Qui habillera le futur pape? La bataille des soutanes entre deux tailleurs du Vatican

Pour le successeur du pape François, le Vatican a décidé de ne pas recourir aux services de la maison Gammarelli qui confectionne depuis des décennies la première soutane des papes nouvellement élus. Un tailleur rival, Raniero Mancinelli, a décidé de tenter sa chance.

Un tissu qui crée des remous aux abords du Vatican. Une bataille s'est enclenchée autour de la confection de la soutane blanche que revêtira le futur pape lors de sa première apparition quelques minutes après son élection au balcon de la basilique Saint-Pierre à Rome.

Depuis des décennies, c'est la maison Gammarelli qui prépare les premières tenues du pape. Ce tailleur historique du Vatican qui a servi huit souverains pontifes a l'habitude de préparer trois tenues: une courte, une moyenne et une grande pour s'adapter au gabarit de l'heureux élu. Mais cette année, après l'annonce de la mort de François, le Vatican a décidé de se passer de ses services.

"Nous habillons tous les papes depuis au moins le début du XXe siècle", a souligné Lorenzo Gammarelli à l'Agence France-Presse, qui dirige depuis 2016 la boutique avec trois cousins. Mais cette fois, "le Vatican nous a dit qu’il s’en était occupé", ajoute-t-il se disant "un peu déçu".

Lorenzo Gammarelli, l'un des propriétaires de l'atelier de couture Gammarelli, pose dans son atelier à Rome le 24 avril 2025. © Andrej ISAKOVIC / AFP

Le tailleur de 52 ans suppose que les vêtements du nouveau pape seraient "ceux des conclaves précédents". "A chaque fois nous avons fait trois soutanes et ils n'en ont utilisé qu'une seule", relève-t-il. Une requête de François, privilégiant la frugalité? "J'imagine que oui", suppute Lorenzo Gammarelli.

Un tailleur rival confectionne des soutanes et les offre au Vatican

Un autre tailleur traditionnel du Vatican, Raniero Mancinelli, espère bien qu'il en sera autrement. S'il n'a pas non plus reçu de commande du Saint-Siège, il a tenté sa chance. Tailleur depuis des décennies dans sa boutique historique du Borgo Pio, à deux pas du Vatican, l'octogénaire a fabriqué les trois soutanes.

"Je les offre au Vatican au cas où elles pourraient être utilisées par le nouveau pape", a-t-il déclaré à l'AFP. "S'ils utilisent mes vêtements, je serai très heureux".

De quoi déplaire à la maison Gammarelli. "Un tailleur romain opportuniste, à qui personne n’avait rien demandé, a livré trois soutanes dans l’espoir qu’une sorte de miracle publicitaire ne le fasse remarquer, au détriment, donc, de la frugalité prônée dans Laudato Si’ (un livre du pape François, NDLR)", a déploré le tailleur dans un communiqué relayé par Le Figaro.

Tentatives d’ingérence, rumeurs de "complot", cardinaux controversés: un conclave sous haute tension

17:32

Contrairement à Gammarelli, Raniero Mancinelli a fabriqué une "petite", une "moyenne" et une "large" soutane pour s'adapter à l'embonpoint plutôt qu'à la hauteur. "La longueur n'est pas importante car on ne voit que son buste quand il apparaît au balcon après la fumée blanche", justifie-t-il dans les colonnes du quotidien La Libre Belgique tout en prêtant une attention particulière aux 33 boutons de nacre blanc sur la robe. "Si je mets mal les boutons, le pape aura l'air tout tordu quand il apparaîtra au balcon".

Fabriquer une soutane complète, la préparer et la coudre à la main, nécessite plus de trois jours de travail. Au-delà de la robe blanche, l'ensemble du souverain pontife comprend une ceinture en soie et une calotte blanches, assorties de chaussures de cuir et d'un capelet en velours rouges.

Raniero Mancinelli, un tailleur sollicité par les cardinaux

Originaire de la région des Marches, dans le centre de l'Italie, Raniero Mancinelli a l'habitude de travailler avec la papauté. S'il n'a jamais eu l'honneur de fabriquer la première tenue, il a déjà confectionné les vêtements de trois papes par le passé, dont ceux de Jorge Bergoglio.

"Le tissu des robes pour François ne devaient être ni trop chers, ni trop précieux, un tissu normal", explique-t-il avec son fidèle mètre ruban autour du cou. "Avec Benoît, le pape précédent, c'était tout l'inverse".

Le tailleur habille aussi les évêques, les prêtres et les séminaristes. Ces derniers temps, il a particulièrement été sollicité. "Certains cardinaux ont besoin d'une ceinture, d'une calotte, d'un col... Je m'en occupe", déclare-t-il. Il raconte avoir toutefois refusé de confectionner de nouvelles robes rouges pour certains cardinaux. "Non pas par arrogance, mais je leur ai dit 'avez-vous vraiment besoin de cette robe rouge?' Peut-être que très bientôt, vous aurez besoin d'une robe blanche..."

Juliette Brossault