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Les gilets jaunes annoncent leur retour: à quoi s'attendre ce samedi?

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Sur les réseaux sociaux, les gilets jaunes organisent depuis plusieurs semaines leur retour. Avec les anti-masques et les propriétaires de discothèques, ils comptent descendre dans la rue ce samedi.

Après plusieurs mois assez discrets, les gilets jaunes comptent signer leur retour ce samedi. Près de deux ans après la première manifestation qui avait rassemblé 300.000 personnes dans la rue, les réseaux sociaux s’agitent à nouveau au rythme des innombrables groupes Facebook, publications, événements et vidéos annonçant une reprise d’activité du mouvement social.

Sur sa page Facebook suivie par quelque 110.000 abonnés, l'un des leaders historiques des gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, convoque les partisans le 12 septembre et appelle à une "désobéissance civile complète. Je vous invite ce jour-là à ne montrer aucune carte d’identité quitte à aller faire un petit tour au commissariat pour une vérif' d’identité et d’y passer quatre heures."

· Mobilisation prévue dans toute la France

Depuis plusieurs semaines, le militant grièvement blessé à l’oeil lors d’une manifestation abreuve chaque jour son compte de messages de mobilisation à destination des "personnels de santé, pompiers, restaurateurs, ouvriers, agents sanitaires, fonctionnaires (...) Allons donner de la voix, afin de faire entendre à ce gouvernement l’ensemble du mal-être des familles en France, qui malheureusement vont devoir payer le prix d’une gestion de crise sanitaire désastreuse dont ils veulent nous faire porter les conséquences, faire payer nos enfants et nos petits-enfants".

"Infos gilets jaunes", "Opérations spéciales gilets jaunes", "12 septembre: Nous sommes la 2ème Vague pour la Démocratie"... Autant de groupes Facebook qui suivent l’appel à la mobilisation de Jérôme Rodrigues. Une manifestation a été déclarée par le "collectif Force Jaune France" qui annonce un rassemblement à 10 heures, samedi, place Wagram, dans le 17e arrondissement de Paris. Le cortège partira à 13h30, passant par le boulevard des Batignolles, la place de Clichy, le boulevard de Rochechouart pour finir place Saint-Pierre, dans le 18e arrondissement. La dispersion est prévue à 18 heures.

À Paris, un cortège du collectif "Impunité 0" a par ailleurs été déclaré en préfecture, partant de la place de la République jusqu'à la place de la Nation. Enfin, une autre manifestation de gilets jaunes, menée par Inda Bigot, partira de la place de la Bourse pour gagner la porte de Champerret, dans le 17e arrondissement.

Reste que le taux d’engagement aux événements sur les réseaux sociaux apparaît relativement faible. Sur le groupe "Plan B #12septembre: Faisons de la la France une démocratie!", 130 personnes ont répondu présent, tandis que 2300 manifestants se sont engagés - sur le groupe "#12septembre Un seul devoir défendre nos droits" - à se rendre sur les Champs-Elysées, malgré les interdictions préfectorales.

D’autres rassemblements sont annoncés aux quatre coins de la France. Selon une liste "non exhaustive" publiée par "Le peuple uni", Marseille, Toulouse, Lyon, Lille, Nantes, Nice, Strasbourg… Devraient se teinter de jaune ce samedi.

· Des manifestations interdites

Deux manifestations ont en revanche été interdites par le préfet de police de Paris: la première reliant l’Arc de Triomphe au rond-point des Champs-Elysées, la seconde allant de la place de l’Etoile à la Concorde.

Didier Lallement a estimé que ces manifestations étaient "susceptibles de générer des troubles à l’ordre public et de rassembler de nombreuses personnes sans que les déclarants puissent garantir le respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale", indique la préfecture de police.

Un autre arrêté a également été pris pour interdire toute manifestation sur l’avenue des Champs-Elysées, la place de la Concorde, "dans un périmètre comprenant la présidence de la République et le ministère de l’Intérieur, ainsi que dans les secteurs de l’Assemblée Nationale, de l’Hôtel Matignon, de la Cathédrale Notre-Dame de Paris et de la préfecture de Police, du forum des Halles, de la gare Saint-Lazare, du Trocadéro et du Champ-de-Mars".

· Convergence des luttes

La France insoumise s’est prononcée en faveur des mobilisations du 12 septembre. Dans un communiqué, le parti salue le mouvement des gilets jaunes, qui "porte une colère et des revendications légitimes".

Samedi, les gilets jaunes pourraient compter dans leurs rangs des anti-masques. Comme le souligne la Fondation Jean Jaurès, 22% des opposants au port du masque déclarent avoir directement participé au mouvement des gilets jaunes (en 2018, ndlr), et 57% l'ont soutenu sans y avoir participé directement.

Ils ont en commun "cette contestation du diktat venu de l’État qui forme le terreau des gilets jaunes", souligne sur notre antenne la journaliste Emmanuelle Anizon, qui suit de près ce mouvement social.

Ensemble, "ils protestent contre les élites, les institutions, ils remettent en cause des consignes et ce qui peut être exigé des pouvoirs publics", abonde le sociologue spécialiste des mouvements sociaux Jean-François Amadieu. Et d’ajouter: "Samedi, on retrouvera ce qu’on a déjà vu chez les gilets jaunes, un assemblage assez hétéroclite avec les anti-masques et aussi les patrons de boîtes de nuit."

Frappés de plein fouet par la crise sanitaire, les propriétaires de discothèques comptent effectivement rallier le mouvement pour faire entendre leur grogne. Le "collectif des discothèques en colère" propose, dans un mouvement suivi par 350 personnes, de se retrouver dès samedi matin sur les Champs-Elysées.

· Le désaveu de Jean-Marie Bigard

La mobilisation parisienne devait initialement recevoir le soutien de Jean-Marie Bigard, l’humoriste qui a annoncé sa candidature à la présidentielle 2022. Mais des propos tenus par Jérôme Rodrigues à l’égard de la police l’ont poussé à se "désolidariser" du leader de la manifestation. L'humoriste se rendra donc sur un rond-point près de Brest pour manifester son soutien au mouvement.

"Bande de nazis vous irez ouvrir le camp de concentration disponible au nord-est de Paris", a lancé Jérôme Rodrigues après que le syndicat de police Synergie-Officiers a réagi à l’appel du gilet jaune à ne pas présenter de papiers d’identités samedi.

A la suite des propos de Jérôme Rodrigues jugés "ignobles", le ministre de l’Intérieur a même annoncé sa décision de porter plainte.

Les gilets jaunes réussiront-ils leur retour cette fois-ci? Rien n’est gagné. L’an dernier, le mouvement avait déjà tenté de remobiliser les troupes, en vain. Cette année, "Jérôme Rodrigues voudrait rassembler 25.000 personnes à Paris, que des péages et des ronds-points soient occupés... Pour lui, le challenge est énorme", explique Emmanuelle Anizon. "En terme d’image maintenant, c'est réussir ou disparaître."

Ambre Lepoivre avec Tom Mery