La prostitution, "343 salauds" et une polémique

La proposition de loi prévoit notamment la création d'une amende de 1.500 euros sanctionnant le recours à la prostitution - -
"Tous ensemble, nous proclamons: touche pas à ma pute!". Le "Manifeste des 343 salauds" contre l'abolition de la prostitution n'est pas encore paru -il sera publié dans le magazine Causeur de novembre- mais suscite déjà l'indignation.
Dans ce texte, les 343 signataires s'indigent de la proposition de loi qui prévoit de renforcer la lutte contre la prostitution, notamment en pénalisant les clients des prostituées d'une amende.
"Nous considérons que chacun a le droit de vendre librement ses charmes - et même d'aimer ça. Et nous refusons que des députés édictent des normes sur nos désirs et nos plaisirs", argumentent les signataires dont "certains sont allés, vont, ou iront aux putes".
Frédéric Beigbeder, Nicolas Bedos, Eric Zemmour...
"Homos ou hétéros, libertins ou monogames, fidèles ou volages, nous sommes des hommes. Cela ne fait pas de nous les frustrés, pervers ou psychopathes décrits par les partisans d'une répression déguisée en combat féministe. Qu'il nous arrive ou pas de payer pour des relations charnelles, nous ne saurions sous aucun prétexte nous passer du consentement de nos partenaires", plaident les signataires du manifeste parmi lesquels Frédéric Beigbeder, Basile de Koch, Eric Zemmour, Nicolas Bedos ou encore l'avocat de Dominique Strauss-Kahn, Richard Malka.
La proposition de loi qui doit être examinée fin novembre prévoit en effet la création d'une amende de 1.500 euros sanctionnant le recours à la prostitution, doublée en cas de récidive.
"Nous défendons la liberté"
La directrice de la rédaction du mensuel Causeur, Élisabeth Lévy, explique dans un communiqué avoir "décidé de batailler par l'humour pour cette cause sérieuse".
"Nous ne défendons pas la prostitution, nous défendons la liberté. Et quand le Parlement se mêle d'édicter des normes sur la sexualité, notre liberté à tous est menacée", déclare-t-elle.
Le nom de la pétition fait référence au manifeste publié par le Nouvel Observateur en 1971 et signé par 343 femmes pour dire "j'ai avorté" alors que l'IVG est encore passible de poursuites. Sous la plume ironique de Charlie Hebdo, elles deviennent les 343 "salopes".
"Une humiliation pour les forçates du sexe"
En réponse à cette pétition, Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement et ministre des droits des Femmes, a estimé que "Les 343 salopes réclamaient en leur temps de pouvoir disposer librement de leur corps. Les 343 salauds réclament le droit de disposer du corps des autres.", a-t-elle déclaré mercredi lors du compte rendu du Conseil des ministres. Et d'ajouter que cela "n'appelle aucun autre commentaire".
Une position partagée par Anne Zelensky, présidente de la Ligue du droit des femmes, qui s'interroge à son tour sur le lien entre les "343 salopes" d'hier et les "343 salauds" d'aujourd'hui, avant d'estimer que ce manifeste humilie les femmes prostituées.
"Quelle filiation peut-il bien y avoir entre nous, les "salopes" qui réclamions la liberté interdite de disposer de notre corps, et ces "salauds"qui réclament aujourd'hui la liberté de disposer contre rémunération et sans pénalité du corps de certaines femmes", écrit-elle dans une tribune publiée par Le Monde.
"Ce n'est pas tellement que [cette proclamation] véhicule une contradiction majeure: elle met de côté la souffrance et l'humiliation de la majorité des forçates du sexe", poursuit-elle.
De son côté, le collectif Zéromacho, qui revendique 1.881 hommes "engagés contre le système prostitueur", dénonce dans un communiqué des "ringards (qui) s'amusent à défendre une cause machiste perdue".
"Aussi con que de vouloir abolir la pluie"
Devant ces réactions indignées, Nicolas Bedos, un des signataires, a réagi à la polémique, en pointant du doigt l'absurdité, selon lui, du projet de loi. "Vouloir abolir la prostitution me semble aussi con que de vouloir abolir la pluie", écrit l'humoriste, connu pour son répondant, sur son compte Twitter.
Vouloir abolir la prostitution me semble aussi con que de vouloir abolir la pluie.
— Nicolas Bedos (@NicolasBedos1) October 30, 2013