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Covid-19: les tests salivaires à l'école sont-ils un indicateur fiable?

Elèves d'une école à Eysines (Gironde), faisant la queue pour un test salivaire, le 25 février 2021

Elèves d'une école à Eysines (Gironde), faisant la queue pour un test salivaire, le 25 février 2021 - PHILIPPE LOPEZ / AFP

Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer parle depuis plusieurs jours d'un taux de contamination dans les écoles entre 0,35 et 0,5%, mais la représentativité de ce chiffre est questionnée.

Alors que le dispositif est progressivement mis en place depuis environ un mois, le ministère s'est fixé pour objectif de déployer chaque semaine 300.000 tests salivaires dans les établissements scolaires, afin d'identifier les enfants contaminés, et de limiter la propagation du Covid-19 dans les établissements scolaires, qu'il veut garder ouverts. A l'école, les tests salivaires donnent "un taux de contamination en moyenne d'environ 0,5%", expliquait vendredi sur BFMTV-RMC le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer.

Mais la représentativité de ce pourcentage, qui peut sembler très bas, est remise en question sur plusieurs points.

Des résultats variables selon les établissements testés

Il faut d'abord préciser que ces tests sont proposés en priorité dans des écoles primaires ou maternelles, "pour qui les prélèvements nasopharyngés peuvent être plus difficiles", explique le site Service-Public.fr. Les résultats présentés ne réfléchissent donc pas les contaminations en collèges et lycées, même si à terme, les tests salivaires doivent aussi être proposés dans les établissements du second degré, explique à BFMTV.com le ministère de l'Education nationale.

Ensuite, ils ne sont pas proposés dans tous les établissements. "Sur 40 écoles élémentaires dans ma circonscription, 3 ont été sélectionnées, une quatrième le sera prochainement", explique à BFMTV.com Nicolas Pucheu, adhérent du syndicat SGEN-CFDT, directeur d'une école élémentaire à Pessac (Gironde).

"On ne sait pas trop comment ces établissements sont choisis", déclare Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat SNUipp-FSU.
Selon ses observations, "il ne s'agit pas forcément d'écoles situées dans les départements les plus touchés par l'épidémie. Certains établissements particulièrement touchés n'ont pas été priorisés", explique-t-elle. Or "quand on va tester dans des endroits où le taux de contamination est faible, évidemment les résultats des tests le seront aussi".

Les classes testées sont déterminées par les autorités sanitaires et académiques locales, car "elles sont au plus près", explique-t-on à l'Education nationale, qui souligne toutefois une "étroite collaboration entre le ministère, la Haute Autorité de la Santé, les ARS et les rectorats".

Nicolas Pucheu évoque une école de sa circonscription où trois personnes ont été testées positives sur environ 300 élèves, soit un taux de positivité de 1%, mais dans d'autres établissements, les cas positifs peuvent se compter par dizaines. En fonction des lieux où les tests salivaires sont déployés, les résultats peuvent donc varier.

Le refus d'une partie des parents

Autre problématique soulevée concernant la représentativité de ces résultats: le nombre de tests effectués. 250.000 tests auraient été réalisés la semaine dernière, selon les projections de Jean-Michel Blanquer, et la France compte plus de 6,5 millions d'élèves du premier degré. Si la totalité des tests proposés ne sont pas réalisés, c'est en raison du refus de certains enseignants - à qui les tests sont aussi proposés - et de parents, qui doivent donner leur accord pour leurs enfants.

"Quand c'est bien expliqué et que tout est clair, on enregistre une adhésion importante" des familles, explique Nicolas Pucheu, ce qui n'était pas le cas à l'annonce des tests salivaires par le ministre, selon ses observations.

"Les parents ont cru que leurs enfants se feraient tester dès la rentrée des vacances sans qu'on leur demande. On a dû faire de la pédagogie derrière". Il explique toutefois que le taux de refus a été très faible dans sa zone, chez les élèves comme chez les enseignants.

Guislaine David note que les taux d'acceptation sont plus élevés dans les zones particulièrement touchées par l'épidémie de Covid-19, que dans celles moins affectées, "peut-être parce qu'ils se sentent moins concernés". Une observation confirmée par le ministère de l'Education nationale.

"Cela arrive qu'un enfant asymptomatique soit remis à l'école"

Les données nationales présentées par Jean-Michel Blanquer sont une moyenne de ces résultats épars, mais les tests salivaires peuvent rester utiles au niveau d'un établissement ou d'une commune, pour éviter plus de contaminations ou qu'un cluster se crée.

Un élève positif doit en effet s'isoler avec sa famille - dont les membres sont donc cas contact - pour éviter d'autres contaminations. Mais les résultats des tests sont envoyés directement aux familles, qui choisissent ensuite d'informer, ou non, les établissements scolaires que l'enfant est contaminé. Il existe ainsi des cas de retours à l'école d'élèves ayant reçu un test positif, selon les remontées d'écoles aux syndicats interrogés par BFMTV.com.

"Les protocoles sanitaires ne sont pas respectés", déclare Rodrigo Arenas, co-président du syndicat de parents d'élèves FCPE. "Cela arrive qu'un enfant asymptomatique soit remis à l'école. On a des témoignages de mères célibataires qui sont obligées d'aller travailler, et qui ne peuvent pas le faire garder", raconte-t-il, rappelant que pourtant "quand vous êtes positif, votre famille est considérée comme cas contact".

Avec une surveillance et un contrôle limités, la stratégie Tester-Alerter-Protéger montre ainsi ses limites dans les établissements scolaires. Pour ces syndicats, il y a une différence entre le taux de positivité déclaré par les autorités sanitaires, qui se basent sur les résultats des tests, et le nombre d'élèves déclarés positifs par leurs parents aux écoles.

"Quand on trouve un cas positif on devrait tester tout le monde autour, comme les parents, pour trouver d'où vient ce virus, mais on est incapable de faire cela donc on laisse le virus circuler", déclarait mardi sur LCP l'épidémiologiste Catherine Hill.

Une incidence sur la circulation du virus?

Certaines écoles ont été testées plusieurs fois, dans un intervalle de 15 jours, note Guislaine David. Mais dans ce laps de temps, "un élève a le temps d'être contaminé et guéri", note-t-elle. "De toute façon les enfants sont négatifs lundi et contaminés le mardi par leurs parents ou la boulangère", lance Catherine Hill, pour qui cette démarche est "totalement inutile".

Selon les dernières données du ministère de l'Education nationale vendredi 19 mars, 63 écoles ont été fermées à cause de cas de covid. Elles étaient 25 le 12 mars, et 11 le 5 mars.

Mardi, le président Emmanuel Macron a annoncé que les enseignants feront partie des publics ciblés par la vaccination à partir du milieu ou de la fin du mois d'avril lorsque le nombre de vaccins disponibles aura augmenté. "A partir de mi-fin avril, nous allons avoir de plus en plus de vaccins qui vont arriver, cela va nous permettre d'envisager d'avoir des campagnes ciblées sur des professions qui sont exposées, à qui on demande des efforts. Les enseignants en font légitimement partie", a déclaré le chef de l'Etat.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV