Vaccins anti-Covid: dans les Ehpad, un consentement difficile à obtenir

L'Agence européenne du médicament a dit son mot définitif. Feu vert est donné à l'administration du vaccin anti-Covid-19 de Pfizer au sein des pays de l'Union européenne. Cette décision, tombée lundi, arrive accompagnée d'un calendrier: la campagne débutera ce dimanche en France, auprès des résidents et des employés des Ehpad.
Si le prix - 15,50 euros la dose, entièrement payée par l'État - ne soulève aucun débat, le consentement au vaccin apparaît lui comme la grande affaire du pays, d'autant que le président de la République a toujours souligné que le vaccin ne serait pas obligatoire.
Vacciner massivement sans forcer la main, informer et convaincre, la gageure est particulièrement ardue dans les établissements accueillant les seniors. Saisi par le ministère de la Santé, le Comité consultatif national d'éthique a cependant confirmé publiquement lundi l'obligation d'obtenir cet assentiment.
"Toute vaccination implique le consentement de la personne, qui devrait être appréhendé comme un 'assentiment' délivré au cours d’un processus d’information et de recueil de la volonté en plusieurs temps et selon des modalités adaptées à la personne (oral et/ou écrit)", a ainsi spécifié l'instance. Le vaccin éventuel sera également précédé d'une visite médicale.
Les troubles cognitifs compliquent la donne
On compte 7400 Établissements d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes en France. Le 3 décembre, comme le montrait alors Le Monde, on y recensait 24.000 morts emportés par le virus, soit 44% des victimes.
Les chiffres sont lourds, l'urgence pesante, mais la campagne devra nécessairement contourner un écueil majeur: l'incapacité de nombre de résidents à consentir. Six résidents en EHPAD sur dix sont en effet atteints de troubles cognitifs. La statistique passe à sept individus sur dix dans les unités de soins longue durée.
Dans le cas de ces personnes qui ne peuvent ni entendre ni vouloir en leur nom propre, l'établissement devra s'accorder avec les représentants légaux. Le Comité consultatif national d'éthique a précisé les différents schémas:
"La vigilance doit être particulièrement grande à l’égard des personnes qui ne sont pas en mesure de s’exprimer: dans ce cas, le choix devrait être opéré au terme d’un processus délibératif à partir de l’avis exprimé par la personne de confiance, ou en l’absence de personne de confiance, par la famille. Dans le cas où la personne âgée bénéficie d’une mesure de protection juridique (tutelle à la personne, habilitation familiale judiciaire, mandat de protection future), si elle n’a pas désigné de personne de confiance, le consentement est donné par son représentant légal."
La parole des résidents
"Certaines familles ont fait part de leur opposition à ce que leurs proches soient vaccinés", a expliqué à RMC Pascal Daubert, qui dirige l'EHPAD de Bouère en Mayenne . "C’est pour ça qu’on doit faire œuvre de pédagogie."
Les résidents jouissant encore de toutes leurs facultés intellectuelles expriment quant à eux des avis divergents. Marie-Thérèse, rencontrée elle aussi par RMC, voit dans le vaccin un impératif: "S’il faut, il faut! Et à nos âges, on ne risque rien." Marie-Louise penche pour sa part pour s'en remettre aux médecins: "Ce sont les docteurs qui jugent. Ils savent si on a besoin ou si on n’en a pas besoin."
Un public très partagé
Claudette Brialix, présidente de la Fédération nationale des associations de personnes âgées en établissements et de leurs familles, a relayé auprès du Figaro les réserves des habitants de ces établissements: "Ils expriment un mélange de crainte et d’espoir. Le vaccin est vu comme une solution pour un retour à une vie plus normale, aux visites plus nombreuses des familles mais aussi comme un risque. Certains ont peur de servir de cobaye."
Le Figaro se fait encore l'écho d'une enquête interne conduite entre le 30 novembre et le 7 décembre par la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs. 53% des résidents sondés s'y déclaraient candidats à la vaccination.
