Covid-19: qu'est-ce que l'ARN messager, la technologie à la base du vaccin à l'essai?
Il ne s'agit encore que des premiers résultats d'un essai de phase 3, certes à grande échelle - on compte 43.538 patients concernés à ce jour selon France Inter - mais la société pharmaceutique Pfizer, associée à l'allemand BioNTech, a annoncé lundi disposer d'un vaccin "efficace à 90%" contre le Covid-19. Or, parmi les quatre grandes catégories de vaccins développés contre le virus, celle utilisée par Pfizer n'avait encore jamais fait ses preuves. Elle se fonde sur une technologie nouvelle, dite de l'acide ribonucléique messager ou plus simplement ARN messager.
Consignes pour la machinerie
Le but des vaccins est d'entraîner notre système immunitaire à reconnaître le coronavirus, lui faire monter ses défenses de façon préventive, afin de neutraliser le vrai virus s'il venait à nous infecter. Des vaccins conventionnels peuvent être faits de virus inactivés (polio, grippe), atténués (rougeole, fièvre jaune), ou tout simplement de protéines appelées antigènes (hépatite B).
Mais dans le cas de Pfizer et de son partenaire allemand BioNTech, ou de Moderna, qui utilise la même technique mais n'a pas encore annoncé de résultats, on injecte dans l'organisme des brins d'instructions génétiques appelées ARN messager, c'est-à-dire la molécule qui dit à nos cellules ce qu'il faut fabriquer.
Toute cellule étant une mini-usine de protéines, selon les instructions génétiques contenues dans son noyau, l'ARN messager du vaccin vient s'insérer et prendre le contrôle de cette machinerie. Il s'agit alors de faire fabriquer un antigène spécifique du coronavirus: la "spicule" du coronavirus, sa pointe si reconnaissable qui se trouve à sa surface et lui permet de s'attacher aux cellules humaines pour les pénétrer.
Une production "très facile"
Cette pointe, inoffensive en elle-même, sera ensuite détectée par le système immunitaire qui va produire des anticorps, et ces anticorps vont rester, montant la garde pendant, espèrent les scientifiques, une longue durée.
Une fois le matériel génétique injecté, "les cellules qui sont au site de l'injection vont se mettre à produire, de façon transitoire, une des protéines du virus, en l'occurrence la protéine S, la protéine de spicule", a expliqué Christophe D'Enfert, directeur scientifique de l'Institut Pasteur.
L'avantage est qu'avec cette méthode, il est inutile de cultiver un pathogène en laboratoire, c'est l'organisme qui fait le travail. C'est pour cette raison que ces vaccins sont plus rapides à mettre au point. Pas besoin de cellules ou d'oeufs de poules (comme pour les vaccins contre la grippe) pour fabriquer ce vaccin. "Les vaccins ARN ont pour particularité intéressante de pouvoir être produits très facilement en très grande quantité", résume Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, à la Haute autorité de santé.
A très basse température
Quant à la protéine du coronavirus, elle "ne va pas être produite en permanence, ça va s'arrêter", car comme pour tout vaccin, le système immunitaire va détruire les cellules qui produisent la protéine virale. "Le processus va donc s'éteindre de lui-même", explique Bruno Pitard (Inserm/Université de Nantes), à la tête d'une startup qui travaille sur ce type de vaccins.
L'inconvénient de ces derniers cependant: ils doivent être stockés à très basse température. Le gouvernement américain a ainsi entrepris depuis plusieurs mois de mettre en place la logistique nécessaire.