"Une situation d'échec", "un niveau des élèves inacceptable": le rapport alarmant de la Cour des comptes sur l'école primaire

Un rapport au vitriol sur l'état de l'école primaire publique française. La Cour des comptes publie ce mardi 20 mai un rapport intitulé "l'enseignement primaire, une organisation en décalage avec les besoins de l’élève". Dans celui-ci, les magistrats dressent un rapport inquiétant sur l'état des écoles primaires publiques françaises et préconisent une refonte de la gouvernance des écoles, notamment sur le statut du directeur, afin de clarifier les rôles vis-à-vis des autres professeurs.
Après un déclin du niveau des élèves, observé depuis les années 2000, la Cour des comptes relève des résultats qui stagnent. "Le système scolaire est aujourd'hui en situation d'échec", estime le rapport, qui pointe notamment de nombreuses failles au sein de l'organisation des classes.
Selon la Cour des comptes et de l'académie de Médecine, la semaine de quatre jours serait contraire aux intérêts de l'enfant et "néfaste", en raison de "la désynchronisation liées aux week-ends prolongés".
L'ex-ministre de l'Éducation Jean-Michel Blanquer avait donné en 2017 aux communes la possibilité de repasser à quatre jours, liberté dont s'était déjà emparée 85% des communes à la rentrée 2018.
La semaine de quatre jours et demi, "très hétérogène dans sa mise en oeuvre", a été abandonnée sans avoir "été évaluée, ni stabilisée dans le temps", regrette la Cour des comptes. Elle souligne aussi que le "modèle dominant" dans l'OCDE est "celui d'une semaine scolaire de cinq jours pleins", et la semaine de quatre jours n'est "en vigueur que dans l'enseignement primaire français".
Cette analyse de la Cour des comptes est publiée alors que le président Emmanuel Macron, a annoncé début mai une convention citoyenne sur "les temps de l'enfant". Elle débutera le 20 juin et abordera les sujets "du périscolaire, du postscolaire, du temps familial, et bien sûr de l'école", selon le président du Conseil économique social et environnemental (Cese), Thierry Beaudet, qui l'organisera.
Inégalité des réussites en fonction du statut social
Concernant les capacités des élèves, la Cour des comptes déplore un niveau "inacceptable", en dépit "des efforts budgétaires consentis ces dernières années, notamment à travers le dédoublement des classes". L'institution souligne cependant que la France "dépense moins que les autres pays dans l'enseignement élémentaire".
Au total, près d'un élève sur trois est en difficulté en français, et un élève sur quatre en mathématiques en classe de sixième, selon le rapport. Pire encore: les inégalités s’aggravent, en dépit du dédoublement au primaire, qui atténue les écarts en CP.
Chaque année, l'écart de réussite entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers s'accentue et s'élève désormais à d'environ 30%.
La Cour souligne pourtant un investissement très important dans l’école : la dépense totale à destination des écoles primaires est de 52 milliards d’euros en 2022, soit 2 % du PIB français, un budget en augmentation constante alors que le nombre d’élève baisse, en raison de la baisse démographique. Un budget qui n'a toutefois pas su rééquilibrer le taux de réussite entre les différentes classes sociales.
En 2024, les écoles accueillaient 6.3 millions d’élèves contre 7,1 millions en 1972. Entre 2022, les écoles ont enregistré une baisse de plus de 80.000 élèves. D’ici 2028, la Cour prévoit également une baisse de 350.000 élèves.
Un paradoxe pour le coup utile puisqu'il a permis de réduire la taille des classes, même si elles restent encore très chargées. En ce sens, la Cour des comptes estime qu'il faut profiter de la diminution des effectifs en classe pour repenser le modèle de l'école publique.
Outre la refonte de la gouvernance des écoles, notamment sur le statut du directeur, le rapport préconise également de lui donner les leviers en termes de pédagogique ou de renforcer son rôle vis-à-vis de partenaires extérieurs.
Un meilleur système de mutation préconisé
La Cour préconise également de systématiser les modèles d’écoles regroupées (RPI) dans les communes confrontées à de fortes baisses d’effectif. Au total, seulement 18 % des écoles comprennent seulement deux classes voire moins. Par ailleurs, la Cour estime que des écoles trop petites ne favorisent pas la qualité pédagogique.
Ainsi, la Cour propose d'établir des conventions sur trois ans entre l’éducation nationale et lés élus afin de garantir les effectifs et de préparer une mutualisation des moyens entre communes.
Un appel à mieux se concerter au niveau local entre les différents acteurs (commune, école, élus, parents) a également été avancé par la Cour pour mieux trouver des organisations de la semaine scolaire, toujours selon la Cour.
Au niveau des recrutements, la Cour préconise aussi d'employer des professeurs des écoles par département et plus par académie. Ce conseil vise notamment les zones de recrutement s'avère difficile.
Pour renforcer l’attractivité du métier, il y aura une priorité dans le système de mutation, afin d'inciter les enseignants à exercer temporairement dans certaines zones. Par ailleurs, la Cour conseille aux professeurs de mettre plus avant les outils numériques dans l'apprentissage.
En matière de bien-être, la Cour conseille d’intégrer le défi de la transition écologique, et repenser le bâtiment scolaire.