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Traumatisés par l'assaut de Saint-Denis, ils veulent être reconnus comme victimes du terrorisme

La police patrouille dans les rues de Saint-Denis, le 18 novembre 2015, tandis que le RAID donne l'assaut dans un immeuble voisin.

La police patrouille dans les rues de Saint-Denis, le 18 novembre 2015, tandis que le RAID donne l'assaut dans un immeuble voisin. - AFP

Les habitants de l'immeuble où le Raid a donné l'assaut, à Saint-Denis en novembre 2015, après les attentats de Paris, souhaitent être reconnus comme victimes du terrorisme.

Réveillés il y a un an par le déluge de feu du Raid sur l'appartement où s'étaient cachés deux jihadistes du 13 novembre, les anciens habitants d'un immeuble dévasté de banlieue parisienne veulent à leur tour être reconnus comme victimes du terrorisme.

Le 18 novembre 2015, à 4h20 du matin, l'unité d'intervention de la police donne l'assaut à un immeuble du centre de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. Abdelhamid Abaaoud - considéré comme l'un des coordinateurs des attentats qui ont fait 130 morts à Paris et aux abords du stade de France cinq jours plus tôt -, son complice Chakib Akrouh et sa cousine, Hasna Aïtboulahcen, occupaient depuis quelques heures un appartement du troisième étage. Tous mourront dans l'assaut.

88 personnes dont 24 enfants n'ont pu regagner leurs logements

L'opération, menée dans l'urgence, a conduit à un siège de plusieurs heures d'une grande violence, à quelques mètres de voisins terrés chez eux ou évacués à la hâte. Sept d'entre eux ont été blessés, dont quatre par les balles de la police. 

L'immeuble, déjà vétuste et fragilisé notamment par l'explosion d'une ceinture explosive, est déclaré inhabitable. Selon le recensement de la préfecture, 88 personnes, dont 24 enfants, ne peuvent regagner leur logement. Au-delà des soucis matériels qui contrarient leur quotidien, tous les sinistrés contactés par l'AFP évoquent leur "traumatisme psychologique".

"On voit toujours les images"

"On est devenu malade avec tout ça. On y pense beaucoup, surtout à l'approche du 18 novembre", raconte un habitant. Ce Marocain, sans-papiers au moment de l'assaut, avait été blessé au bras par un "tir de neutralisation" des policiers, placé en garde à vue et menacé d'expulsion. Il bénéficie désormais d'un titre de séjour.

Un autre habitant, burkinabé, qui vivait dans un appartement "au-dessus des criminels", a également été régularisé. Lui aussi ressasse : "On voit toujours les images", dit-il, à la sortie d'un rendez-vous avec un psychologue, le troisième en un an selon lui, ce qu'il juge insuffisant.

C'est justement pour bénéficier d'un meilleur suivi psychologique que les sinistrés demandent à être reconnus comme victimes du terrorisme, explique le porte-parole du collectif d'habitants.

Considérés comme "victimes d'une intervention policière en responsabilité sans faute de l'Etat"

"Nous voulons avoir accès aux soins médico-psychologiques sur le long terme", précise cet entrepreneur, qui raconte avoir été incapable pendant plusieurs mois de prendre les transports en commun pour se rendre au travail. "Des grands bonhommes qui semblaient sereins après l'assaut ont chuté psychologiquement quelques mois plus tard", poursuit-il.

Pour l'heure, les autorités les considèrent comme des "victimes d'une intervention policière en responsabilité sans faute de l'Etat". "La qualification retenue décrit parfaitement la situation que les gens ont vécue, ils n'ont pas été victimes des terroristes, mais victimes de l'intervention en force de la police", estime la préfète déléguée pour l'égalité des chances de Seine-Saint-Denis, Fadela Benrabia.

Pour les indemniser, un "dispositif inédit", selon ses termes, a été mis en place au ministère de la Justice. Le bureau du statut et de la déontologie est chargé de proposer des compensations, y compris au titre du préjudice moral.

Aucune compensation reçue à ce jour par les sinistrés

"Aucune transaction n'a eu lieu pour l'instant", selon Simon Le Her, de l'association Droit au logement, qui épaule les sinistrés. 

Représentant quelques ménages, deux avocats ont annoncé ne pas vouloir se contenter de ce dispositif. Ils entendent se constituer partie civile devant un juge d'instruction pour faire reconnaître leurs clients comme victimes des attentats, et saisir le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme.

Mais la démarche a peu de chance d'aboutir, selon des sources proches du dossier contactées par l'AFP. La mobilisation des habitants a porté ses fruits dans un autre domaine : 21 des 24 sans-papiers qui vivaient dans l'immeuble ont été régularisés. 

A.Mi avec AFP