Jihadistes français: comment ils sont identifiés

Image extraite d'une vidéo de propagande montrant Maxime Hauchard, jihadiste français formellement identifié, à la différence de Mickaël Dos Santos pour lequel des doutes subsistent. Le 17 novembre 2014. - Al-Furqan Media / AFP
La vidéo de propagande diffusée la semaine dernière par Daesh montre-t-elle, parmi ses combattants jihadistes, le Français Mickaël Dos Santos? Mercredi, le parquet de Paris répondait d'abord par l'affirmative, faisant état d'indices "précis et concordants" permettant d'impliquer Mickaël Dos Santos. Mais vendredi, des sources judiciaires jointes par BFMTV temporisaient ces affirmations: "On n'a jamais dit qu'il y avait des certitudes absolues, mais des indices précis et concordants. L'enquête se poursuit, des vérifications sont en cours."
Les autorités ont-elles cédé à la pression? Pour Roger Marion, ancien patron de la police antiterroriste, ce n'est pas exclu. "Pour mettre fin à la terreur, il faut montrer que nos services sont compétents et qu'on peut obtenir des résultats rapidement", lâche-t-il. Les services de renseignement français sont-ils allés un peu vite? Sur quoi s'appuient-ils pour identifier les jihadistes?
> Avant tout un travail de police "à l'ancienne"
Le travail d'identification est loin de l'imagerie de l'agent secret bardé de gadgets technologiques. "Cela se fait pour beaucoup à l'ancienne, avec un travail de police basique à partir de témoignages, de photos, de renseignements recoupés", explique Alain Chouet, un ancien de la DGSE.
Pour lui, ce qui prime avant-tout dans ce genre d'affaires ce sont "l'expérience des gens travaillant sur le terrain" et les échanges de renseignements et de la coopération entre les polices de l'Union européenne pour suivre les déplacements des jihadistes. Alain Chouet met cependant un bémol sur ce dernier aspect, estimant que cette coopération européenne "ne marche pas formidablement bien".
> Le témoignage des proches
Il y a aussi les sources humaines qui permettent d'identifier tel ou tel suspect: la mère de Mickaël Dos Santos - qui a pris Abou Uthman pour nom de guerre - l'avait reconnu. Mais dans un témoignage exceptionnel recueilli par BFMTV, cette mère de famille dément, dans un second temps, avoir formellement authentifié son fils: "Plus je le regarde, plus je me dis que ce n'est pas mon fils". Cette confusion suivie d'une rétractation pourrait provenir d'une méprise entre les photos de ce jeune homme diffusées sur son compte Twitter montrées à sa mère et le visionnage de la vidéo de propagande éditée par l'Etat islamique.
> Le travail des spécialistes
Des experts sur les questions de terrorisme et spécialiste des langues peuvent également intervenir. Exemple: dans le cas de Mickaël Dos Santos, un élément ouvrait la voie au doute: le jihadiste présumé s'exprimait dans un arabe d'un niveau a priori inaccessible à une personne récemment arrivée en Irak ou en Syrie. Autre affaire: pour celui que l'on surnomme "jihadi John", l'homme vêtu en noir au visage masqué et à l'accent britannique, présent sur les vidéos de décapitation d'Occidentaux, un anthropologue a pu analyser son accent "et déterminer ainsi d'où il venait", indique Jean-Charles Brisard, expert des questions liées au terrorisme.
Twitter et Facebook sont également scrutés. Pour Maxime Hauchard, l'analyse des réseaux sociaux avait permis à des journalistes de l'identifier. Dans le cas de Mickaël Dos Santos, un compte Twitter ouvert avec son nom de combattant jihadiste, "annonce clairement" qu'il ne s'agit pas de lui".
> La reconnaissance faciale efficace
Enfin, il existe des logiciels de reconnaissance faciale. Un tel logiciel est utile quand on dispose de "bases de données avec des photos multiples", permettant d'effectuer des comparaisons, reconnaît Alain Chouet.
Sur ce point, Claude Moniquet, autre ancien de la DGSE et codirecteur d'une agence de sécurité, ESISC, basée à Bruxelles, insiste sur le travail de recherche et d'archivage de "toutes les images accessibles, que cela soit des reportages, des vidéos de propagande, des photos de suspects". "Ensuite, on confronte les photos de la personne à identifier avec la banque de données".
"Les renseignements obtenus lors de debriefings d'otages libérés permettent aussi d'enrichir la base de données", souligne Claude Moniquet. Des logiciels, poursuit l'expert, permettent une analyse morphologique. "On peut décomposer un visage pour des comparaisons avec ce dont on dispose. On peut vieillir une personne, modifier son apparence - la faire grossir, maigrir, lui mettre une barbe, la représenter le crâne rasé". "L'analyse des mains peut être aussi essentielle, car à partir de ce seul élément, un spécialiste peut identifier à coup sûr une personne", affirme-t-il.
Selon Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), les logiciels de reconnaissance faciale qui fonctionnent "à 90/95%, dès lors que le visage n'est pas grimé, qu'il n'y a pas de maquillage de cinéma". Il explique que ce logiciel mesure "l'écartement entre les yeux", "la largeur et la hauteur du visage", toutes choses permettant une identification.