Gastro-entérite, bronchite, bronchiolite... Les gestes barrières freinent-ils les maladies hivernales?

Infographie sur les maladies hivernales - BFMTV
La saison froide et la cohorte de maux qu'elle entraîne dans son sillage n'est encore que peu entamée, mais il semblerait pourtant que cette année, plusieurs indicateurs montrent une diminution de la circulation de ces virus par rapport à la même période les années précédentes, comme l'avait repéré Le Télégramme la semaine passée.
Ainsi, selon les données récoltées par Santé Publique France (SPF) et mises en graphiques par BFMTV.com, bronchiolites, bronchites et gastro-entérites seraient moins diagnostiquées et moins sujettes à un passage aux urgences à l'heure actuelle. Néanmoins, il y aurait autant, si ce n'est plus, d'hospitalisations pour ces mêmes maladies, et donc de cas graves.
A noter toutefois qu'il est encore tôt dans cette "saison virale" et que les années précédentes, le pic épidémique de ces affections n'avait jamais été atteint à cette période, qui marquait plutôt les prémices de ces épidémies saisonnières, plus virulentes en décembre et janvier.
Plusieurs explications peuvent être apportées, à commencer par l'application des gestes barrières et notamment le port du masque pour lutter contre le Covid-19.
· Moins de diagnostics et de passages aux urgences
Que ce soit pour les bronchiolites, bronchites ou gastro-entérites, à ce stade de l'année, beaucoup moins de diagnostics de ces affections sont effectués par des médecins qu'à l'accoutumée, d'après les données de Santé Publique France.
Ce chiffre est mis en regard avec ceux des années précédentes allant jusqu'à 2015.
La baisse est moins marquée pour les bronchiolites, cette maladie qui touche essentiellement les nourrissons, mais les chiffres sont environ deux fois inférieurs à ceux des autres années pour la gastro-entérite ou la bronchite.
Les passages aux urgences se sont également considérablement amoindris pour les trois maladies.
· Comment expliquer ces données?
Comme le rappelle Santé Publique France sur son site, la transmission de ces virus saisonniers se fait essentiellement par le biais de deux vecteurs: les gouttelettes émises ainsi que les mains, qui peuvent infecter les objets ou un autre personne, par exemple en lui serrant la main.
Des modes de contaminations qui ne sont pas sans rappeler ceux du Covid-19, contre lequel le monde entier lutte depuis le début de l'année 2020 et qui a provoqué, rien qu'en France, la mort de plus de 40.000 personnes et l'instauration de deux mesures de confinement de la population, dont la deuxième est encore en cours.
L'application des gestes barrières freine-t-elle la circulation des norovirus (gastro) ou des rhumes pouvant aller jusqu'à la bronchite, ou la bronchiolite? Est-ce le fait que les Français consultent moins leur médecin mais sont tout autant malades? Ou encore s'agit-il d'une conséquence du confinement?
Chacune de ces hypothèses porte certainement en elle un germe de vérité. Pour le Dr Bruno Grandbastien, médecin hygiéniste, il ne fait aucun doute que l'application des gestes barrières comme le fait de porter un masque ou encore de se laver les mains avec régularité et soin, joue un rôle majeur.
"On a un point de repère avec ce qui s'est passé sur la grippe dans l'hémisphère Sud: cette année, l'épidémie a été toute petite, du fait très probablement du respect des mesures barrières, du port du masque, de l'hygiène des mains, et peut être aussi du confinement au moment où c'était le pic saisonnier habituel en période hivernale pour l'hémisphère Sud, donc aux mois de février et mars, indique le médecin en guise de parallèle.
Bruno Grandbastien, président de la Société française d'hygiène hospitalière, poursuit la comparaison en évoquant le fait qu'"en 2009, lors de l'épidémiede grippe H1N1, on avait observé une baisse de l'incidence des gastro-entérites".
Si pour l'heure, les chiffres des maux hivernaux sont moindres par rapport à ceux des autres années, Bruno Grandbastien avance que cela pourrait perdurer pour le reste de la saison:
"On s'attend à avoir effectivement une plus faible incidence de toutes ces maladies hivernales. On sait que les mesures de protections qui ont été proposées pour le Covid vont être efficaces sur tous les virus respiratoires saisonniers qui circulent tous les ans. Assez sereinement, je pense que la grippe devrait être aussi assez bien maitrisée pour cette saison", juge-t-il, ajoutant qu'il devrait en être de même pour les gastro-entérites.
Si une baisse drastique a été observée pour les diagnostics et passages aux urgences dus aux bronchiolites, bronchites et gastro-entérites, le nombre d'hospitalisations pour ces mêmes maladies est en revanche à un niveau similaire que ceux observés les années précédentes.
Une décorélation qui peut étonner, et qui peut signifier plusieurs choses. Cela pourrait d'abord indiquer que les virus provoquant gastro-entérites, bronchites et bronchiolites circulent tout autant, mais ne sont simplement moins sujets à consultations médicales et donc à un diagnostic.
La deuxième hypothèse, avancée par le Dr Grandbastien, est que ces "pathologies hivernales, quand elles donnent des symptômes respiratoires ou digestifs, peuvent évoquer des cas de Covid-19." Lorsque ces symptômes sont aigus, le médecin estime plausible le fait qu'on l'on ait "une attention toute particulière" pour ces patients, qui pourraient donc faire l'objet d'une suspicion de forme grave de coronavirus et seraient donc hospitalisés.
Suspicion qui ne serait donc in fine pas confirmée par les tests pratiqués, mais qui pourrait en partie expliquer le fait que les chiffres des hospitalisations pour bronchites, bronchiolites et gastro-entérites restent similaires à ceux des années passées, contrairement aux autres indicateurs.
L'application des gestes barrières survivra-t-elle à la pandémie de Covid-19 pour lutter contre les maux hivernaux? Pour Bruno Grandbastien, rien n'est moins sûr. "En 2009, on avait vu les mesures s'appliquer l'année de la pandémie grippale, et plus grand chose l'année d'après. On oublie vite ce genre de réflexes", regrette le praticien.