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En quoi consiste la stratégie du "no covid", vantée par des chercheurs en Allemagne?

Contrôles à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche le 7 mai 2020 pour lutter contre l'épidémie de coronavirus

Contrôles à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche le 7 mai 2020 pour lutter contre l'épidémie de coronavirus - Christof STACHE © 2019 AFP

Plutôt que d'aplanir la courbe des patients, et de répéter qu'il faudra apprendre à vivre avec le virus, cette stratégie a pour but de ramener le nombre de malades à zéro.

Depuis quelques jours en Allemagne, un groupe de chercheurs issus de différentes spécialités (économie, médecine, sociologie, virologie...) a lancé un débat sur la possibilité de mettre en place une nouvelle stratégie pour lutter contre le coronavirus, baptisée "No Covid" ou "Zéro Covid". Alors qu'il a été dit et répété qu'il faudra apprendre à vivre avec le virus, l'objectif de cette stratégie est d'en finir complètement avec l'épidémie.

"Nous devons créer un consensus social autour de l’idée que, en tant que société, nous ne pouvons ni ne voulons vivre avec le virus, mais que nous souhaitons le vaincre", explique le document, selon une traduction du Monde.

Objectif de 10 cas pour 100.000

L'objectif premier est d'atteindre le chiffre clef de 10 personnes contaminées pour 100.000 par semaine, un taux extrêmement bas, garant d'une propagation faible du Covid-19 sur le territoire. Actuellement en France, il est de 211 sur la semaine du 19 au 25 janvier, avec des pics à plus de 300 dans certains départements, comme le Jura (318,4), la Lozère (329) ou la Drôme (307,7).

Pour la première partie de cette stratégie il faut donc d'abord passer par une phase de restrictions, afin de faire drastiquement baisser le nombre de contaminations. "Nous réduisons nos contacts au minimum, aussi au travail", suggère le site Zero Covid, regroupant plusieurs groupes européens réclamant que cette stratégie soit mise en place sur tout le vieux continent, "il nous faut arrêter pour un court moment toute activité économique dont la société n’a pas un besoin vital urgent".

L'approche allemande ne prévoit pas forcément de confinement. "Notre objectif est atteignable sans aller jusqu’à interdire aux gens de sortir de chez eux. Les restrictions actuelles devraient suffire, à condition de les coupler avec une généralisation des masques FFP2 et une augmentation du nombre de tests", explique dans Le Monde Clemens Fuest, président de l’Institut de recherche économique de Munich et co-auteur du document.

L'idée est donc d'éviter les contaminations par des moyens déjà connus et renforcés - comme la fermeture des écoles et des commerces non essentiels ou la limitation des contacts sociaux - mais aussi de traquer le coronavirus en repérant les foyers épidémiques, en isolant les personnes contaminées, tout en remontant la chaîne de contamination des cas contacts. Cela a été fait dans les pays asiatiques, tels que la Corée du Sud, qui a employé des méthodes très intrusives pour retrouver les personnes potentiellement contaminées.

Les zones vertes, débarrassées du Covid

La proposition allemande recommande ensuite de se focaliser sur les indicateurs au niveau local. "Lorsque l'incidence de l'infection dans une zone tombe à zéro, la région doit ainsi être déclarée zone verte", explique The Lancet. Des restrictions de déplacement entre des régions vertes et non-vertes devront ensuite être imposées, ainsi que d'importants "protocoles de test, de traçage et d'isolement", afin de ne pas recontaminer une zone.

Il s'agit, en soi, de mesures déjà connues et utilisées. Dans un avis daté du 13 janvier, le Conseil Scientifique français recommande ainsi "la mise en place d'une limitation des déplacements inter-régionaux". L'idée dans le protocole allemand est d'offrir avec cette "zone verte" une perspective de fin d'épidémie à la population, si elle contribue correctement à la première phase.

"Le message se concentrerait moins sur les résultats de tests positifs, les hospitalisations et les décès", explique The Lancet. "Le soutien du public sera construit sur des objectifs plus larges du bien-être de la société, du retour au travail et de la restauration des libertés publiques."

"On a du mal à imaginer que ce genre de stratégie serait faisable, acceptable"

Ce plan paraît clair et efficace ainsi décrit, mais plusieurs scientifiques remettent déjà en cause ce cheminement, qui n'est pas assuré de fonctionner une fois mis en place. La question se pose par exemple du temps nécessaire - deux, trois, six semaines? - pour que les restrictions fassent drastiquement baisser le nombre de contaminations, et ce alors que le variant britannique, plus contagieux, court en Europe.

"Lorsque l'on voit déjà les dégâts causés par les restrictions qui ont été imposées aux Français depuis de nombreux mois, on a du mal à imaginer que ce genre de stratégie serait faisable, acceptable, et n'aurait pas des conséquences extrêmement dures pour des millions de gens", pointait du doigt sur BFMTV jeudi, Daniel Levy-Bruhl, épidémiologiste à Santé Publique France.
Des États sont toutefois cités en exemples pour avoir mis en place et réussi cette stratégie, comme Taiwan ou encore l'Australie. Mais "quand on est une île c'est plus facile", note Daniel Levy-Bruhl. "Si un seul pays se lançait dans une telle stratégie, peut-être que pendant quelques semaines il respirerait, mais si les autres pays autour continuent de laisser circuler le virus, il serait vite recontaminé."

La chancelière allemande Angela Merkel ne semble pas pour le moment adhérer assez à cette stratégie pour la mettre en place. En France, la piste étudiée actuellement, selon des informations de BFMTV, est celle d'un reconfinement hybride avec par exemple l'allongement des vacances de février, et des jauges restreintes dans les commerces non-essentiels.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV