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"Ça a brisé des vies": des pétitions réclament la fermeture de Bétharram après les accusations de violences sexuelles

Une vieille photo de l'établissement Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques.

Une vieille photo de l'établissement Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques. - Flickr - CC Commons - Séminaire de Bétharram Éditeur

Après le scandale des violences et agressions sexuelles qui a éclaboussé l’établissement catholique Notre-Dame-de-Bétharram, devenu Le Beau Rameau, Arnaud Gallais et Jean-Marie Delbos demandent sa fermeture. À travers deux pétitions, ils exigent la fin de l’activité de ce lieu "marqué par la souffrance" et expliquent à BFMTV.com les raisons de leur combat.

"On fait quoi maintenant: on se dit que c'est du passé et on continue?" Arnaud Gallais veut "taper du poing sur la table", après les accusations de violences et d'agressions sexuelles qui se multiplient à propos de l'établissement catholique Bétharram (Pyrénées-Atlantiques) ces dernières semaines.

Ce militant pour les droits de l'enfant, lui-même élève à Bétharram et victime de violences sexuelles lorsqu'il était enfant (hors de l'école), a lancé une pétition baptisée "Bétharram doit fermer" le 14 février dernier, qui a déjà récolté plus de 22.300 signatures. "Ce lieu marqué par la souffrance ne peut continuer à fonctionner", écrit-il dans le texte qui accompagne la pétition, "pour ne pas exposer d'autres enfants et par dignité pour les victimes".

"Ça demande un peu de courage politique"

"Cela demande un peu de courage politique, mais c'est la moindre des choses que l'on puisse faire pour les victimes", affirme le cofondateur de l'association Mouv'Enfants et membre de la Ciivise (Commission Indépendante sur l'Inceste et les violences faites aux Enfants).

Arnaud Gallais, qui envisage cette fermeture comme "une réparation collective", souhaiterait également transformer les lieux en un mémorial en l'honneur des victimes de ces violences. "Il faut que la société retienne ce qui s'est passé", soutient-il. "C'est une évidence. Il faut marquer le coup, que la fermeture de Bétharram devienne un symbole si on veut vraiment tirer les leçons et retenir quelque chose de ce qui s'est passé là-bas".

"Ça a brisé des vies, et aujourd'hui on sait qu'il n'y a pas que Bétharram de concerné en France. Alors on fait quoi maintenant? On se dit que c'est du passé et on continue?", s'interroge-t-il encore. "La commission d'enquête vient de s'apercevoir qu'il y avait potentiellement eu des faits jusque dans les années 2020!"

Le défenseur des droits de l'enfant rappelle ainsi qu'en France, 160.000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles, ce qui représente une victime toutes les trois minutes.

"Qu'ils soient privés de pognon"

Jean-Marie Delbos, lui, a été reconnu victime de nombreux abus sexuels du père Carricart lorsqu'il était élève à Bétharram, entre 1957 et 1962. Plus de 60 ans après les faits, cet homme de 77 ans - l'une des rares victimes à avoir été indemnisé par la commission indépendante sur les abus asexuels - a lui aussi lancé une pétition ce mercredi 19 mars pour exiger la fermeture de l'établissement des Pyrénées-Atlantiques. À ce jour, elle a récolté plus de 1240 signatures.

"Il faut absolument que ça ferme! Ça devrait être fermé depuis longtemps... Ce que je veux, c'est qu'ils soient touchés au porte-monnaie: qu'ils soient privés de pognon! Quand on aura compris ça, on aura tout compris", tonne le sexagénaire, qui se souvient encore clairement du prêtre qui venait "s'amuser" avec les enfants dans les dortoirs la nuit lorsqu'il était interne.

Cet habitant du petit village de Castetnau-Camblong (Pyrénées-Atlantiques), regrette de ne pas avoir été écouté plus tôt, lui qui avait raconté son histoire dès 1961. Il affirme aussi avoir écrit une lettre à François Bayrou pour "lui dire ce qui se passait" en mars 2024.

Le parquet de Pau a reçu depuis un an plus de 150 plaintes visant d'anciens religieux et personnels laïcs pour violences, agressions sexuelles et viols, quasi tous prescrits. Après trois gardes à vue, un seul ancien surveillant a été mis en examen et écroué le 21 février pour des faits commis au début des années 1990 puis en 2004.

Des violences "à caractère systémique"

François Bayrou, maire de Pau depuis 2014, est accusé d'avoir été au courant de faits de violences à Bétharram, alors qu'il était ministre de l'Éducation, ce que le Premier ministre a toujours formellement nié.

La congrégation religieuse des pères de Bétharram, qui a longtemps dirigé l'établissement, a reconnu samedi pour la première fois le caractère "systémique" des violences commises et confié à un groupe de réflexion une commission d'enquête indépendante chargée d'apporter "réparation" à toutes les victimes

Un contrôle mené par le rectorat de Bordeaux a débuté ce lundi 17 mars pour quatre jours, trois décennies après sa dernière - et unique - inspection: sept inspecteurs et une conseillère technique des services sociaux se sont rendus sur les deux sites de l'institution qui accueille 500 élèves dans le département.

Les deux corapporteurs de la commission d'enquête parlementaire sur le contrôle des établissements scolaires par l'État ont saisi mardi 18 mars de nombreux documents "extrêmement intéressants" dans l'école et dans les archives scolaires diocésaines, sans obtenir néanmoins "tous" les dossiers souhaités.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV