Covid-19: le pic de la troisième vague "derrière nous"? Les soignants se montrent méfiants

En ouverture de son allocution jeudi soir, Jean Castex s'est laissé aller à une pointe d'optimisme. "Le pic de la troisième vague semble donc derrière nous et la baisse de la pression épidémique est engagée", a déclaré le Premier ministre, s'appuyant notamment sur la baisse de 17% du nombre de diagnostics positifs quotidiens de Covid-19. Malgré cela, 34.318 nouveaux cas ont été rapportés en 24 heures en France de mercredi à jeudi.
Ce chiffre, à l'instar de la circulation de l'épidémie elle-même, demeure élevé - d'autant qu'en parallèle, le nombre de tests PCR réalisé a diminué ces derniers jours. D'où la méfiance du corps soignant, qui s'inquiète de la levée imminente des restrictions de déplacement imposées aux Français.
"La situation, on ne sait pas la prévoir. En revanche on sait la comparer à celle qu'on a connue au Royaume-Uni au moment de la réouverture. (...) Au moment où le Royaume-Uni rouvre, ils sont à 2000 cas par jour, à même pas 30 décès par jour", rappelle auprès de BFMTV Jean-Stéphane Dhersin, spécialiste de la modélisation des épidémies.
"L'Île-de-France n'est pas une île"
En France, la situation est bien différente, beaucoup plus fragile. Quand bien même, Emmanuel Macron et son gouvernement ont décidé - pour l'instant - de procéder à la levée progressive des restrictions de déplacements à partir du 3 mai, suivie d'une réouverture tout aussi progressive de certains lieux, comme les terrasses, qui doit commencer deux semaines plus tard. Aux yeux des soignants, un tel calendrier risque fort d'augmenter la pression épidémique et, par conséquent, de saturer davantage nos hôpitaux.
"Nous voyons que dans certaines régions qui, jusqu'à maintenant, étaient relativement épargnées, il y a une tendance à la hausse qui est quand même assez importante", s'alarme au micro de BFMTV le professeur Enrique Casalino, infectiologue et directeur médical de l'hôpital Bichat à Paris.
Selon lui, le problème n'est pas réglé. "L'Île-de-France n'est pas une île (...) et les régions qui se considéraient comme très protégées ne l'étaient pas, parce qu'il a suffi d'un peu de mobilité de la population pour que ça ré-augmente", poursuit-il.
"Plateau extrêmement élevé"
À l'issue de la conférence de presse du Premier ministre jeudi, l'infectiologue Robert Sebbag (Pitié-Salpêtrière) a souligné sur notre antenne le fait que l'exécutif ne s'assignait plus d'objectifs chiffrés pour débloquer le pays. Exit par exemple le seuil à atteindre des 5000 contaminations quotidiennes, tel qu'il avait été brandi par le chef de l'État fin novembre, comme marqueur d'interruption du deuxième confinement.
"On note une légère baisse, mais on est quand même sur un plateau extrêmement haut. (...) On sait que mécaniquement, il y aura des gens hospitalisés", prévient le professeur Sebbag.
Cette stagnation s'explique, comme l'a indiqué l'infectiologue Christophe Rapp (Hôpital américain), par l'effet décevant des mesures de freinage mises en place par le gouvernement pour le mois d'avril.
"Ça reste tout à fait fragile, (...) la levée des restrictions début mai va devoir être surveillée de très près", affirme-t-il, faisant allusion au taux de reproduction du virus (R0), indicateur-clé correspondant au nombre de personnes infectées pour un seul malade.
Selon les dernières estimations, cet indicateur est très légèrement en-dessous de 1. S'il repasse au-dessus de ce seuil, cela signifera que l'épidémie progresse à nouveau, ce qui pourrait grandement compliquer, ou du moins ralentir, le processus de déconfinement progressif du pays. Pour pallier ce risque de flambée aggravée, l'exécutif mise essentiellement sur l'accélération de la campagne de vaccination. Avec comme objectif, comme l'a dit Jean Castex jeudi soir, de permettre aux Français de passer un été "le plus normal possible".