store de Paris et lui demande si elle est la marque préférée de Donald Trump, avec le hashtag #DressLikeAWoman, soit "s'habiller comme une femme", évoquant la récente controverse autour du président des États-Unis. Donald Trump a demandé aux femmes travaillant à la Maison Blanche de "s'habiller comme des femmes".

"Store De Paris are you Donald J. Trump favorite brand? Trop jolie pour être chirurgienne? Trop jolie pour être pompier? Trop jolie pour être présidente? Trop jolie pour être ministre? Trop jolie pour être CEO? Trop jolie pour étudier? Ah celui la vous l'avez déjà fait."

Quelques heures plus tard, Clémence, une autre utilisatrice du réseau social, dénonce à son tour la "misogynie" et le "sexisme" de la marque.

"Et le bouh du jour aux vêtements Store de Paris: misogynie et sexisme au menu. Partagez et indignez-vous! Le 21e siècle c'est maintenant, pas question de laisser son cerveau au placard."

"Respirez profondément ça va passer"

Selon Elle, la première internaute interpelle la marque par messagerie téléphonique, lui signifiant qu'elle estime que ses tee-shirts sont "absolument misogynes et révoltants". "Vous devriez avoir honte", leur lance-t-elle. Elle menace de médiatiser l'affaire si les vêtements ne sont pas retirés de la vente. "Je vous conseille de les retirer ou je vous promets un article dans Elle et une jolie campagne sur les réseaux sociaux."

Selon le magazine féminin, Store de Paris lui aurait alors répondu que "la mauvaise publicité n'existe pas", qu'elle "manque d'objectivité", "qu'il s'agit d'un long débat stérile" ou encore qu'il "faut prendre cela avec humour". Le mensuel Causette diffuse quant à lui un message de réponse: "Respirez profondément ça va passer."

"Elle nous a posé un ultimatum"

Pour la jeune femme, ces slogans n'ont rien d'humoristique. "C'est souvent difficile d'avoir une légitimité, d'exprimer mes idées quand la blague grasse est commune et la misogynie latente", a-t-elle témoigné pour Elle. "Alors, quand je me rends compte que des marques banalisent le sexisme, je n'en peux plus: les larmes montent (...) Comment peut-on accepter cela? S'il vous plaît, dites à vos lectrices que ce n'est pas acceptable, qu'on vaut mieux que cela."

De son côté, Store de Paris regrette un "ultimatum" et indique qu'elle aurait souhaité engager un débat.

"Oui, je lui ai dit qu'on assumait notre produit mais elle n'a pas voulu l'entendre", assure à BFMTV.com Sabine Machado, assistante de direction pour la marque de vêtements. "Elle nous a posé un ultimatum, ce n'était pas une invitation au débat."

"C'est de l'autodérision"

Sabine Machado revendique un "droit à la liberté et à l'autodérision" pour les femmes. Si elle admet que les inscriptions puissent choquer, elle estime que la polémique est née d'un "souci d'interprétation".

"Nos tee-shirts sont destinés aux femmes avec des messages pour ironiser sur notre société, flatter l'ego. Mais ce n'est pas un message de vérité. Nos clientes sont des étudiantes ou des jeunes femmes qui travaillent. Quand on regarde nos produits sur notre site, avec les inscriptions comme "Princesse" ou "Mademoiselle connasse", on comprend tout de suite que c'est de l'autodérision."

"Cela m'aurait fait rire si ce n'était pas une réalité"

Une défense qui ne tient pas, selon Clémence, pour qui la "symbolique" de ces vêtements est particulièrement lourde, a-t-elle indiqué à BFMTV.com.

"Je n'ai pas dans l'idée d'attaquer la marque, je comprends bien qu'elle n'ait pas voulu faire du mal sciemment. Mais cela m'a heurtée et m'a blessée. C'est n'est pas juste une blague, c'est plus que ça car c'est une réalité."

Selon elle, la question de l'humour et de l'autodérision font trop souvent irruption lorsque l'on parle de sexisme.

"Avec Donald Trump, la dépénalisation des violences conjugales en Russie, on est dans un mois compliqué pour les femmes. Des choses qui seraient tolérées normalement crispent. Les femmes sont toujours ramenées à leur physique. Il faut savoir rire de tout et ce sous-entendu m'aurait fait rire si ce n'était pas une réalité à laquelle de nombreuses femmes sont confrontées tous les jours. Et je ne vois pas l'intérêt de s'auto-insulter, c'est dégradant."

Sur les réseaux sociaux, les réactions des internautes ont été partagées. Une grande majorité a dénoncé le "mépris" de la marque et un produit "navrant".

D'autres au contraire regrettent la virulence de la lanceuse d'alerte, jugeant qu'il s'agissait de second degré.

Céline Hussonnois-Alaya